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Captation au Théâtre de Liège : "Lucie perd son cheval", portrait fictif d’une actrice et d’un théâtre

L'actrice Lucie Debay dans "Lucie perd son cheval" de Claude Schmitz

© DR

Lucie perd son cheval est un objet hybride, un film "de théâtre" dans la lignée de ceux de Peter Greenaway ou de Peter Brook (on pense notamment au Marat-Sade), des films donc réalisés à partir de "spectacles".

Il s’agit originellement d’une pièce du metteur en scène et réalisateur Claude Schmitz intitulé Le Royaume et qui s’ouvrait sur une séquence de vingt-cinq minutes tournées dans les Cévennes. La suite se passait dans un théâtre vide, abandonné, matérialisé dans les murs du Théâtre de Liège qui a accueilli les premières représentations du spectacle en Belgique à l’automne 2019 après une création à La Criée, Théâtre national de Marseille. La réalité rejoindra bientôt la fiction puisqu’en mars 2020 le confinement est décrété pour faire face tant bien que mal à l’épidémie ravageuse de Covid 19. Les salles de spectacles se retrouvent alors à l’arrêt, le Théâtre de Liège est vide.

Comme bon nombre de professionnels du spectacle vivant, Claude Schmitz s’interroge sur "des façons d’investir les théâtres afin qu’ils demeurent des lieux de création audacieux et ne deviennent pas des navires fantômes". Avec son équipe et soutenu par la direction du Théâtre, il décide "pour conjurer la situation", de tourner "non pas une captation objective du spectacle mais bien une réinterprétation de celui-ci dans un langage formel situé à mi-chemin entre le cinéma et le théâtre".

Cette captation devient Lucie perd son cheval, portrait fictif et poétique à la fois de l’actrice Lucie Debay et du Théâtre de Liège dont on découvre les couloirs, coulisses ou locaux techniques. Un lieu qui semble avoir sa volonté propre comme le fait remarquer le personnage du régisseur (interprété par Francis Soetens, acteur non professionnel au langage fleuri nourri entre autres par son goût pour les chansons d’Hubert Félix Thiéfaine, Brel, ou Renaud, et avec qui Claude Schmitz collabore depuis une dizaine d’années) :

J’ai comme l’étrange sensation que ce théâtre est comme une entité qui recherche sa propre autonomie…

Lucie perd son cheval devient quelque part une archive de ce moment si particulier qu’était le confinement. Le film d’ailleurs a aussi un côté documentaire puisque la fiction est largement nourrie par la vie. En effet, la protagoniste principale n’est autre que Lucie Debay qui joue son propre rôle (comme d’ailleurs tous les personnages qui portent les noms des acteurs qui leur prêtent leurs traits). À l’écran, on découvre sa vie quotidienne, ces vacances dans les Cévennes avec sa grand-mère qui est effectivement sa propre grand-mère, sa fille, qui est effectivement sa fille… Là, elle s’interroge sur son métier d’actrice, sa condition de mère, de femme.

Une question la hante : comment être là, au présent ? Car il s’agit de la quête de l’acteur : s’inscrire dans le moment présent. Pour le moment, Lucie semble éprouver des difficultés à y parvenir. L’indolence l’incite à la rêverie. Lucie, qui doit jouer Cordélia dans le Roi Lear, s’imagine à cheval et en armure. Par mégarde, elle va perdre sa monture. Elle fait alors la connaissance de deux chevaleresses "amies" qui, comme elle, sont contraintes d’aller à pied. Leur vie ? C’est "être libre, c’est l’aventure, c’est voir les paysages défiler, choper un mec et repartir de plus belle, sauter toute nue dans l’eau glacée et dormir à la belle étoile, s’entraîner au combat".

Lucie perd son cheval est une ode à la liberté, et notamment à celle du réalisateur qui s’affranchit de toutes les règles classiques et donne à son film une esthétique multiple et inclassable. Des images d’ouvertures réalistes qui évoquent le grain chaud des films de vacances réalisés en Super 8 dans les années 70, on passe à un univers sombre et psychédélique, onirique et inquiétant. Pêle-mêle, il nous semble entrapercevoir des évocations du cinéma de Rohmer, de Zeffirelli, des Monty Python et de Baz Luhrmann.

Lucie perd son cheval est une œuvre baroque qui donne le goût de l’introspection.

Informations pratiques

Après une sortie en salle à l’automne 2022, Lucie perd son cheval est disponible sur Auvio puisque le film fait partie de la septantaine de captations réalisées par la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour soutenir le secteur du spectacle vivant durement touché lors de la crise sanitaire (et maintenir par la même occasion un lien avec les amateurs de spectacles alors privés de salles).

Le film sera diffusé au cinéma L'Écran à Ath, le 15 février en présence du réalisateur

Lucie perd son cheval

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