Santé & Bien-être

Carolyn Bertozzi, Nobel 2022, met sa chimie au service de la santé

Carolyn Bertozzi, prix Nobel 2022 en chimie, sur une photographie fournie le 5 octobre 2022 par son université de Stanford, en Californie

© Andrew Brodhead

Tout juste récompensée d’un prix Nobel, Carolyn Bertozzi, professeure à Stanford, en Californie, cherchait au départ juste à pouvoir observer l’évolution de certaines molécules à la surface de cellules cancéreuses. Aujourd’hui, grâce à ses découvertes, au moins deux entreprises – dont une qu’elle a cofondée – développent des traitements novateurs contre le cancer.

Mais la multitude d’applications permises par son invention est impressionnante : délivrer un remède de façon ultra-précise, identifier les cibles de médicaments dans le corps, visualiser certaines bactéries…

"La majorité d’entre elles, je ne les aurais jamais imaginées en 1997", lors de son tout premier projet, a-t-elle déclaré à l’AFP. Mais c’est bien l’ampleur de cette découverte, baptisée chimie bioorthogonale, que le comité du prix Nobel a saluée mercredi en faisant d’elle la huitième femme couronnée du prix de chimie, à seulement 55 ans.

Jeu de lego

Arrivée à l’université UC Berkeley au terme de ses études, elle souhaite se pencher de plus près les glycanes : des glucides situés à la surface des cellules, qui "changent de façon structurelle" lorsqu’elles deviennent cancéreuses. Mais à l’époque, "il n’y avait aucun moyen de visualiser ces glucides", par exemple au microscope, explique Carolyn Bertozzi. Son idée : utiliser deux substances chimiques qui s’associent parfaitement, comme des legos.

Le premier lego est introduit dans la cellule via un sucre. Une fois métabolisé, ce lego se place au bout du glycane, à la surface de la cellule. Puis le deuxième lego est injecté dans le corps, en étant équipé d’une molécule fluorescente. Les deux legos s’emboîtent, et le tour est joué : les fameux glucides peuvent être vus au microscope.

Cette technique s’inspire de la "chimie click" développée séparément par le Danois Morten Meldal et de l’Américain Barry Sharpless – également récompensés du Nobel mercredi. Mais eux utilisent alors du cuivre, toxique pour l’organisme. La prouesse de Carolyn Bertozzi est d’avoir rendu possible cette réaction dans le corps humain, sans cuivre.

Autre tour de force : ces legos ne s’emboîtent avec aucun des "millions d’autres jouets très similaires" présents dans le corps, explique avec pédagogie la chercheuse. C’est pourquoi elle baptise cette chimie de "bioorthogonale", ce qui signifie : qui n’interagit pas avec le vivant. Peaufiner la technique lui aura pris 10 ans.

Grâce à cette avancée, Carolyn Bertozzi peut désormais mieux comprendre le processus à l’œuvre quand un cancer se développe. "Ces glucides à la surface de la cellule cancéreuse sont capables de cacher la cellule malade aux yeux du système immunitaire, de la rendre invisible. Donc votre corps ne peut pas la combattre, car il ne la voit pas", explique-t-elle.

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