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"Casser les codes" avec Barbara Viciencio, Data Scientist

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Par Sarah Lohisse pour Les Grenades

Seuls 14% des postes dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont occupés par des femmes. Face au déséquilibre que représente le monde de la tech, le documentaire "Casser les codes" de Safia Kessas est partie à la rencontre de femmes qui font bouger les lignes. Pour ce dernier portrait d’une série de femmes que vous découvrirez dans le documentaire, rencontre avec Barbara Viciencio, Data Scientist.

Cela fait près de deux ans et demi que Barbara Viciencio est Data Scientist chez Gaming1, une boîte basée à Liège qui s’occupe des jeux d’argent. Par soucis de confidentialité, elle ne peut pas précisément nous expliquer ce qu’elle fait, mais définit son rôle comme un "travail dans le département technologique, qui permet l’optimisation des différents projets de l’entreprise". Comme pour la développeuse Hélène Ruelle, la tech ne s’est pas non plus imposée tel une évidence dans sa vie.

Un commencement comme océanographe

Chilienne d’origine, elle est arrivée en 2003 en Espagne avec sa maman et ses trois sœurs. À 18 ans, elle a commencé à étudier l’océanographie. "Ma mère s’est sacrifiée. Elle avait une belle vie au Chili. Elle a décidé de déménager en Europe pour qu’on puisse toutes bénéficier d’études universitaires, parce qu’au Chili, c’est trop onéreux", raconte-t-elle.


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Une opportunité qu’elle n’a pas lâchée puisqu’elle continue : "J’aimais tellement mes études que je les ai finies en quatre ans et demi au lieu de cinq". Une passion qu’elle n’a malheureusement pas pu concrétiser après son Master, à son arrivée en Belgique en 2013.

 

Les ordinateurs et moi, au début, nous avions une relation spéciale. Ce n’était pas mon truc du tout

Plonger dans le digital

Sans emploi, elle a commencé à travailler comme serveuse dans l’HORECA à Liège. Un métier qu’elle n’a pas pu maintenir à l’arrivée de son garçon, Martin, en raison des horaires compliqués et décalés que la restauration impose. "En regardant les formations du Forem, j’ai vu qu’il y en avait une dans le domaine de la biotechnologie. Étant donné que je suis océanographe, je me suis dit que ça pourrait m’intéresser et m’y suis inscrite de façon naïve. Je ne savais pas à quoi ça pouvait aboutir. C’est là que j’ai appris à coder, et j’ai constaté que ça n’était pas si compliqué. De base, ça ne m’attirait pas, je ne savais même pas que ça existait", dit-elle.


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C’est donc un petit peu par hasard, en 2016, qu’elle s’est retrouvée dans le bain de la tech, en codant. En faisant la formation, elle a observé que celle-ci menait à un certain nombre de débouchés : "Je voulais absolument sortir du chômage et avoir un boulot pour avoir une belle vie. Je ne savais pas ce qu’il y avait derrière. Je l’ai découvert au fur et à mesure".

La formation offerte par le GIGA (Groupement Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée) et Le Forem dure quatre mois à temps plein, et propose ensuite un stage de deux mois. "Quand j’ai commencé à faire la formation, je ne peux pas dire que j’adorais. C’est en persévérant que j’ai eu envie de continuer à apprendre."

"Au début, j’ai un peu souffert parce que le langage était compliqué, mais en m’accrochant ça a été. Durant le stage, j’ai appris un autre langage : python, un langage de programmation assez facile à comprendre pour des personnes qui ne sont pas familiarisées avec l’informatique. Il faut dire que les ordinateurs et moi, au début, nous avions une relation spéciale. Ce n’était pas mon truc du tout", sourit-elle.

Dans cette boîte, il y avait peu de femmes, et je recevais beaucoup de commentaires misogynes et fascistes de la part de mon manager.

Bro culture

Au terme de son stage, on lui a proposé un CDI pour devenir Business Data Analyst. Une expérience qui lui fut compliquée. "J’ai beaucoup déménagé pour ce boulot. Dans cette boîte, il y avait peu de femmes, et je recevais beaucoup de commentaires misogynes et fascistes de la part de mon manager. Tout le monde rigolait à ses 'blagues'. Lors d’une évaluation (qui s’est révélée bonne), je lui ai fait part de mon mécontentement. Un mois plus tard, il a utilisé un manque de flexibilité – car j’ai refusé d’aller travailler à Bruxelles parce que je devais garder mon fils à Liège – comme prétexte pour me licencier", souligne-t-elle.

Son parcours a d’ailleurs pu être freiné parce qu’elle était mère célibataire. "J’ai dû refuser des jobs. Quand c’est la semaine avec mon fils, si je ne suis pas à 18 heures à l’école, elle ferme. C’est une question qu’on m’a posée dans les entretiens d’embauche et j’ai toujours été sincère", fait remarquer la Data Scientist.


►►► À lire aussi : "Casser les codes" : Rima Farhat et Nadia Aimé, les expertes des Cloud


Un métier accessible à tou.tes

Aujourd’hui dans son entreprise, le problème ne se pose heureusement pas. Une situation qui lui permet de profiter amplement de son travail. "J’adore écrire un code, mais je déteste le débuguer ! J’aime bien partir de zéro et créer la structure, ça me plaît beaucoup", précise Barbara. Elle encourage d’ailleurs tout le monde à se lancer : "J’avais peur, je ne me sentais pas légitime – mais on l’est tout autant que les mecs. J’aime ce métier parce qu’il m’a donné de la qualité de vie. Tout le monde est capable le faire".

Elle l’aime tellement, qu’elle conseille à tous ceux qu’elle croise d’apprendre à coder. "Tout le monde peut avoir un poste, même sans avoir un titre universitaire", termine-t-elle.

Le documentaire "Casser les codes" de Safia Kessas est à découvrir en avant-première au Kinograph le 7 décembre prochain, ainsi que le 8 décembre à 23 heures sur la Une.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

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