Belphegor. Un cinéma de quartier parisien dans les années soixante. C’est le point de départ de l’enquête d’une jeune journaliste qui cherche à retrouver les traces de Max Toppard. Un cinéaste omniprésent aux côtés des plus grands, mais dont toute trace semble avoir mystérieusement disparu. Ses recherches réveillent des spectres de plus en plus menaçants : films interdits, acteurs fous, producteurs assassins. Des Frères Lumière aux films des années 1960, 'Ce que l’on sait de Max Toppard', aux éditions Albin Michel, est le nouveau roman de Nicolas d’Estienne d’Orves. Pour Entrez sans frapper, l’auteur nous dévoile son illusion cinématographique.
" Je prends toujours des livres qui me permettent d’explorer un sujet qui me passionne. Une sorte de justification intellectuelle pour passer des heures et des heures, voire des mois, à creuser un sujet. Là j’avais envie d’écrire sur le cinéma qui est une de mes passions premières. J’ai voulu donner un coup de chapeau, un grand hommage à tous ces pionniers, des gens du premier siècle du cinéma qui ont été des inventeurs, des créateurs, des découvreurs. "
Démêler le vrai du faux
Max Toppard, de son vrai nom Maurice Taupar. Né en 1899, mort en 1942 dans un incendie. A 13 ans, il apparaît sur les plateaux aux côtés de Charles Pathé et Max Linder. La première guerre mondiale éclate bientôt, et les studios français sont à l’arrêt. Il s’exporte à Hollywood, et est figurant puis assistant de D.W. Griffith. Ensuite de Charlie Chaplin. Plus tard, de retour en France, on le retrouve sur des plateaux de tournage de nombreux chefs-d’œuvre dans les années 30 et sous l’Occupation : Renoir, Duvivier, Carné, Feyder, Vigo. Pourtant, il n’est jamais crédité au générique. L’absence de témoignages, de photographies, de documents a toujours jeté le doute sur l’existence même de Max Toppard. Le roman tente de démêler le vrai du faux sur son existence.
L’illusion cinématographique
" C’est un livre sur l’art de l’illusion. Le cinéma c’est l’art de l’illusion. Faire croire qu’on peut entrer dans l’écran et accéder à un monde parallèle. Max Toppard, c’est l’histoire du cinéma qui court depuis l’invention du cinématographe jusqu’aux années quarante puis soixante. C’est celui qui aurait tout imaginé, eu l’intuition, plus que les autres. La littérature est un jeu, un jeu de rôle, on s’invente un monde. Un livre est un monde parallèle, exactement comme un film ou un tableau, on rentre dedans, et là on passe de l’autre côté de l’écran. Dans mes derniers romans, je mélange toujours la réalité, la fiction, comme on dit : " Le vrai est un moment du faux ". Où commence le réel, ou se finit l’imaginaire ? Je secoue le shaker, ce qui en sort c’est du vraisemblable, du possible. "
D’une invention à un art, la naissance d’une industrie
L’intrigue du roman est surtout un prétexte pour revisiter une période fascinante. Capturer une image, immortaliser la lumière, un processus qui a demandé des siècles d’expérimentations. Les prémices dès le onzième siècle avec la camera obscura et les lanternes magiques du dix-septième siècle. Dès 1825, la découverte de la persistance rétinienne qui donne l’illusion d’une image animée, à l’aide à l’aide d’un petit carton en rotation ou de procédés mécaniques. Puis c’est l’invention du cinématographe, la description du mouvement, du grec kinema et graphein.
" En 1895, on assiste aux premiers essais des frères lumières. En 1915 ce sont les premiers films de Griffith. Il s’est passé 20 ans, ce n’est rien ! Le cinéma est d’abord une astuce technique, ensuite il devient une curiosité de foire, ensuite de l’art, puis une industrie, cela en très peu de temps. Des Frères Lumière à Méliès, de Mélies à Max Linder, de Charles Pathé à Hollywood, c’est un moment extrêmement ramassé. La technique s’inventait au fur et à mesure. Le cinéma se faisait avec des bouts de ficelle. Je voulais parler de tous ces gens qui ont fait l’histoire du cinéma mais qui n’ont pas laissé de traces. Les anonymes, les oubliés de l’histoire. C’est seulement au lendemain de la première guerre mondiale que l’on parle de septième art et que l’on commence à théoriser le cinéma. "
Explorer les époques
Le roman ‘Ce que l’on sait de Max Toppard’est le troisième ouvrage d’une trilogie. ‘Les fidélités successives’ plongeait dans les années 40 dans le milieu de la presse, ‘La gloire des maudits' dans le milieu de l’édition dans les Années 50. L’héroïne de ce dernier roman est une jeune journaliste des sixties.
" J’avais envie de mettre en scène les années soixante qui sont une période qui m’amuse. J’aime me plonger dans une époque, la décrire très précisément, beaucoup travailler sur ce que l’on voit dans la rue, quelles sont les émissions de télévision, de radio, ce que lisent les gens, ce qu’ils mangent. Faire un tableau très précis, et à l’intérieur de cette précision, instiller de la fantaisie, de l’imagination et de la folie. "