Certaines personnes ont-elles reçu un placebo au lieu du vaccin contre le Covid-19 ?

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Parmi les nombreuses rumeurs et fausses informations circulant à propos des vaccins contre le Covid-19, l’une d’entre elles suggère que certaines personnes auraient reçu, à leur insu, des piqûres d’une solution placebo sans aucun effet, au lieu du vaccin. Il est correct que plusieurs volontaires ont reçu une dose de placebo dans le cadre des essais cliniques des vaccins. Mais les rumeurs à ce sujet s’accompagnent souvent de théories d’un complot mondial, comme l’idée que les personnes vaccinées seraient des "cobayes" ou que des placebos seraient administrés à une partie de la population durant la campagne générale de vaccination, afin de dissimuler les effets néfastes des vaccins anti-Covid.


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Sur les réseaux sociaux ou dans des messageries sécurisées comme Telegram, des publications affirment qu’une partie de la population aurait reçu non pas une dose de vaccin mais une solution placebo, certaines affirmant même que "30% des vaccins de la Covid-19 sont des placebos".

Via la plateforme de lutte contre la désinformation Faky, un internaute nous interroge également sur une rumeur qui viendrait d’un médecin et qui voudrait que, "durant la campagne de vaccination anti-Covid, certains avaient reçu un placebo à la place du vaccin, soi-disant pour évaluer les effets secondaires du vaccin".

Dans le cadre d’un essai clinique, un placebo est un produit sans effet actif. Il est utilisé en comparaison avec la substance dont on veut mesurer l’efficacité.

Les essais de "phase trois"

Une de ces idées trouve racine dans le fait que les vaccins, comme ceux mis sur le marché par Pfizer/BioNTech ou Moderna, se trouvent encore dans la "phase trois" de leurs développements. Il est exact que les études de phase trois prendront fin le 2 mai 2023 pour celui de Pfizer et le 27 octobre 2022 pour celui de Moderna.

Certaines images circulent sur les réseaux sociaux pour appuyer le fait que des placebos seraient donnés en lieu et place des vaccins. La date de fin de l'essai contenue dans l’image ci-dessous était exacte (elle a depuis été prolongée au 2 mai 2023) mais l’utilisation de placebo ne concerne que les essais cliniques réalisés avec des volontaires.

Capture d'écran circulant sur les réseaux sociaux pour appuyer le fait que des placebos seraient donnés en lieu et place des vaccins.
Capture d'écran circulant sur les réseaux sociaux pour appuyer le fait que des placebos seraient donnés en lieu et place des vaccins. © Faky

Cette incompréhension rejoint la conception selon laquelle les personnes vaccinées seraient donc des "cobayes", soumis à un produit encore en pleine expérimentation. Comme Faky l’expliquait dans un précédent article, une telle affirmation est trompeuse. Dans le contexte exceptionnel qui a été celui de la production des vaccins contre le Covid-19, le fait que les essais de phase 3 ne soient pas terminés n’est en rien un signe que les produits administrés ne sont pas fiables.

Comme le rappelait le professeur en immunologie de l’ULB, Eric Muraille : "Les vaccins contre le Covid-19 utilisés en Europe ont passé avec succès les études cliniques de phase 1, 2 et sont à plus d’une année de phase 3. Or, statistiquement, la très grande majorité des effets secondaires résultant de l’administration d’un vaccin sont observés durant les six premiers mois".

Différencier essais cliniques et campagne de vaccination

Il convient ici de faire la distinction entre les essais cliniques et les campagnes de vaccination. Les essais cliniques de phase trois sont réalisés sur un groupe défini de personnes volontaires, et ont notamment pour objectif de déterminer son efficacité par rapport à un placebo.

"Au sein des groupes, 50% des gens reçoivent le vaccin, et 50% reçoivent un placebo. Les personnes chargées de mesurer, d’enregistrer et d’évaluer les changements chez les participants à la recherche ne savent pas quels participants ont reçu un traitement et lesquels ont reçu un placebo. La sélection est faite par tirage au sort, ce qu’on appelle alors une étude randomisée", explique Jean-Michel Dogné, directeur du département de pharmacie de l’UNamur et expert au comité mondial de sécurité vaccinale de l’OMS, à l’AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé) et à l’Agence européenne du médicament (EMA).

L’utilisation de placebos est donc restreinte à ces groupes tests, les campagnes de vaccination pour la population ne sont pas concernées. "Il faut bien comprendre que les gens qui participent aux études ne reçoivent pas un placebo à leur insu, mais sont parfaitement au courant des conditions de l’étude et signent un formulaire de consentement éclairé. De plus, il serait impossible de réaliser un suivi similaire à ce qui est réalisé dans les phases d’étude, pour l’intégralité de la population qui aurait reçu un vaccin", rappelle Jean-Michel Dogné.

La vaccination pour ceux qui ont participé aux essais cliniques

Au Royaume-Uni, la question du statut vaccinal des personnes qui ont reçu un placebo dans le cadre d’une étude a fait l’objet de discussions au Parlement.

Une déclaration du sous-secrétaire d’État parlementaire pour le déploiement du vaccin Covid-19 a suscité des incompréhensions. Nadhim Zahawi avait déclaré le 22 juillet 2021 que les personnes ayant reçu un placebo pendant les phases de test "seront considérées comme entièrement vaccinés, qu’ils aient reçu le placebo ou le vaccin".

Capture d’écran d’une publication circulant sur Internet.
Capture d’écran d’une publication circulant sur Internet. © Faky

Comme l’a précisé le site de vérification Full Fact, au Royaume-Uni, les personnes ayant reçu un placebo sont considérées comme vaccinés, mais uniquement durant la durée des essais et pendant les 16 semaines suivantes. Période après laquelle ils seront invités à se faire vacciner. Contacté à ce sujet par le site de vérification, le ministère britannique de la Santé et des Affaires sociales avait expliqué cette décision par la volonté ne pas désavantager ceux qui auraient reçu ou recevraient un placebo dans le cadre des essais.

Il faut aussi rappeler que les candidats qui ont participé à des phases d’études peuvent se faire vacciner quand ils le souhaitent. "Chaque personne peut arrêter l’étude à n’importe quel moment et sans aucune restriction", explique Jean-Michel Dogné. Pour le Pzifer, à mesure que l’efficacité du vaccin a fait ses preuves, les participants aux études qui ont reçu un placebo se sont de toute façon vu proposer une vraie vaccination.


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C’est ce qu’indiquent les résultats d'une étude sur l'efficacité du vaccin Pfizer à six mois, disponible en ligne : "À partir de décembre 2020, après que BNT162b2 (vaccin Pzirer, ndlr) soit devenu disponible en vertu d’autorisations d’utilisation d’urgence ou conditionnelles, les participants âgés de 16 ans ou plus qui sont devenus éligibles à la vaccination contre le Covid-19 conformément aux recommandations nationales ou locales, ont eu la possibilité d’apprendre dans quel groupe ils se trouvaient. Ceux qui avaient été désignés au hasard pour recevoir un placebo se sont vu proposer BNT162b2".

Ainsi, bien que les observations de phase 3 sont toujours en cours et seront amenées à se prolonger pendant deux ans pour le vaccin Pfizer, "la plupart des participants qui ont initialement reçu un placebo ont maintenant été immunisés avec BNT162b2, mettant ainsi fin à la période de contrôle par placebo de l’étude".

Du sérum physiologique nécessaire pour préparer le vaccin de Pfizer

Les théories affirmant qu’une partie de la population est soumise à des injections d’un placebo sans en être avertie, se nourrissent parfois de situations bien réelles.

En avril 2021, plusieurs cas d’erreurs ont également été rapportés en France. Le 3 avril 2021, un centre de vaccination des Hauts-de-Seine a par exemple administré du sérum physiologique au lieu du vaccin Pfizer à 54 personnes.

Le 15 avril, une situation similaire s’est produite dans un centre de vaccination à Deauville, dans le Calvados. 180 personnes étaient alors concernées. Le 20 avril, c’est 140 personnes qui ont reçu une dose de sérum physiologique, à Epernay, dans le Grand Est.

Dans chacune de ces situations, les erreurs ont rapidement été remarquées par les soignants et les patients concernés ont été invités à prendre un nouveau rendez-vous pour se faire, cette fois-ci, vraiment vacciner. Dans les cas où le sérum physiologique a été injecté à la place du vaccin anti-Covid, c’est d’ailleurs le Comirnaty de Pfizer qui était concerné.


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La présence de sérum physiologique dans les centres de vaccination s’explique par le fait que ce dernier est nécessaire à la préparation du vaccin Pzifer/BioNTech, qui doit être reconstitué par les soignants. Comme le rappelle aussi Libération, les vaccins de Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson ne nécessitent pas de préparation.

En Belgique, les différentes étapes nécessaires à la préparation du vaccin Pfizer sont réalisées par une seule et même personne, comme l’explique Pierre-Louis Dedon, médecin inspecteur d’hygiène à la Cocom et référent médical à la campagne de vaccination de Bruxelles-Capitale. "La personne injecte 1.8 ml de sérum physiologique dans le flacon de vaccin, mélange doucement et fait le prélèvement avec une seringue."

Comment expliquer ces erreurs ?

Des erreurs pourraient survenir, comme l’explique le Parisien, si les injections de sérum physiologique sont réalisées dans des flacons de vaccin qui seraient en fait vides du fait de leur utilisation.

Une autre explication pourrait être la dilution par erreur d’un flacon qui aurait déjà été dilué au préalable, mais d’après le médecin, la marge d’erreur est faible : "Normalement, les flacons déjà utilisés sont jetés, on peut aussi les repérer grâce à la marque laissée sur l’opercule par le passage de l’aiguille".

Reste la possibilité d’une manipulation intentionnelle "qui aurait pu être réalisée par une personne anti-vaccin travaillant dans un centre", suggère Pierre-Louis Dedon.

Cette éventualité rappelle ce qui s’est passé en Allemagne il y a quelques mois, où une infirmière a admis avoir administré de la solution saline à six patients au lieu du vaccin. Elle a d’abord expliqué son geste en affirmant avoir essayé de dissimuler le fait qu’elle aurait fait tomber un flacon de vaccin. Les policiers en charge de l’enquête avaient par la suite remarqué les publications anti-vaccination partagées sur les réseaux sociaux par l’infirmière en question, qui a d’ailleurs refusé de coopérer avec les enquêteurs suite à son arrestation.

Les soupçons portaient initialement sur une demi-douzaine de doses. Finalement, c’est 8557 patients passés par le centre de vaccination qui ont été appelés à se refaire vacciner, les autorités ne sachant pas définir précisément qui était concerné par ces injections de doses de solution saline.

Pas de placebos dans les campagnes de vaccination

L’utilisation de placebos est une réalité qui concerne uniquement les essais cliniques pour les vaccins réalisés dans des groupes de personnes volontaires et parfaitement conscientes qu’elles ont pu recevoir un placebo. A mesure que les essais et la recherche avancent, une vaccination effective est proposée aux participants qui auraient reçu un placebo. Les phases de tests qui sont amenées à durer pendant plusieurs années sont donc à distinguer des campagnes de vaccination pour la population.

Les injections de sérum physiologique survenues dans les centres de vaccination en France ont été signalées et les personnes concernées appelées à se faire vacciner. En Belgique, ce type d’erreur reste très peu probable, et aucun problème de cet ordre n'a été signalé à ce jour. 

Enfin, assurer le suivi de l’ensemble de la population vaccinée et des personnes ayant reçu un hypothétique placebo – comme le suggèrent certaines théories – serait très difficile à mettre en place d’un point de vue logistique, et ne repose sur aucun élément concret.

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