Chroniques Culture

Ces Belges à (re) découvrir : Léonie La Fontaine, une vie pour la paix et les droits des femmes

Léonie La Fontaine

© Mundaneum - domaine public

Léonie La Fontaine fait partie de ces femmes peu connues du grand public et qui ont pourtant contribué à faire bouger les choses dans notre pays. La Bruxelloise fut l’une des figures du féminisme en Belgique et a fait progresser l’éducation des femmes aux 19e et 20e siècles. Pacifiste convaincue, elle a œuvré pour une meilleure accessibilité des connaissances en participant à l’ambitieux projet du "Mundaneum".

Léonie La Fontaine

Léonie naît le 2 octobre 1857 dans une maison bourgeoise de la capitale. Elle est élevée dans des valeurs progressistes et libérales, et ses parents sont très actifs dans le domaine de l’éducation des femmes et de la promotion de la paix. C’est donc sans surprise que son frère aîné Henri s’engage en politique, au sein du Parti Ouvrier belge, l’ancêtre du PS. Intellectuel, spécialiste en droit international et défenseur de la laïcité, son travail de pacifiste sera reconnu internationalement, puisqu’il ne recevra rien de moins que le Prix Nobel de la paix en 1913.

Mais Léonie n’est pas seulement "la sœur de". Si l’Histoire a eu tendance à l’effacer au profit de son frère, elle n’a pas moins été hyperactive dans le milieu associatif de son époque.

En 1888, l’affaire Popelin défraie la chronique. Marie Popelin, première femme diplômée en droit, se voit refuser l’accès au barreau au seul titre qu’elle est une femme. Léonie est outrée par l’absurdité de la situation. A quoi bon autoriser les femmes à étudier le droit si on ne les laisse pas devenir avocates ou magistrates ? Afin de défendre les droits des femmes, elle décide de s’impliquer dans la création de la toute première association féministe en Belgique, la Ligue belge du droit des femmes.

L’association, cofondée par Popelin, réunit quelque 300 membres, beaucoup de femmes mais aussi des hommes, dont Henri La Fontaine. Léonie est la présidente de la section consacrée aux œuvres de bienfaisances. A ses côtés, on trouve d’autres figures belges de la lutte féministe comme Isala Van Dienst ou Isabelle Gatti de Gamond.

Léonie fera partie de plusieurs autres organismes en faveur des droits des femmes. Mais elle milite aussi contre l’alcoolisme, vu comme un mal typiquement masculin et courant dans les classes populaires, contre la guerre, la débauche, et pour la protection des mères et des enfants. Le féminisme de Léonie, c’est un féminisme que l’on appelle aujourd’hui "essentialiste", car il réduit le rôle des femmes à ces quelques luttes dans lesquelles elles auraient plus de légitimité que les hommes. Pour Léonie et beaucoup de ses contemporaines, les femmes sont naturellement plus douces, pacifiques, ont un caractère plus social. Il est donc normal qu’elles s’occupent de ces questions, et non pas de politique plus régalienne.

"Appel aux femmes" du Parti général des Femmes belges, fondé par Léonie La Fontaine et Marie Parent.

Cela n’empêche pas Léonie La Fontaine d’être à l’initiative du tout premier parti féminin de Belgique, et l’un des rares à avoir existé. Le Parti général des Femmes belges veut transcender les clivages politiques en rassemblant toutes les femmes autour d’un même projet. Une liste se présente aux élections de 1921, les femmes n’ayant pas le droit de vote universel mais pouvant se faire élire. Aucune candidate de la liste ne le sera.

Mundaneum : la paix par le savoir

Comme son frère, Léonie est convaincue que la paix mondiale ne pourra s’atteindre que si le savoir est accessible au plus grand nombre. Avec le concours du bibliographe Paul Otlet, les La Fontaine participent activement à la création d’une institution qui va marquer le monde de la documentation : l’Institut international de bibliographie, chargé de mettre sur pied le répertoire bibliographique universel.

L’idée est de rassembler dans un seul endroit tout le savoir du monde, ou du moins le moyen d’y accéder. Des millions de fiches sont rédigées à propos d’ouvrages, de livres, de journaux de toutes sortes. Ces fiches répertorient toutes les informations utiles : auteur, date, sujet traité, endroits où le document peut être consulté. Elles seront stockées dans meubles spécialement conçus pour ça, que l’on retrouve encore aujourd’hui dans beaucoup de bibliothèques.

Des millions de fiches comprises dans des milliers de tiroirs, dont certains sont encore exposés au Mundaneum de Mons.
Des millions de fiches comprises dans des milliers de tiroirs, dont certains sont encore exposés au Mundaneum de Mons. © Mundaneum

Pour mieux s’y retrouver dans un tel amas d’informations, Otlet et les La Fontaine mettent sur pied un système de classification des ouvrages en fonction de leur sujet. La "Classification Décimale Universelle" est encore aujourd’hui un système utilisé dans le monde entier.

Rassembler tout le savoir en un seul endroit, c’est un projet qui peut paraître utopique. Pourtant, il aura directement influencé une autre création révolutionnaire : le World Wide Web. Le Mundaneum d’Otlet et des La Fontaine, c’est un peu le premier moteur de recherche de l’Histoire.

Léonie rédigera de sa main des centaines de fiches, tout en s’intéressant particulièrement aux sujets liés aux femmes. C’est en grande partie grâce à elle que cette base de données documentaire comportera également des écrits de femmes. Aujourd’hui, l’héritage de cette entreprise colossal est conservé à Mons, au Mundaneum, qui a d’ailleurs mis Léonie au centre de sa dernière exposition "Portraits de femmes".

Le 26 janvier 1949, Léonie décède à l’âge de 91 ans. Le droit de vote universel pour les femmes a été voté quelques semaines plus tôt, en 1948. Vu son grand âge, on ne sait pas vraiment si elle eut conscience que le combat de sa vie venait enfin d’aboutir. Elle n’aura jamais l’occasion d’exercer ce droit pour lequel elle avait œuvré, puisque les premières élections ouvertes aux femmes se tiendront cinq mois après son décès.

Pour en savoir plus sur Henri La Fontaine, le frère de Léonie, écoutez "1000 jours dans l’Histoire"

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