Patrimoine

Ces "mains de bébés" préhistoriques sont-elles vraiment humaines ?

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Par Johan Rennotte

Il y a 8000 ans de cela, dans le désert libyque, à l’ouest de l’Egypte, des êtres humains peignaient leurs mains sur les parois de la grotte de Wadi Sora II. Des empreintes de toutes les tailles, y compris de toutes petites menottes que les archéologues ont identifiées comme étant des mains de bébés préhistoriques. Une thèse qui n’a pas convaincu l’archéologue et anthropologue belge Emmanuelle Honoré. Selon la chercheuse de l’ULB, ces petites mains ne sont pas vraiment humaines.

Découverte en 2002, la seconde grotte de Wadi Sora abrite de vraies fresques d’art pariétal. Représentant des animaux, de mystérieuses figures sans tête (qui ont valu à l’endroit le surnom de "grotte des bêtes") ou encore les mains des artistes, les peintures il y a plus de 8 millénaires par nos lointains ou lointaines ancêtres. Si les motifs de mains sont connus en art pariétal, aucun n’avait auparavant été retrouvé dans le Sahara, et aucun n’a depuis été découvert dans cette partie du monde. Ce qui fait donc de Wadi Sora II un lieu unique. Les empreintes étaient réalisées en pochoir, c’est-à-dire que les artistes peignaient autour de leur main, ou de la main d’un modèle, posée sur la paroi.

Parmi plusieurs dizaines de mains adultes, les scientifiques ont répertorié treize empreintes bien plus petites que les autres. Tout d’abord, elles ont été prises pour des mains de bébés. Certaines de ces petites menottes sont pochées à l’intérieur d’une main plus grande, comme si les mains des parents et des enfants s’étaient rejointes pour l’éternité.

Mais l’histoire aurait été trop belle. Pour Emmanuelle Honoré, quelque chose n’allait pas. La morphologie n’est en effet pas celle que l’on attendrait d’un être humain, même nouveau-né. C’est la petitesse de la main et la longueur des doigts qui a laissé la scientifique perplexe. Depuis sa première visite, en 2006, elle a tenté de comprendre pourquoi les mains de bébés étaient si menues.

C’est en mesurant les mains de nouveau-nés dans un hôpital français qu’Emmanuelle Honoré et ses collègues médecins ont pu déterminer qu’il n’était en effet pas possible que les motifs aient été pochés à partir de doigts de bébés, même préhistoriques. Impossible également que les peintures aient été réalisées avec des mains de singes, puisque les mesures ne correspondent pas non plus aux mimines de nos lointains cousins. Mais quelle créature a bien pu prêter sa patte à l’exercice ?

Ce sont les scientifiques du musée d’Histoire naturelle de Paris qui ont mis la chercheuse de l’ULB sur une piste : celle des reptiles. Il est en effet plus que probable que les empreintes aient été faites grâce aux phalanges d’un varan du désert. Mieux encore, l’étude a pu démontrer que les treize motifs ont été faits avec le concours du même animal. Un seul individu de cette espèce qui est considéré aujourd’hui comme étant protectrice pour certains peuples de la région. L’était-elle déjà à la Préhistoire ? Difficile à dire. La découverte pose encore beaucoup de questions. Ces animaux ont-ils été domestiqués d’une façon ou d’un autre ? Le varan de Wadi Sora était-il encore vivant lorsqu’il a participé à l’élaboration de la fresque ? Difficile donc d’avancer une signification à l’utilisation du reptile. Emmanuelle Honoré, dans les lignes du National Geographic en 2021, préfère rester prudente.

"Nous avons une conception moderne selon laquelle la nature est une chose dont les humains sont séparés, observe-t-elle. Mais dans cette gigantesque collection d’images nous pouvons déceler que les humains font simplement partie d’un monde naturel plus vaste."

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