"Franck a été fait par ses élèves": riche de significations, cette phrase de Bordes, définit, entre autres, la volonté qu’a été celle des disciples de créer un maître à leur image. Si d’Indy a voulu voir en Franck l’ange rédempteur de la musique, celui capable d’ouvrir toutes les voies nouvelles, nous verrons que César est peut-être bien plus un crépuscule qu’une aurore.
L’Hiver apparaît sous la forme d’un vieil homme frissonnant sous ses fourrures […] L’hiver écoute dans l’inquiétude puis, se remet à danser. Mais le charme du printemps nouveau est le plus fort !
La lutte de l’hiver et du printemps, voici le thème du ballet de l’opéra Hulda, l’œuvre lyrique d’un compositeur mûre. Une œuvre d’un genre nouveau, qui emprunte certains codes au grand opéra et d’autres au drame wagnérien, et pourtant : "Wagner évité, Meyerbeer dépassé" affirme le musicologue Joël-Marie Fouquet.
Franck mise beaucoup sur cet opéra-ballet qu’il considère comme son sésame, et qui lui ouvrira certainement les portes des théâtres.
Mais une mauvaise surprise l’attend : alors que le ballet a du succès, notamment grâce à ses couleurs norvégiennes, l’opéra, jugé trop noir, est rejeté. Hulda ne verra donc pas le jour du vivant de Franck.
En 1888, il s’attaque à un nouveau projet d’inspiration plus française, et qui n’entre pas dans un registre aussi sombre qu’Hulda : c’est Gisèle. Et pourtant, le mal ressort vainqueur, et le paganisme triomphe sur le christianisme. De quoi étonner ceux qui, comme d’Indy, associent totalement le christianisme de Franck à son œuvre !
Au début de l’année 1890, César tombe malade. Il sera ensuite blessé dans un accident en allant chez son ami pianiste Paul Braud. Quand il ne court pas après les auditions pour Gisèle, il écrit ses trois derniers chorals. Mais les limites de l’esprit ne sont pas les mêmes que celles du corps, et le 8 novembre 1890 au matin, César s’éteint.