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Cézanne, huis clos cinématographique de Sophie Bruneau

Cézanne, affiche

© Sophie Bruneau-Marie-Françoise Plissart

Par Pascal Goffaux via

Sophie Bruneau avait réalisé Arbres, en 2002, avec Marc-Antoine Roudil. Une histoire de l’arbre avec cette idée qu’il est au règne végétal ce que l’homme est au règne animal. Le film magnifique était précurseur.

Cézanne, le nouveau documentaire de Sophie Bruneau, est un film d’art à l’approche singulière. Consacré au précurseur du cubisme, il n’est pas un portrait du peintre à travers son œuvre qui serait analysée par des historiens de l’art avec des incrustations de tableaux et d’images d’archives. Non, c’est un huis clos. La caméra se pose dans le dernier atelier que Cézanne a occupé, de 1901 à 1906, l’année de sa mort. Le lieu est installé sur la colline des Lauves à Aix-en Provence, à l’ombre de la montagne Ste-Victoire. Situé à l’étage d’une vieille bastide, l’espace de cinquante mètres carrés appartient à un autre âge. L’été, il est pris d’assaut par le tourisme de masse.

Les gardiennes du temple

Le film tourné l’hiver montre l’atelier occupé tantôt par un flux de visiteurs, tantôt entretenu trois femmes, tantôt guides, tantôt femmes de ménage.

Le film s’ouvre sur un noir. Deux des trois protagonistes apparaissent à l’écran. Elles font le grand nettoyage de l’atelier. Elles dépoussièrent. L’une passe le balai à tête de loup, l’autre le pliz. Cette poussière vaut de l’or, dit l’une d’elles. C’est la poussière de l’atelier de Cézanne qui se dépose sur les objets du peintre.

La troisième achète des pommes sur les marchés de Provence. Les fruits ont des couleurs cézanniennes. Elle les dépose dans des coupes ou sur les meubles, comme Cézanne le faisait, quand il ne peignait pas des pommes, mais des tableaux !

Le maître aurait représenté l’équivalant de 400 kg de pommes.

Le plus grand tableau de Cézanne

Une des guides dit aussi : Vous êtes dans le plus grand tableau de Cézanne, c’est lui qui a peint les murs. Le gris bleu et l’ocre sont des couleurs choisies parce que moins réfléchissantes. L’atelier est habité par des objets ayant appartenu au peintre : des pots, des cruches, des théières, … un compotier, une chaise longue, des vêtements. Par la présence de ces choses, le film interroge la mémoire du lieu.

Cézanne, image du film
Cézanne, image du film © Sophie Bruneau, Marie-Françoise Plissart

L’image à l’écran

L’image ne quitte jamais le lieu à l’exception de quatre plans de la montagne Ste-Victoire que l’on voit de l’atelier, enveloppée de nuages et Sophie Bruneau semble convoquer la présence de Cézanne par des moyens cinématographiques.

Cézanne, hors-champ, est absent physiquement, mais sa présence, plein cadre, est ressentie par le rayonnement des choses et les variations de la lumière qui influent sur les changements de couleur.

L’image apparaît dans un cadre telle une peinture. L’impression de l’encadrement est renforcée par la frontalité imposée par la caméra.

Les plans sont fixes et longs. La photographe Marie-Françoise Plissart est à l’image. Elle suggère un long temps de pose. Il se dépose sur l’image comme la poussière sur les meubles et le temps sur une nature morte. Le terme anglais, still life, convient mieux, car les objets ont une âme. L’approche est presqu’animiste. Cézanne captait les sensations suscitées par les choses du quotidien. Le film fait ressentir ce qu’est la peinture selon Cézanne.

Sophie Bruneau est au micro de Pascal Goffaux.

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