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Chad VanGaalen : Le jardin extraordinaire

Chad VanGaalen, un musicien qui a du chien.

© Sebastian Buzzalino

Chanteur, dessinateur, producteur et maintenant jardinier, Chad VanGaalen a le profil du génie tout-terrain. Quand il ne conçoit pas des clips pour les autres (Timber Timbre, Andy Shauf, Metz, Shabazz Palaces…), le Canadien enregistre des chansons dans son coin. Reclus dans les bois de sa province d’Alberta, l’homme à tout faire du label Sub Pop (Nirvana, Beach House) sort un nouveau disque captivant. Quelque part entre Beck, Elliott Smith, Roky Erickson et Neil Young, son jardin secret bourgeonne de mélodies biscornues et de fruits défendus. À croquer sans tarder.

C’est peut-être l’une des plus grandes injustices du rock alternatif. En 2021, Chad VanGaalen est, encore et toujours, inconnu du grand public. Pour s’en convaincre, il suffit de glisser son nom au détour d’une conversation. Au mieux, il sera question d’un vieux joueur de foot hollandais. Au pire, il sera confondu avec Van Halen. Malgré tout le respect que nous portons à Eddie – petit ange parti trop vite –, le hard rock n’est pas le sujet du jour. Pour évoquer la vie et l’œuvre de Chad VanGaalen, il convient de se tourner vers le Canada. C’est là, au fond des bois, que se cache un des artistes les plus intriguants du 21ème siècle. Dans son registre, du moins, le musicien est une référence. C’est que, depuis 2005, il empile les bons disques sans jamais se la ramener. C’est encore le cas aujourd’hui avec "World's Most Stressed Out Gardener", un disque pop et délicieusement psychédélique, né d’une passion pour le jardinage. "Ma mère et ma grand-mère s'investissaient beaucoup dans leur jardin", précise-t-il en visio, depuis son studio d’enregistrement. "J'essaie de perpétuer cette tradition familiale avec mes enfants. Mais ce n’est pas évident. Ici, la belle saison ne dure que quatre mois. Ce qui laisse peu de temps pour cultiver en extérieur. J'ai installé une extension dans ma maison : un espace consacré à mes plantations : choux, poivrons, plantes aromatiques ou cannabis. L'année dernière, le Canada a légalisé la culture du cannabis. Ça fait bien mes affaires."

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Flûte alors !

Tout comme ses plantes, son nouvel album a germé pendant le confinement. "À l'origine, je n'avais pas prévu de l’enregistrer. Je me consacrais à la BO d’une série télé ("Dream Corp"). Les producteurs m’avaient laissé carte blanche. C'était l'occasion de sortir de ma zone de confort. C’est comme ça que je me suis mis à jouer de la flûte, par exemple." À fond dans son délire, Chad VanGaalen envisage de mettre cet instrument au centre de ses nouvelles chansons. "Ça peut sembler foireux et un peu kitsch. Mais quand j'ai commencé à travailler sur le disque, j'écoutais le jazz d'Eric Dolphy en boucle. Par ailleurs, j'aime la pureté qui se dégage des musiques traditionnelles japonaises, vietnamiennes ou polynésiennes. J’ai donc composé une trentaine de morceaux à la flûte. Puis, j'ai songé à la réaction de mon label et du public... À partir de là, je suis parti sur autre chose. Cela étant dit, j'aime dépasser les clichés et les attentes. L'envie de proposer une alternative est au cœur du nouvel album."

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Énergie végétale

Fruit du confinement, l’album "World's Most Stressed Out Gardener" découle d’un véritable rapport à la nature. Un des nouveaux morceaux s’intitule d’ailleurs "Plant Music", un titre qui, de loin, fait écho au fameux "Mother Earth's Plantasia", album électronique conçu en 1976 par Mort Garson pour le bien-être des plantes. "Mon père écoutait parfois ce disque quand j'étais gamin. Je trouvais ça fascinant. Se dire que la musique parlait aux plantes qui, du coup, fleurissaient d'autant mieux… En ce qui me concerne, c’est plutôt l’inverse. Je retire une certaine énergie des plantes qui m'entourent, tout comme je peux être inspiré par une simple promenade dans la forêt. En ce sens, ce sont plutôt les plantes qui m'aident à grandir."

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Le clip de fin

Au-delà des végétaux, Chad VanGaalen s’est beaucoup occupé de ses deux enfants. " Leur école était fermée et, moi, je n’avais plus de concert. En plus, ma femme est ce qu'on appelle ici "une travailleuse essentielle". Ce que je ne suis pas en tant que musicien... Pendant l’enregistrement, j’ai partagé de nombreux moments avec mes enfants. Plutôt que de leur enseigner les maths, j'ai voulu leur apprendre à jouer de la musique. C’était foireux. À la place, nous avons construit un véritable gymnase dans le sous-sol de notre maison. Maintenant, il y a des anneaux suspendus au plafond et des prises d'escalade partout sur les murs. Ce qui est bien, c'est que mon travail se partage entre la musique et l'illustration. Mes enfants aiment beaucoup ce que je dessine. " Ils ne sont pas les seuls. Chad VanGaalen est, en effet, réputé pour les clips d'animation qu'il réalise depuis sa maison. Nombreux sont les artistes qui frappent à sa porte pour obtenir un joli clip. Andy Shauf, Metz, Shabazz Palaces, Timber Timbre, Father John Misty, J Mascis (Dinosaur Jr.), Sun Ra Arkestra ou Corridor comptent, notamment, parmi ses clients. "Je crois que tous ces musiciens se reconnaissent à travers mon travail. J’ai peu de chance de faire un clip pour Cardi B ou Frank Ocean. En fait, mon modèle, c'est Steve Albini (Pixies, PJ Harvey Mclusky, Electrelane…) qui enregistre des disques avec des gens qui adhérent à son esthétique. "

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Atteindre Nirvana

L’esthétique de Chad VanGaalen, justement, s’ancre dans l’histoire de la pop, du rock et de la culture alternative. Pas un hasard, donc, si ses disques sortent sous l’enseigne Sub Pop, label connu pour avoir flairé le bon coup Nirvana. L’été dernier, entre deux boutures, le Canadien diffusait d’ailleurs sur YouTube une reprise de "Jesus Wants Me for a Sunbeam", morceau signé The Vaselines, mais popularisé par Kurt Cobain lors de son passage à MTV Unplugged. "C'est avec cette chanson que j'ai appris à jouer de la guitare", confie Chad VanGaalen. "J'avais quinze ans et la musique de Nirvana me semblait universelle. Chez eux, un tube tenait en trois accords. Tout le monde pouvait le faire. Ma culture musicale doit beaucoup à Kurt Cobain. Il aimait des trucs alternatifs comme The Vaselines, The Raincoats ou Daniel Johnston. Reprendre "Jesus Wants Me for a Sunbeam", c'est vraiment un clin d'œil à mes racines." Encore un truc de jardinier, donc.

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