Changement d'heure : l'Union européenne invente le mouvement perpétuel de la lose

C’est l’argument qui avait été avancé dans les années 70, lors du premier choc pétrolier. Le passage à l’heure d’été devait conduire à une économie d’éclairage le soir. Un argument qui a perdu du poids au fil du temps. Aujourd’hui ce sont surtout les désagréments de ce changement d’heure qui sont mis en avant. Les enfants n’arrivent plus à aller se coucher. Les personnes âgées souffrent de troubles de l’endormissement et il y a bien sûr l’argument massue des vaches stressées par le changement d’heure de la traite qui revient tous les 6 mois. Bref le changement d’heure n’a plus la côte. Les Européens n’en veulent plus. La Commission européenne leur a offert sa tête sur un plateau.

C’était une belle opportunité politique de montrer que l’Europe n’est pas hors sol. Qu’elle est à l’écoute de ces citoyens. Surtout que 2018, c’était seulement deux ans après la grande claque du Brexit, les élections européennes pointaient aussi à l’horizon et la crainte d’un raz de marée populiste donnait des sueurs froides aux dirigeants européens. Il fallait montrer que l’Europe agissait pour ses citoyens. Et puis flop...

La belle idée ne s’est jamais concrétisée. Ce n’est pas la faute de la Commission qui a bien rédigé un projet de directive. Ce n’est pas la faute du Parlement européen, qui a bien voté le texte en ajoutant même une échéance : le dernier dimanche d’octobre 2021 devait être celui du dernier changement d’heure… mais le Conseil n’a pas suivi.

Officiellement tous les Etats membres sont d’accord pour abolir le système oui mais on arrête sur quelle heure ? L’heure d’hiver ou l’heure d’été ? Les pays du nord penchent plutôt pour la première option, plus en phase avec l’heure solaire et nos rythmes biologiques. Les pays du sud eux préfèrent la seconde option, plus propices aux longues soirées. La Belgique veut la même heure pour tous les pays du Benelux. Au final, personne n’est d’accord sur rien. Et sans accord, le risque est de se retrouver avec autant d’heures que d’Etat membres… un sacré bazar. Et dans ces cas-là en Europe on remet le couvercle et on attend que ça passe. 

Il a fallu près de 40 ans pour que les Etats membres se mettent d’accord sur l’idée d’un brevet européen pour protéger nos inventions, nos recherches à l’échelle européenne. Là aussi personne n’en contestait le principe, c’est plutôt sa mise en œuvre qui posait problème.
Il a aussi fallu 10 ans pour imposer une présence minimale de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
Donc oui, ça peut durer encore longtemps. Surtout qu’entretemps, il y a eu la crise du covid, puis la guerre en Ukraine… le changement d’heure ce n’est pas la priorité du moment !

Non seulement cette proposition de directive prend la poussière sur la table du Conseil mais elle fait désormais figure de gros raté de l’Union européenne. D’autant que tous les 6 mois, ce gros raté lui revient en pleine face, comme un boomerang. Une sorte de mouvement perpétuel de la loose auquel il faudra trouver une solution. Les Etats membres ont démontré que dans l’urgence, ils pouvaient prendre des décisions rapides. Il va bientôt être l’heure de s’y remettre