Devant le numéro 35 du boulevard Jacques Bertrand, 4 pavés dorés brillent depuis ce jeudi dans le trottoir. Cette adresse, c’est celle où habitaient Léon, Hella, Regina et David Lewkowitz, à Charleroi. C’est là qu’ils ont été arrêtés le 8 août 1942, arrêtés puis transférés à la Caserne Dossin à Malines et finalement déportés vers le camp nazi d’Auschwitz d’où ils ne reviendront pas. Léon, Hella, Regina et David Lewkowitz sont les arrières grands-parents, la grand-mère et le grand-oncle de Dominique Delescaille. Pendant des années, elle a mené des recherches pour trouver des traces de sa famille et reconstituer leur parcours. Ces pavés de la mémoire ornés de leur nom rendent hommage à ses aïeux. "C’est essentiel de placer ces pavés. Les familles des victimes de la Shoah ne disposent pas de sépultures pour se recueillir. C’est important, aujourd’hui, qu’il y ait un lieu qui leur rendra toujours hommage, où leurs noms ne seront jamais oubliés. Ma grand-mère n’avait que 17 ans. Son frère David seulement 11. Et puis leurs parents. Ce 35, Boulevard Jacques Bertrand, à Charleroi, j’ai pu découvrir que ce fût leur dernier domicile connu".
Des années de recherches
Dominique Delescaille entreprend d’abord des recherches liées à sa grand-mère, Regina Lewkowitz. Un cadeau qu’elle veut offrir à sa propre maman qui n’a jamais connu sa propre génitrice. C’est le point de départ d’une quête plus complète. Dominique multiplie les démarches : "Aux archives de la Ville, dans les registres de population. À la Caserne Dossin, sinistre camp de rassemblement d’où les juifs de Belgique ont été déportés et qui est aujourd’hui un lieu de mémoire qui rassemble un maximum d’informations sur les victimes belges de la Shoah. En Pologne, d’où ma famille était originaire. J’ai ainsi retracé le parcours de la vie du noyau proche de ma famille. C’est en quelques sortes un chapitre de mes recherches qui se referment avec la pose de ces pavés".
Un travail de mémoire urgent et essentiel
Des pavés comme ceux qui ont été placés ce jeudi, il en existait déjà à Charleroi. Particulièrement dans les rues de la Ville Haute qui concentrait avant la Deuxième Guerre Mondiale une importante partie de la communauté juive carolo. Sur le monument aux martyrs juifs victimes du nazisme, dans le cimetière de Marcinelle, on découvre 445 noms. Mais d’après Vincent Vagman qui a rédigé un ouvrage "Présence juive à Charleroi – Histoire et Mémoire", il est plus juste de parler d’environ 600 juifs qui furent arrêtés en région carolo avant d’être déportés et exterminés dans les camps de la mort nazis.
Meyer Zalc est le président de l’Association pour la Mémoire de la Shoah. "Des pavés de la mémoire, il doit y en avoir quelque 700, en Belgique. Et il y a urgence d’en installer encore car les derniers témoins disparaissent. Moi-même, j’ai 85 ans. Je suis un enfant caché, j’ai donc échappé à la déportation. Mais pas ma famille. Il faut en placer, de ces pavés, mais surtout les faire connaître. Avant chaque pose de pavés, nous nous rendons dans les écoles pour expliquer aux élèves. Les leur montrer et leur expliquer ce qu’ils représentent. Ce sera à eux, plus tard, d’assurer la mémoire et la transmission".
Ce jeudi, il y avait deux classes de l’école communale des Haies de Mont-sur-Marchienne. Il y a quelques jours, il avait effectivement reçu Dominique Delescaille. Et dans une de ces deux classes, en quatrième primaire, il y a l’arrière-arrière petite fille de Regina Lewkowitz.