Charles Baudelaire admire l’œuvre de Richard Wagner. Quand Tannhauser reçoit un très mauvais accueil du public, Baudelaire rédige un article très élogieux sur musique de Wagner. Il a eu un choc lors d’un concert le 25 janvier 1860 et il prend aussi la plume pour écrire à Richard Wagner. Voici des extraits de cette lettre. Baudelaire écrit : "Avant tout, je veux vous dire que je vous dois la plus grande jouissance musicale que j’aie jamais éprouvée… D’abord il m’a semblé que je connaissais cette musique, et plus tard en y réfléchissant, j’ai compris d’où venait ce mirage ; il me semblait que cette musique était la mienne, et je la reconnaissais comme tout homme reconnaît les choses qu’il est destiné à aimer."
Baudelaire écrit également à Richard Wagner : "Ensuite le caractère qui m’a principalement frappé, ça a été la grandeur. Cela représente le grand, et cela pousse au grand. J’ai retrouvé partout dans vos ouvrages la solennité des grands bruits, des grands aspects de la nature, et la solennité des grandes passions de l’homme. On se sent tout de suite enlevé et subjugué."
Charles Baudelaire ajoute dans sa lettre à Wagner :
"Enfin, j’ai éprouvé aussi, et je vous supplie de ne pas rire, des sensations qui dérivent probablement de la tournure de mon esprit et de mes préoccupations fréquentes. Il y a partout quelque chose d’enlevé et d’enlevant, quelque chose aspirant à monter plus haut, quelque chose d’excessif et de superlatif. Par exemple, pour me servir de comparaisons empruntées à la peinture, je suppose devant mes yeux une vaste étendue d’un rouge sombre. Si ce rouge représente la passion, je le vois arriver graduellement, par toutes les transitions de rouge et de rose, à incandescence de la fournaise. Il semblerait difficile, impossible même d’arriver à quelque chose de plus ardent ; et cependant une dernière fusée vient tracer un sillon plus blanc sur le plan qui lui sert de fond. Ce sera, si vous voulez, le cri suprême de l’âme à son paroxysme."
Charles Baudelaire termine sa lettre à Wagner par ces mots "Une fois encore Monsieur, je vous remercie. Vous m’avez rappelé à moi-même et au grand, dans de mauvaises heures. Je n’ajoute pas mon adresse, parce que vous croiriez peut-être que j’ai quelque chose à vous demander."
Richard Wagner, quand il reçoit la lettre de Baudelaire, devine derrière ces mots un esprit extraordinaire, d’une fougueuse énergie. Le poète n’a pas laissé son adresse mais Wagner la découvre quand même et il invite Baudelaire à se joindre au cercle de connaissances qu’il réunit chez lui le mercredi soir. Il semble bien que Baudelaire se soit rendu à des soirées organisées par le musicien à l’hôtel de la rue Newton. Parmi les compositeurs que Baudelaire apprécie aussi figure Beethoven.