Chaudefour, réserve naturelle sentinelle du massif du Sancy

C’est une vallée en auge unique, façonnée par les éruptions successives et creusée par les glaciers. Eric Vallet est guide et conservateur de ce lieu né de feu et de glace : " La Réserve Naturelle de Chaudefour est une des trois vallées glaciaires du Massif du Sancy en Auvergne. Notre rôle est de protéger, gérer et les découvrir ces milieux très diversifiés, car ils sont à la fois ouverts et fermés. " Landes et pelouses subalpines tiennent ici leur rôle. Le pâturage empêche la forêt de dominer, la biodiversité est assurée. C’est surtout la flore exceptionnelle qui fascine notre guide botaniste de formation. La position géographique des montagnes auvergnates favorise les influences méditerranéennes, alpines, atlantiques ou pyrénéennes au niveau végétal. Trois espèces présentes ici sont introuvables ailleurs : la Jasione et la Biscutelle d’Auvergne qui émergent des fins éboulis, et le Saxifrage de Lamotte. " La Jasione n’est présente qu’à Chambon-sur-Lac. Son aspect en coussinet offre à cette petite fleur bleue globuleuse une bonne résistance au vent, à l’évaporation et au froid. " De nombreuses plantes sont présentes depuis l’époque glaciaire. L’isolement du site lui permet d’être un observatoire des changements climatiques. " La Mauve musquée poussait à 1500 mètres d’altitude. On la retrouve aujourd’hui à 1850 mètres, au plus haut point de la réserve. Soit en bond de 300 mètres en une vingtaine d’années. "

Au pied de la cascade de Pérousse, Eric nous détaille aussi le rôle des sphaignes et tourbières dans les nombreux creux et dépressions de ces massifs volcaniques. " Ces mousses purifient l’eau et absorbent les substances minérales qui donnent aux eaux d’Auvergne des qualités particulières. " Bicarbonate de sodium, magnésium, potassium, soufre font le bonheur des curistes. La source Sainte Anne en témoigne, avec son eau ferrugineuse gazeuse. Le gaz carbonique, issu du dégazage lent du magma stocké dans les profondeurs, rencontre plus haut l’eau chargée en fer oxydé des réservoirs rocheux. L’eau ainsi poussée remonte ensuite par les fissures, et sort de terre à une température allant de 5° à 25°selon la profondeur de son origine. " Il ne faut pas en abuser, cette eau ferrugineuse gazeuse a aussi des propriétés laxatives. " Vous voilà prévenus !

Parmi ces puys et pitons rocheux, au cœur des 820 ha de réserve naturelle de Chaudefour, Gérard Monneron pratique l’escalade. Président du club Sancy Grimpe, il profite du soleil pour escalader une face sud sur ces roches basaltiques, celle du dyke de la Dent de la Rancune. Il nous indique de la main cette curiosité géologique, une cheminée volcanique déchaussée par l’érosion. Elle voisine avec les restes du dôme éclaté de la Crête de Coq. Gérard aime décrypter ces filons de roches, à travers ce qu’il appelle l’alphabet des voies. " Le basalt donne une roche exceptionnelle qui demande plus d’intuition et davantage de déplacements. Ces voies sont plus difficiles à lire que celles en calcaire. " A certaines époques de l’année, des voies sont fermées pour ne pas déranger les nichées de faucon pèlerin. Mais comme les frères Quentin et Alexandre Meyleu, qui déploient aisément leurs foulées entres blocs de lave et sentiers de crêtes, Gérard ne fait que passer, sans laisser de traces sur les pelouses subalpines. Ces trailers sont aussi des enfants de Chambon-sur-Lac. Ils apprécient ce massif comme terrain de jeu et d’entraînement. Mais pas seulement.

L’activité physique ça creuse. A Beaune le Froid (Murol), à plus de 1000 mètres d’altitude, les Prim’Holstein de Caroline Borel offrent un lait cru directement transformé sur place après la traite du matin et du soir. Il sera maintenu à température naturelle tout au long du processus qui donnera un fromage à pâte pressée non cuite : le Saint-Nectaire. " Il faut 12 à 15 litres de lait pour produire un fromage de 21 cm de diamètre et 5 cm d’épaisseur. Ils restent 28 jours minimum dans nos caves voûtées, creusées dans le tuf volcanique au 15ème siècle. Ils y sont affinés. Soit lavés deux à trois fois tous les 3-4 jours pour enlever le mucor, aussi appelé poil de chat. Et enfin retournés une fois par semaine ", explique la fromagère fière de son AOP. Ses cent vaches profitent de 68 ha de prairies naturelles. Réglisse, thym serpolet, gentiane, airelles, fenouil des alpes ou achillée millefeuille ajoutent une saveur inégalée à la richesse aromatique du lait. Même le foin soigneusement déshydraté puis servi l’hiver aux ruminants, conserve cette richesse subtile. Il nous reste à filer aux 500 diables. Le nom d’une auberge de montagne à 1200m d’altitude, à 5 minutes du lac Chambon et au départ de randonnées incontournables de la Réserve naturelle de Chaudefour. Pour goûter à une truffade préparée par Isabelle.

A Saint-Nectaire, depuis 200 ans, une eau chaude remontant d’une source volcanique auvergnate, façonne des objets de décoration en calcaire, au goutte à goutte. Un travail naturel de longue haleine dompté par l’homme, pour transformer très lentement l’eau en pierre sous forme d’objets d’art ou de mobilier. L’incrustation du calcaire est bien le fruit du lent cheminement contrôlé des gouttes d’eau. Quasi microscopiques, les cristaux de calcite aux facettes brillantes, prennent la forme désirée et rendent finement les textures des supports choisis. Une surprenante chute d’eau, équipée d’échelles de 14 mètres de haut, reçoit moules et objets devant être chargé de calcaire par le dépôt de carbonate de calcium et dégagement de CO2. Sorte d’imprimante 3D naturelle pour ce métier d’art développé depuis 7 générations. La famille Papon, propriétaire des lieux, innove et invente depuis deux siècles de nouvelles techniques, pour proposer des créations inédites. " Nous accélérons un phénomène naturel physico-chimique très lent. En 24 h, le dépôt de calcaire désiré progresse d’un centième de millimètre sur l’objet ou dans le moule ", détaille Christine. Son mari Eric poursuit l’œuvre familiale d’un savoir-faire unique au monde.

Dans sa boutique, avenue du Dr Roux à Saint-Nectaire, Stéphanie Géraud prépare, transforme et cuisine des confitures. Mais aussi des gelées, pâtes de fruit, nougats, biscuits, pains d’épices… " Je suis gourmande, c’est pour cela que je suis artisan-confiturière. Dans notre territoire du Sancy, les différences d’altitudes importantes sur peu de kilomètres font la richesse des fruits, fleurs et racines sauvages que l’on récolte du printemps à l’automne ", affirme Stéphanie. Elle possède son propre verger et ses petits fruits, mais c’est dans la nature généreuse qu’elle récolte l’essentiel de sa production. Comme le faisait ses aïeux, elle tire profit de l’or noir de la montagne : gentiane, sureau, reine-des-prés pissenlit, myrtille, griotte, bourgeon de pin, mûre, mirabelle, baie d’églantiers s’ajoutent aux fruits traditionnels. " Pour le goût et la saveur, le plus important est de récolter au bon moment. Je travaille tout ce qui est emblématique du territoire. Les parfums évoluent au fil des saisons. " Cela donne plus de 70 parfums de confitures dans des pots de 50 gr à 1 kilo. Et davantage encore en rayon ; même des biscuits sucrés ou salés. Un délice forcément.

100% d’origine Sancy, les plantes, recettes et astuces du jardin clos du rempart de Besse s’offrent à la visite didactique. " L’hellébore est la première à repousser au printemps dans les carrés thématiques que vous découvrez sur l’espace vert en terrasse au pied des fortifications. Le carré potager accueille les aromatiques et comestibles. D’autres espaces ceints se destinent aux médicinales et aux utilitaires. Enfin, celui des senteurs complète l’ensemble des carrés, tous cernés de branches de châtaigner ", explique Marie Léger chargée de patrimoine. Parmi les plantes sauvages, on retrouve par exemple le Gaillet vrai qui teinte le Saint-Nectaire en jaune. Aussi le thym serpolet au goût et à l’odeur citronnée, bon pour la santé du bétail et la subtilité du fromage. La Bétoine officinale parfume aussi le Saint-Nectaire. D’autres apportent un goût de réglisse ou de noisette, comme le trèfle et le fenouil des Alpes. " Attention, les panneaux rouges renseignent des plantes toxiques. " Par méconnaissance, un facteur croyant boire de la liqueur de gentiane a bu un jour de la liqueur de vératre blanc. Le lendemain, le village n’avait plus de facteur. On est prévenu.

Bienvenue sur la commune auvergnate de Saint-Pierre Colamine, dans le site troglodyte de Jonas. Un tuf volcanique, protégé des vents dominants et de la pluie, fut ici le refuge de moines. Des seigneurs croisés leur succédèrent dans ce manoir minéral, pour en faire une forteresse. L’éperon rocheux vertical domine une plaine entre Saint-Nectaire et Besse. La falaise se découpe en plusieurs compartiments, dont la séparation, marquée par une forte érosion, semble avoir été générée par les mouvements de failles verticales à travers une roche dure. Ce qui a obligé les hommes à creuser des cavités troglodytiques sur trois étages, davantage en hauteur qu’en profondeur. Aujourd’hui, des chèvres redevenues sauvages ne se mêlent plus aux visiteurs ; sangliers, rapaces et renards ne sont jamais loin. Gardienne et véritable sentinelle de la vallée de la Couze Pavin, l’ancienne maison forte troglodyte abrite en son sein une magnifique chapelle du IXème siècle aux fresques d’une rare beauté. Mathieu Pons, actuel seigneur des lieux, fait aussi découvrir la boulangerie et la demeure seigneuriale : un château dont l’escalier à vis est creusé à même le rocher volcanique.