On n'est pas des pigeons

Cheffe d’entreprise, un chemin parsemé d’embûches sexistes

Entreprendre au féminin, plus compliqué ?

© Getty Images

Les femmes seraient-elles plus pigeonnes que les hommes sur le chemin de l’ascension professionnelle ? Elles auraient moins de chance d’atteindre le haut de la pyramide professionnelle, d’endosser la fonction de chef d’entreprise et d’empocher le salaire qui va avec.

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Des statistiques interpellantes

Sur dix chefs d’entreprise, seules trois sont des femmes. Autrement dit, les hommes sont deux fois plus nombreux à atteindre le sommet de la hiérarchie. Au sein des plus grandes entreprises, ce déséquilibre est encore plus flagrant. Quinze pour cent de femmes seulement se retrouvent à la tête des entreprises du Bel20. Une seule patronne est à dénombrer parmi les patrons des quarante plus grandes entreprises françaises du CAC40.

​​​​​​​Comment expliquer un tel déséquilibre ?

Pour répondre à cette question, nous avons rendez-vous avec Muriel Bernard, cheffe d’entreprise. Elle a lancé la plate-forme de commerce en ligne e-Farmz"e-Farmz.be, c’est vraiment un site d’e-commerce, qui vend en ligne des box repas, bios et belges et une large gamme de produits qui viennent de petits producteurs. Et donc, c’est assez cool, parce qu’on allie un peu la modernité et le service d’un bon e-commerce avec la tradition de l’agriculteur et des carottes pleines de terre qui viennent en direct des champs dans nos caisses vers les clients", nous explique Muriel Bernard, fondatrice d’e-Farmz.

Les banquiers, à qui j’ai eu affaire, étaient souvent des hommes. Les investisseurs aussi étaient des hommes. Donc, c’est un monde où on a moins de réseaux en tant que femme

Elle a lancé son activité, il y a sept ans. Elle revient pour nous sur les freins qu’un homme n’aurait sans doute pas rencontrés à sa place : "Ce qu’on voit en tant que femme, souvent, c’est la difficulté d’accès au financement, parce que finalement ce monde du financement, c’est essentiellement un monde d’hommes. Donc, les banquiers, à qui j’ai eu affaire, étaient souvent des hommes. Les investisseurs aussi étaient des hommes. Donc, c’est un monde où on a moins de réseaux en tant que femme."

Le binôme homme-femme à la tête de l’entreprise, une combinaison intéressante

Autre exemple, avec Audrey Joris. Elle est également cheffe d’entreprise et elle s’est lancée, elle, dans la déco, avec une idée originale. "Alors AFC-collection propose des projets d’intérieur, donc, on offre le service d’intérieur avec l’option d’étaler le paiement de l’intérieur sur trois, quatre ou cinq ans. Donc, ça fait en sorte que vous pouvez bénéficier de votre intérieur de rêve depuis le premier jour et de ne pas devoir attendre des années avant de pouvoir vous offrir un chouette intérieur où vous vous sentez à la maison", nous explique Audrey Joris, cofondatrice de AFC-Collection.

On est à deux dans la boîte et donc, en fait, je crois que peut-être, la combinaison d’homme/femme est vraiment très intéressante.

Audrey l’avoue, elle, n’a pas rencontré d’obstacle majeur durant son parcours. Peut-être a-t-elle trouvé une parade pour en éviter certains, comme elle nous l’explique : "Ici, dans cette entreprise AFC-Collection, on est en binôme, entre homme/femme. Donc, il y a moi et j’ai mon cofondateur, Augustin Bown. On est à deux dans la boîte. Et donc, en fait, je crois que peut-être, la combinaison d’homme/femme est vraiment très intéressante, parce que tu as les qualités de l’un, les qualités de l’autre et puis les faiblesses de l’un et les faiblesses de l’autre et en fait, je trouve que ça se mélange bien."

C’est une mauvaise excuse de dire que c’est plus compliqué pour nous que pour un homme, parce que ce n’est pas le cas.

Mais même seule, Audrey en est convaincue : une femme peut percer tout aussi bien qu’un homme"Je dois dire qu’il n’y a pas vraiment d’obstacle. C’est une mauvaise excuse si on se retient en tant que femme d’entreprendre. C’est une mauvaise excuse de dire que c’est plus compliqué pour nous que pour un homme, parce que ce n’est pas le cas."

Le syndrome de l’imposture

Ce manque de confiance qu’auraient plus spécifiquement les femmes devant un projet d’entreprise, il porte un nom : le syndrome de l’imposture.

Le syndrome de l’imposture consiste, en tout cas pour la femme, à croire qu’elle n’a pas droit à des postes à responsabilités.

Béatrice Delfin Diaz, présidente nationale de l’association Femmes Chefs d’Entreprise (FCE-VVB) nous en parle : "Le syndrome de l’imposture consiste, en tout cas pour la femme, à croire qu’elle n’a pas droit à des postes à responsabilités, à une place assez haute dans la société et donc de se lancer plus facilement qu’un homme. Mais aussi, la peur de se lancer, c’est un peu culturel en Europe, la peur de l’échec et de se dire : 'Voilà, je ne veux pas rater mon entreprise. Je ne veux pas rater mon projet.' Et on ne veut pas être pointée du doigt. Mais voilà, il faut briser ce plafond de verre. Il faut se dire que tout est possible pour une femme aussi."

Des femmes modèles

Muriel Bernard, fondatrice d’e-Farmz et première lauréate belge du Bold Woman Award by Veuve Clicquot
Muriel Bernard, fondatrice d’e-Farmz et première lauréate belge du Bold Woman Award by Veuve Clicquot © Veuve Clicquot

Autre obstacle souvent cité : le patriarcat.

Un patron d’entreprise aurait plus facilement tendance à remettre les clés de son entreprise à son fils qu’à sa fille

Béatrice Delfin Diaz nous l’explique : "Nous sommes toujours dans une société un peu trop patriarcale et la femme a des difficultés à trouver sa place dans ce monde de sociétés. Et que, par exemple, pour ne citer que ce cas-ci, un patron d’entreprise aurait plus facilement tendance à remettre les clés de son entreprise à son fils qu’à sa fille. Heureusement, il y a des exceptions, mais c’est quand même la tendance que l’on constate aujourd’hui."

Partant de ces freins et obstacles connus, des mouvements lancent des pistes d’amélioration. Objectif : permettre à plus de femmes d’atteindre le poste suprême de cheffe d’entreprise.

Ce sont toutes des structures qu’il faudrait mettre en place pour pouvoir aider la femme, cheffe d’entreprise, à concilier vie privée et vie professionnelle.

1. "Une des pistes de réflexion serait de trouver des solutions pour les garderies des enfants, pour qu’elles ferment un peu plus tard à l’école. Une femme qui ferme son commerce à six heures, ne sait pas aller chercher son enfant à six heures. Donc, ce sont toutes des structures qu’il faudrait mettre en place pour pouvoir aider la femme, cheffe d’entreprise, à concilier vie privée et vie professionnelle."

Il faut des rôles modèles. Il faut que les femmes voient qu’on peut y arriver.

2. autre piste : les femmes modèles. Muriel Bernard, fondatrice de e-Farmz, nous en parle lors de la remise des Bold Woman Award (by Veuve Clicquot) : des distinctions destinées à des femmes, cheffes d’entreprises : "Je pense que des prix comme le Veuve Clicquot, ce sont des choses importantes. Donc, il faut des rôles modèles. Il faut que les femmes voient qu’on peut y arriver. Je pense que des réseaux de femmes ou des réseaux d’entrepreneurs mixtes, de façon générale, c’est important. Je pense qu’il faut que les femmes qui réussissent n’hésitent pas à investir dans des boîtes d’autres femmes. Et en plus, je pense que c’est un très bon investissement, parce qu’on dit souvent qu’une boîte dirigée par une femme a beaucoup moins de chance de faire faillite qu’une boîte dirigée par un homme."

Le prochain leadership doit être beaucoup plus féminin

Lors de la soirée, Muriel Bernard s’est vue remettre le premier Bold Woman Award belge. Ce prix vise à "inspirer des générations de femmes à être plus audacieuses."

Aujourd’hui les femmes ont vraiment beaucoup de talent pour le monde de demain qui va être plus complexe.

Elle estime qu' " aujourd’hui, les femmes ont vraiment beaucoup de talent pour le monde de demain qui va être plus complexe. Et une femme, par définition, est multitâche, donc, elle sait bien gérer la complexité."

Ce style de management, que certains hommes peuvent avoir aussi, mais un peu plus féminin, est vraiment plus adapté aux défis de demain.

"Je pense que la femme fait aussi plus attention à l’aspect humain et environnemental quand elle dirige une boîte", insiste Muriel. " Donc, elle va faire attention à ses collaborateurs et à l’impact qu’elle va avoir sur l’environnement, comme elle va le faire avec sa famille. Donc, ce style de management, que certains hommes peuvent avoir aussi, mais un peu plus féminin, est vraiment plus adapté aux défis de demain."

"Moi, je pense que le prochain leadership doit être beaucoup plus féminin et j’y crois à fond, quoi !", conclut Muriel Bernard.


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