Chine : de mémoire, il dessine une carte de son village natal et retrouve ses parents, plus de 30 ans après son enlèvement

Retrouvailles de Li Jingwei et de sa mère et détails de la vidéo postée par le jeune homme le 24 décembre 2021.

© Captures vidéos youtube

Par Kevin Dero

Quelques traits peuvent changer une vie. Des traits bleus dessinés au stylo. Ils représentent un village. Quelques bâtiments. Dont un qui ressemble à une école. Mais aussi les environs du bourg. Des bosquets de bambous, une rivière, des collines, des routes. Le dessin, accompagné de quelques indications, a été fait de mémoire par un jeune homme, Li Jingwei. Posté avec une vidéo sur le Douyin – c’est comme ça qu’est appelé TikTok là-bas – le 24 décembre, il a changé radicalement la vie de ce garçon.

 

Le dessin réalisé de mémoire par Li Jingwei
Le dessin réalisé de mémoire par Li Jingwei © Capture d’écran YouTube – 大象新闻

Je suis un enfant qui cherche à retrouver sa maison. J’ai été emmené au Henan par un voisin chauve vers 1989, quand j’avais environ quatre ans

Voilà le message que Li Jingwei a fait passer dans sa courte vidéo. Le dessin présenté a titillé des policiers de la région. Ils ont pensé reconnaître un village, situé à près de 2000 kilomètres de là. Li Jingwei habite dans le Henan (centre du pays), et la bourgade recherchée, dans le Yunnan (sud-ouest de la Chine).

L’intuition des forces de l’ordre est la bonne. Et non seulement le nom du village est retrouvé, mais l’enquête de rapidement révéler qu’une femme y avait effectivement perdu un jeune bambin il y a une trentaine d’années de cela.

Même après toute cette longue séparation, le voyage ne se fera pas attendre. Ce 1er janvier, des images de déchirantes retrouvailles sont publiées.

L’enfant, maintenant adulte, a pu retrouver les traits de sa mère et ses parents. La mère naturelle, en pleurs, s’effondre dans les bras de son enfant. Et le jeune homme de commenter : "Après trente-trois ans à attendre, d’innombrables nuits de nostalgie et finalement une carte dessinée à la main de mémoire, c’est le moment de vivre ce dénouement extraordinaire."

Images publiées le 1er janvier

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Des histoires comme celles-là, l’Empire du milieu en connaît régulièrement. C’est qu’ils sont nombreux, les enfants à y avoir été littéralement kidnappés. Selon le Figaro, en 2015, on estimait qu’environ 20.000 disparaissaient chaque année, principalement des garçons. Enlevés très jeunes et vendus à d’autres familles. Un véritable trafic d’êtres humains engendré par la fameuse politique de l’enfant unique.


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Enfant unique

Revenons sur cette planification des naissances. La loi, instaurée en Chine en 1979, perdurera en l’état pendant presque 35 ans. Elle est due notamment à une crainte de la surpopulation et une volonté d’élever le niveau de vie – les ressources de l’Etat étant de ce fait moins allouées à l’aide aux familles —. Il faut savoir que depuis le début de l’ère maoïste, à la fin des années 40, la population chinoise avait doublé. Mais dans les années 80, cette nouvelle politique nataliste s’avère intenable, notamment dans les campagnes. Il est donc décidé d’autoriser les habitants de régions rurales d’avoir deux enfants, si le premier était une fille ou si les deux parents étaient eux-mêmes enfants uniques.

Heureux événement dans une maternité pékinoise en décembre 2016
Heureux événement dans une maternité pékinoise en décembre 2016 © Tous droits réservés

Filles "perdues"

Mais pour une large majorité de la population, c’est donc un enfant, un point c’est tout. Et ce sont souvent les garçons qui seront privilégiés. En effet, dans la culture chinoise, c’est à la femme de s’occuper de sa belle-famille une fois mariée. Les filles sont donc "perdues" pour leurs géniteurs.


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Les résultats furent plus que mitigés. Selon les autorités, les règles (drastiques, avec des pénalités à la clé) auraient permis d’éviter quelque 400.000 naissances. Le revers de la médaille est, lui, terrible : par millions, des avortements, des infanticides, des stérilisations forcées, des abandons, des enfants cachés… Ces derniers, on les estime à environ 13 millions. Des "enfants noirs", personnes sans acte de naissance, sans papiers, sans droits.

Cela a engendré, logiquement, un fort déséquilibre entre le nombre de filles et de garçons. Actuellement, selon le site français Slate, on compte ainsi 111 garçons pour 100 filles (dans le reste du monde, c’est 105 individus mâles). Soit un différentiel d’environ 50 millions d’hommes.

Jeunes garçons à Shangaï, en 2005
Jeunes garçons à Shangaï, en 2005 © 2005 AFP

Le temps du changement

Le taux de fécondité, fondant comme neige au soleil, a poussé les autorités à changer leur fusil d’épaules dans les années 2010. Des réformes qui ont amené la possibilité d’avoir deux progénitures à partir du premier janvier 2016.


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Archive JT : sujet du 29 octobre 2015

Population vieillissante

Pékin, en 2018

Deux enfants permis, le progrès est notable mais ne convainc pas, ou plutôt plus. En effet, le règne de "l’enfant-empereur" a conduit notamment à une explosion du ratio de personnes âgées dans la population. Pour contrebalancer cette absence de bras qui s’attellent à une économie toujours florissante, les actifs doivent bosser dur. L’époque est à présent plus que jamais au matérialisme et au niveau de vie qui grimpe, notamment dans les villes. Pas vraiment un temps pour pouponner…

De fait, accru par la peur de ne pas pouvoir subvenir au besoin d’une deuxième bouche à nourrir, un monde du travail chronophage, une explosion des divorces, mais aussi toujours cette interdiction de se marier – condition sine qua non pour enfanter – avant 22 ans pour les garçons et 20 pour les filles, ne produit donc pas les effets escomptés par les camarades au pouvoir.

En 2020, certains notaient une baisse de la population du pays le plus peuplé de la planète, une première depuis la famine de 1961.

Le temps presse

Et en mai dernier, la nouvelle tombe : la limite à deux enfants saute. Ce sera dorénavant trois maximum. Une politique qui s’accompagne de mesures de soutien (congés maternité, soins et diminution des coûts d’éducation…). Et l’an dernier, alléluia ! Les chiffres de la natalité ont un peu remonté, selon le journal Le Monde.


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Une nouvelle politique pour une population sur le déclin, ce que ne veulent pas du tout les autorités. Car la Chine, en passe de devenir la première puissance économique mondiale, pourrait aussi en même temps se voir ravir la première place du pays le plus peuplé par sa rivale, l’Inde.

Image d'illustration
Image d'illustration © 2020 Tang Ming Tung

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