Chooz A, le réacteur nucléaire français bientôt complètement démantelé, un exemple pour la Belgique ?

La piscine où se trouve la cuve du réacteur de Chooz A

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Par Lucie Dendooven

La centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes françaises est bien connue des Belges. Les fumées de ses deux tours de refroidissement font presque partie de notre paysage. Ce sont celles des deux réacteurs nouvelle génération qui s’érigent dans la centrale nucléaire de Chooz. Elles ne permettent pas de deviner le chantier juste à côté, invisible à l’œil nu, actif depuis 30 ans. L’ancien réacteur Chooz A, mis hors activité depuis 1991, est encore en cours de démantèlement, sous une montagne.

L’entièreté de Chooz A, y compris la cuve de son réacteur, sera démantelée d’ici 2022, un processus long et complexe, identique à celui qui attend nos centrales nucléaires belges. Pour mieux le comprendre, nous avons pu obtenir une autorisation de visite sur site. Une expérience immersive étonnante.

Basculement du générateur de vapeur
Basculement du générateur de vapeur © Tous droits réservés

Une visite hors du temps dans les entrailles de la terre

Pas simple de pénétrer à l’intérieur d’un site nucléaire sécurisé. Plusieurs mois se sont écoulés entre notre demande de visite et le jour tant attendu. Une fois arrivé sur place, il faut montrer patte blanche mais surtout se mettre en combinaison blanche.

Et ne croyez pas qu’il s’agit simplement d’enfiler cette combinaison au-dessus des vêtements. Non. Le déshabillage complet s’impose – hormis les sous-vêtements – puis le passage par un sas sécurisé et après, seulement, vous pouvez vous vêtir d’une combinaison blanche, d’un casque et de chaussures blanches. Pas de visite sans un compteur qui enregistre seconde par seconde si vous ne subissez pas une contamination.

Quand vous pénétrez dans le site de Chooz A, la première chose qui frappe, c’est la sensation d’être hors du temps. Chooz A n’est pas un réacteur nucléaire comme les autres. Il a été construit sous une colline à 200 mètres de profondeur dans les entrailles de la terre. Pour marquer cette frontière entre dehors et dedans, nous passons par un sas de dépressurisation. La pression atmosphérique est différente à l’intérieur et à l’extérieur de la grotte pour que l’air de la grotte et la radioactivité potentielle ne puissent en sortir. Sortis de ce sas, nous arpentons de longues galeries souterraines creusées dans la roche. Le bruit de soufflerie rythme nos pas jusqu’au moment où nous pénétrons dans une grotte d’une trentaine de mètres de hauteur.

Le cœur de la centrale nucléaire : la cuve du réacteur sous une piscine aux eaux turquoise de 20 mètres de profondeur

A l’intérieur, une piscine d’un bleu azur au fond de laquelle nous apercevons la cuve du réacteur nucléaire. Notre guide, Gilles Giron, directeur adjoint de la direction déconstruction et déchets d’EDF, nous explique : "La cuve du réacteur est le récipient en acier très épais qui contenait le combustible nucléaire et à l’intérieur duquel il y avait la réaction nucléaire ". Le combustible a depuis longtemps été enlevé. Il ne reste que le contenant et pour procéder à son démantèlement, l’équipe de 70 personnes s’active avec des outils télécommandés, un procédé bien sécurisé comme nous le commente Gilles Giron : "la piscine que nous voyons existait déjà au moment de l’exploitation. Pour le démantèlement, c’est très pratique car ça nous permet de démanteler sous eau. L’eau est une très bonne barrière radiologique qui protège les intervenants de l’irradiation. En même temps, l’eau étant transparente, on peut très bien voir ce que l’on fait. "

Les intervenants travaillent depuis une passerelle qui surmonte la piscine. Avec des pinces, des scies circulaires accrochées à des perches en acier, ils procèdent, petit à petit, au dépiautage minutieux de la cuve. Une fois qu’un morceau est désolidarisé, il est aussitôt placé dans un bunker en béton construit, pour les besoins du démantèlement, à côté de la piscine. Ce bunker protège les travailleurs des risques de radiations des éléments

Phase finale du démantèlement après 31 ans et en Belgique ?

Construite dans les années 60, la centrale Chooz A a été inaugurée en 1967 puis mise à l’arrêt en 1991. Entre cette dernière date et la fin de son démantèlement, 31 ans se seront écoulés. Une durée qui s’explique par une longue mise sous cocon du site. Aujourd’hui, un démantèlement est plus court, selon Joseph Boucau, vice-président chargé du démantèlement pour l’opérateur industriel sous-traitant Westinghouse : "Toutes ces techniques se sont améliorées et ont été optimisées au fil du temps. Dans le cas d’une centrale standard, un démantèlement peut se dérouler sur une quinzaine d’années mais elle peut fluctuer en fonction des spécificités de chaque projet."

En Belgique, les réacteurs nucléaires sont des réacteurs à eau pressurisée comme Chooz A. Dès 2022, les premiers seront mis à l’arrêt. Quel temps s’écoulera entre cette mise à l’arrêt et l’assainissement du site ? Plusieurs dizaines d’années probablement.

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