Belgique

Chouette boulot, chouettes gadgets, polyvalence, expertise : dans les bottes de la TST de la police de la navigation

Le sonar haute définition, utilisé notamment pour la recherche de personnes disparues ou de véhicules.

© Police Fédérale

Cap sur Zeebrugge, à la découverte du fonctionnement quotidien de la Police Fédérale de la Navigation, et plus particulièrement son équipe d’appui technique, active sur tout le territoire, dans des missions variées qui ne sont limitées ni à la mer du Nord ni aux cours d’eau. Seront abordés : les tâches, les véhicules et le matériel de pointe du service. Suivez les guides, on livre la traduction.

Outre lutter contre la transmigration illégale, la traite et le trafic d’êtres humains, l’équipe d’appui technique de la police de la navigation collabore avec la Cellule personnes disparues, elle participe à la détection des drogues lors des contrôles des partenaires fédéraux ou locaux et contribue aux perquisitions spéciales en investiguant par exemple caves et cloisons, nous a résumé mi-janvier le premier inspecteur Peter Lierman, de cette Technical Support Team (TST), basée à Zeebrugge. "Nous sommes une équipe d’appui technique de la police de la navigation, mais nous ne faisons pas vraiment un travail lié à la navigation", élargit-il d’emblée. Les tâches dépassent le contrôle des frontières et le sonar.

Les tâches de la TST dépassent le contrôle des frontières et le sonar, élargit le premier inspecteur Peter Lierman.
Les tâches de la TST dépassent le contrôle des frontières et le sonar, élargit le premier inspecteur Peter Lierman. © Sébastien Cools

Un pari avec 90% de réussite

Les recherches en milieu aquatique -de corps ou d’armes- se font au moyen d’un sonar, mais aussi à l’aide d’aimants et de drones. En 2021, la Technical Support Team a retrouvé 21 corps sur les 22 missions effectuées pour la Cellule personnes disparues. "Nous laissons la plongée au service spécialisé de la Protection civile", clarifie le premier inspecteur Lierman. "Nous collaborons : nous faisons le travail de sonar et ils font la plongée. Nous devons d’abord confirmer la localisation du corps. C’est en grande partie un 'pari'", confie le policier. Quand l’ombre aperçue au sonar correspond possiblement à un corps, une bouée est jetée à l’eau. "Puis les plongeurs vont sous l’eau pour voir si ce que les membres de la TST ont trouvé est bien ce qui était recherché", explique-t-il. "Dans neuf cas sur dix, ça correspond."

Le sonar pèse plus de 20 kg, selon le premier inspecteur principal Dominic Derveaux.
Le sonar pèse plus de 20 kg, selon le premier inspecteur principal Dominic Derveaux. © Sébastien Cools

Drogue au volant

Étant un service mobile, l’équipe mène des contrôles dans le cadre des drogues, avec une machine qui analyse les échantillons prélevés et indique si la personne contrôlée a été en contact avec des stupéfiants, comme à l’aéroport de Zaventem. La détection peut remonter jusqu’à une semaine avant le contrôle des automobilistes.

Cette machine peut indiquer si la personne contrôlée a été en contact avec des stupéfiants, comme à l’aéroport de Zaventem.
Cette machine peut indiquer si la personne contrôlée a été en contact avec des stupéfiants, comme à l’aéroport de Zaventem. © Sébastien Cools

En 3e ligne

Les missions de détection concernent aussi les métaux, dans l’eau ou sur la terre ferme, et les perquisitions. "On intervient en troisième ligne. D’abord, les unités spéciales sécurisent l’ensemble. Une fois que leur travail est fait, les enquêteurs mènent la perquisition 'classique'. Puis, dans une troisième phase, nous entrons en jeu, à la recherche d’espaces cachés", expose Peter Lierman. Les plans originaux sont alors utilisés pour comprendre si les murs d’une habitation correspondent toujours ou pourraient dissimuler autre chose. "Nous avons ainsi joué un rôle important dans l’affaire Aquino et avec les Hells Angels dans le Limbourg", vante le premier inspecteur de la Technical Support Team.

Un vidéoscope, utilisé pour inspecter les endroits étroits ou difficilement accessibles.
Un vidéoscope, utilisé pour inspecter les endroits étroits ou difficilement accessibles. © Sébastien Cools

Air Force One under control

Munie entre autres de lunettes de vision nocturne des plus simples au plus sophistiquées, l’équipe réalise également diverses observations. Une mission marquante du genre remonte à la dernière visite européenne du président américain Joe Biden, venu à Bruxelles en mars 2022. "Nous avons mené des contrôles en première ligne sur Air Force One, l’avion de Joe Biden", avec les collègues américains, raconte Lierman. "C’était pour nous une mission très particulière, qu’on ne nous avait jamais confiée. C’était aussi très strict, avec toutes les règles de la législation américaine", juge le policier de la TST.

En mars dernier, la Technical Support Team a mené des contrôles en première ligne sur Air Force One, l’avion du président américain Joe Biden.
En mars dernier, la Technical Support Team a mené des contrôles en première ligne sur Air Force One, l’avion du président américain Joe Biden. © Belga

Expérience exigée

Venu de la police locale de la zone Damme/Knokke-Heist voisine, notre interlocuteur polyglotte (néerlandais, anglais, allemand, français) est en poste ici depuis cinq ans. Le quinquagénaire est le plus âgé pour le moment dans l’équipe, après une série de départs à la retraite. Les nouvelles recrues de la TST devant avoir quelques années d’expérience, personne ne se situe sous la barre des quarante ans.

Le premier inspecteur Lierman est en poste depuis cinq ans.
Le premier inspecteur Lierman est en poste depuis cinq ans. © Sébastien Cools

Beaucoup de matériel multifonction

La Technical Support Team est la plus petite entité de la police de la navigation. Elle se compose actuellement d’une douzaine de personnes, soit une commissaire, deux inspecteurs principaux, neuf inspecteurs, plus deux assistants logistiques. Tout ce personnel est formé à l’utilisation du matériel de haute technologie à disposition : en plus de la formation fonctionnelle de deux mois dispensée à la police de la navigation, tous les membres de l’équipe doivent suivre une spécialisation technique de 500 heures. Le savoir est transmis par les collègues plus expérimentés. La liste des moyens techniques à manipuler est longue : scanner à rayons X, sonar haute définition, drones, caméras thermiques et d’inspection, sans compter l’outillage en tout genre. "Il y a peu d’appareils dont nous avons fait l’acquisition qui ne servent qu’à une seule fonction. C’est comme ça pour chaque appareil : on l’achète pour telle raison, mais on l’utilise aussi pour ça, ça et ça", commente Lierman.

Certains appareils peuvent être empruntés par d’autres services de police, mais celui-ci, sensible et coûteux, ne sort pas sans être accompagné d’un membre de l’équipe.
Certains appareils peuvent être empruntés par d’autres services de police, mais celui-ci, sensible et coûteux, ne sort pas sans être accompagné d’un membre de l’équipe. © Sébastien Cools

Plus personne depuis un an

Le scanner à rayons X, utilisé par deux à quatre opérateurs, permet de contrôler une quarantaine de conteneurs par heure. L’image permet de scruter le chargement pour déterminer la présence de personnes. La TST n’a plus trouvé quelqu’un au scanner depuis le 10 février 2022. Une collaboration efficace est par ailleurs en place avec les douaniers tout proches, quand des biens sont repérés, comme des cigarettes contrefaites.

Le scanner à rayons X est utilisé idéalement par quatre opérateurs, deux à l’extérieur pour le triage et deux à l’intérieur pour les relevés et l’analyse.
Le scanner à rayons X est utilisé idéalement par quatre opérateurs, deux à l’extérieur pour le triage et deux à l’intérieur pour les relevés et l’analyse. © Sébastien Cools
"Il faut apprendre à interpréter les images pour savoir qu'il s'agit de véhicules", selon le premier inspecteur Lierman.

Apprendre à interpréter les images

Le HDS, sonar haute définition, est utilisé pour la recherche de personnes disparues ou de véhicules, pour la sécurité des cours d’eau, ainsi que contre le trafic de drogue et le terrorisme. "Récemment, nous avons été mobilisés pour une alerte à la bombe sur un cargo à destination de la Belgique. Aucun explosif n’a été trouvé, mais bien une grosse quantité de cocaïne. Nous avons fait le scanning pour vérifier qu’il n’y avait pas d’explosifs à l’extérieur du navire", cite le premier inspecteur Lierman. Le sonar attaché au bateau de la police envoie un signal, qui revient et donne une image. "Il faut apprendre à interpréter ces images pour savoir qu’il s’agit de véhicules. L’ombre est très importante", dévoile le policier. "Sur 21 km du canal Bruxelles-Charleroi, en novembre-décembre, 69 véhicules ont été sortis", rappelle-t-il. À la vue d’images de corps repérés au sonar, on peut se demander si parfois, c’est vraiment évident de les distinguer. "Non, jamais", répond Peter Lierman, confirmant qu’il faut être rodé. "C’est un pari, un 'jeu'. On ne sait jamais à l’avance, mais on a un système : on est toujours à trois et à partir du moment où deux des trois collègues disent 'On voit quelque chose', même pas grand-chose, on commence à faire le nécessaire, puis les plongeurs doivent faire le reste", développe-t-il.

Des formations aussi pour les bateaux et drones

Dans l’équipe, trois pilotes ont tous les certificats pour les drones, et neuf en tout savent piloter les plus petits engins. Ils sont utilisés pour le contrôle des frontières, mais aussi pour la détection des drogues ou la gestion des foules lors d’événements. En tant qu’entité de la police de la navigation, la TST dispose de trois bateaux, qui ne sont eux pas déployés en mer, mais uniquement sur les canaux. L’un est plus adéquat pour rester au sec en hiver, le bateau "estival" est un peu plus petit et très facile à manœuvrer, quant au troisième, électrique et encore plus petit, il est adapté à toutes les circonstances. Une formation théorique puis pratique de quatre semaines au total doit être suivie pour ceux qui naviguent. Cinq membres de l’équipe l’ont passée à ce stade.

Les drones sont utilisés pour le contrôle des frontières, mais aussi pour la détection des drogues ou la gestion des foules lors d’événements.
Les drones sont utilisés pour le contrôle des frontières, mais aussi pour la détection des drogues ou la gestion des foules lors d’événements. © Sébastien Cools

Une variété stimulante

Interrogé sur l’adéquation du matériel, notre homme concède que ce n’est "jamais suffisant", parce que la technique évolue constamment. En corrélation avec le progrès, les formations se suivent sans arrêt. "Il y a toujours des choses à apprendre", estime le premier inspecteur, ajoutant que se former permet de travailler plus facilement. La veille au pilotage de drones, ce jour-là au scanner, le week-end souvent sur les routes pour les contrôles de drogue, et nous avouant une préférence pour le sonar, le policier apprécie le changement et son côté motivant. "On a tellement de choses à faire et à apprendre ! Ça peut continuer comme ça jusqu’à la pension", rigole Peter Lierman, 53 ans.

Motivé par le changement, Peter Lierman espère continuer ainsi jusqu’à la pension.
Motivé par le changement, Peter Lierman espère continuer ainsi jusqu’à la pension. © Sébastien Cools

Lourdeur et souplesse

Le travail n’est jamais monotone, et si par hasard les jours plus ennuyeux au scanner s’enchaînent, il est possible de passer à autre chose, car l’entente est bonne dans l’équipe, une ambiance amicale qui évite aussi les discussions. Même principe si les tâches plus lourdes se suivent, comme plusieurs recherches de personnes disparues d’affilée, un policier peut toujours demander un break, un collègue partira à sa place.

L’ambiance amicale permet d’éviter les discussions.
L’ambiance amicale permet d’éviter les discussions. © Sébastien Cools

L’importance du social

"Quand j’ai commencé ici, il y avait un examen. Ils m’ont demandé : 'Pourquoi la TST ?' Ma priorité, c’était de pouvoir dire aux familles : 'On a trouvé, vous pouvez faire vos adieux', votre deuil. C’était le plus important pour moi", se souvient Lierman. "Quand on accueille de nouvelles personnes, il faut d’ailleurs voir aussi l’aspect émotionnel. Ce n’est pas seulement 'chouette boulot, chouettes gadgets'. En effet, 'chouette boulot, chouettes gadgets', mais nous sommes aujourd’hui dans une situation où il faut vraiment pouvoir inclure la dimension sociale, tenir compte des proches des victimes", insiste le premier inspecteur.

Trouver une victime, c’est aussi permettre aux proches de faire leur deuil.
Trouver une victime, c’est aussi permettre aux proches de faire leur deuil. © Belga

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