Au milieu des champs, dans la commune de Soignies, Christophe Versieux s’est lancé dans un projet qui peut paraître anodin à première vue, mais qui aujourd’hui trouve tout son sens et suscite l’intérêt général ! Juste à côté de sa fermette, il a créé un jardin sauvage. Son objectif ? Rendre à la nature un espace sur lequel elle restera reine et ainsi promouvoir et sensibiliser à la biodiversité.
Christophe Versieux est ingénieur civil. Après avoir bourlingué aux quatre coins de la planète, il décide de poser ses valises, en 2013, dans une ancienne fermette du côté de Naast. En 2018, désireux d’agrandir son jardin, Christophe demande à son voisin fermier, Johan Dehouck, s’il n’a pas l’intention de vendre une partie de ses terres agricoles… "Et par le plus grand des hasards, Johan, qui est aujourd’hui mon ami, me dit qu’il avait justement la volonté de vendre une parcelle de 30 ares, collée à ma fermette. J’ai sauté sur l’occasion."
Au début, Christophe rêve d’une herbe bien tondue, à l’image d’un terrain de golf, pour accueillir ses amis et passer de chouettes soirées autour du feu. "Je me suis dit que j’allais acheter une grande tondeuse. Que j’allais rendre ce terrain le plus propre possible ! Mais au fur et à mesure des mois, je me suis rendu compte que ça ne correspondait plus du tout à mes envies." Christophe abandonne alors la tonte à quelques endroits du jardin et se demande comment l’exploiter de manière utile…
Plus les jours et les nuits passaient, plus la nature reprenait ses droits. "Il commençait à y avoir de plus en plus de plantes, de fleurs, d’insectes, etc." Christophe décide alors de créer des parterres fleuris, sans aucune compétence particulière en jardinerie. Il remplace ensuite sa tondeuse par des moutons. Puis crée un verger. "J’étais vraiment surpris de la vitesse à laquelle se développait la vie, la biodiversité dans ce jardin expérimental." C’est tout un écosystème qui était en train d’éclore sous ses yeux, émerveillés.
Création de l’ASBL Tomorrow Lab
En 2020, Christophe a voulu porter son projet au niveau supérieur. Il s’entoure donc de quelques amis d’université qui travaillent, eux aussi, dans le monde industriel. Gilles, Manu et Julien rejoignent alors le projet. "Avec notre formation d’ingénieur industriel, on a toujours été sensibles aux alertes scientifiques sur l’évolution de notre planète. D’ailleurs, nous avons tous pris, dans nos entreprises respectives, des responsabilités quant à la préservation de l’environnement. Par exemple, moi, je travaille beaucoup sur l’énergie dépensée par l’entreprise et je réfléchis à la meilleure solution pour diminuer le volume, mais aussi le coût de notre consommation."
Désireux de participer à l’effort collectif pour offrir un monde plus durable aux générations futures, ils créent l’ASBL Tomorrow Lab autour du jardin expérimental. "Le but de notre association est de promouvoir et de sensibiliser à la biodiversité. De partager notre passion et nos connaissances, tout en ayant un côté festif avec différents évènements organisés sur cette terre de partage."
À Soignies, la mayonnaise prend rapidement ! Le bouche-à-oreille fonctionne et les habitants sont de plus en plus nombreux à s’aventurer sur le terrain, ouvert à tous, 24h/24 et 7j/7. Régulièrement, Christophe échange avec les promeneurs ou cyclistes qui s’arrêtent sur le terrain. "Un jour, j’ai même vu une camionnette s’arrêter, avec une dizaine de personnes handicapées et leurs accompagnants. Ils ont longuement observé un agneau qui venait de naître. Ils étaient émerveillés. Ça m’a vraiment fait chaud au cœur ! On a partagé un agréable moment ensemble."
« C’est comme mon caractère, c’est un bordel organisé ! »
Grâce à différents partenaires et sponsors qui sont littéralement tombés sous le charme du projet, Christophe et son équipe peuvent concrétiser leurs multiples idées et continuer à faire grandir l’ASBL Tomorrow Lab. "En 2021, Johan est revenu vers moi, car il avait 10 ares supplémentaires qu’il n’utilisait pas." Sans hésiter une seule seconde, ils décident donc d’agrandir le jardin expérimental et de créer un potager collectif où tout le monde pourrait faire pousser ses graines et ses légumes, y compris les élèves de l’école communale. "On propose aux enfants un petit coin de nature. Un endroit où ils pourront apprendre les fondamentaux du potager. Où ils pourront planter, récolter et ensuite déguster le fruit de leur travail."
D’autres projets comme celui-là, les membres de l’ASBL en ont par dizaines. "On a construit une marre il y a quelques mois. Avec notre partenaire, Natagora, on organise des formations sur les batraciens. On a également installé des ruches grâce à Pierre Denauw, un apiculteur de la commune. On travaille avec l’abeille noire, une espèce locale non destructrice. L’objectif est de faire notre propre miel. On ne vise pas la production. On veut juste avoir quelques pots à partager avec les visiteurs. Ah oui, on a aussi produit notre propre bière à base de plantes aromatiques du jardin. 600 litres de 'l'abstinence' viennent d’être mis en bouteille. On est aussi en train de préparer un festival de deux jours avec des concerts et animations au mois de juin."
L’ASBL Tomorrow Lab organise aussi régulièrement des ’cleanwalks’. Pendant plusieurs heures, les membres de l’ASBL, accompagnés de volontaires, parcourent les rues sonégiennes pour ramasser un maximum de déchets.
Bref, Christophe et ses amis ont de multiples projets, qui partent un peu dans tous les sens, mais qui sont toujours centrés sur la nature et le respect de l’environnement. "C’est comme mon caractère. C’est un bordel organisé. Ce projet me ressemble parfaitement."
Nathan, l’ornithologue
Au fur et à mesure, ce jardin expérimental est devenu une zone de nidification idéale pour une multitude d’oiseaux. Et c’est bien cet aspect qui a motivé Nathan, la plus jeune recrue de l’ASBL. Du haut de ses 17 ans, il connaît probablement plus d’oiseaux que vous n’en connaîtrez sur toute votre vie ! "Il observe au Tomorrow Lab des espèces qu’il n’avait encore jamais vu dans la région." Muni de son appareil photo, il capture des moments suspendus. Admirez ces quelques clichés.
Reproduisez ça chez vous !
Il y a tout de même une question qu’on peut légitimement se poser : peut-on facilement reproduire ça chez nous ? Car il est évident que tout le monde ne dispose pas d’un terrain aussi vaste pour permettre à la nature de reprendre ses droits… "Il ne faut pas forcément avoir 30 ares ! 4 ou 5 mètres carrés sont déjà amplement suffisants. En quelques mois seulement, vous allez voir fleurir des espèces que vous ne soupçonniez même pas et aller voir apparaître des bêbêtes plus intrigantes les unes que les autres."
Et à en croire ce passionné, de nombreuses personnes désirent reproduire un Tomorrow Lab II chez elles. "Et là, l’ASBL peut apporter son soutien dans la conception. On donne aussi des plantes. On a même des subsides pour offrir des arbres aux gens qui voudraient en planter." Les jardins sauvages sont donc amenés à se multiplier dans les années à venir. "Et au niveau de l’entretien, les gens ne s’imaginent pas à quel point c’est facile. C’est presque un jardin de paresseux, car la nature fait elle-même son travail."
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