Encercler et assiéger les villes
Marioupol, ville portuaire stratégique sur la mer Noire, est l’exemple le plus emblématique du siège d’une ville depuis le début de l’intervention russe en Ukraine le 24 février. Plus de 2000 habitants pris au piège des bombardements, du froid et de la faim, ont déjà été tués dans la ville assiégée, selon la mairie.
À nouveau, les similitudes avec la Syrie sont évidentes selon Raphael Pitti. "On a vu comment les Russes ont conduit la capitulation d’Alep [en 2016]. Ils l’ont fait en trois temps : encercler, ensuite bombarder la ville de manière intensive tous les jours […] puis attendre que les gens capitulent par la faim, le froid, l’absence d’eau potable".
Encercler, ensuite bombarder […] puis attendre que les gens capitulent par la faim, le froid, l’absence d’eau potable
En Syrie, les Russes étaient surtout en appui d’al-Assad pour les sièges très meurtriers des villes d’Alep et d’Idlib comme l’analyse Julien Pomarède. "Les Russes sont habitués à la guerre de siège, ils l’ont soutenue en Syrie, et avant ça, ils l’ont pratiquée en Tchétchénie. Ils ont rasé Grozny, qui était une vraie guerre de siège."
En Ukraine, pour assiéger les villes de Marioupol ou de Kiev, l’armée russe utilise "Des techniques de bombardement assez rudimentaires. C’était déjà le cas en Syrie, où on bombardait souvent avec des bombes qui n’étaient pas guidées vers un objectif précis, mais qui étaient simplement larguées. En Ukraine c’est vraiment du pilonnage rudimentaire autour des villes."
Le choix de la stratégie de siège peut aussi s’expliquer par les défaillances actuelles de l’armée russe, qui a des difficultés à "coordonner les unités de l’armée de terre et de l’air entre elles et créer des axes de pénétration dans les villes […] A cela s’ajoutent des déficiences logistiques majeures en carburant et en munitions. Et il n’y a pas assez de camions. Donc leur seule solution, c’est de se mettre autour des villes avec des pièces d’artillerie, de pilonner et bombarder."
En outre, selon Raphael Pitti, les Russes ont tiré les leçons de l’Afghanistan. "Si vous occupez les villes à l’intérieur, vous facilitez la guérilla", dit-il. "Le but c’est de faire l’inverse, c’est d’amener l’adversaire à l’intérieur des villes".