Initiatives locales

Circuit court, vrac et produits bio, les commerçants locaux constatent une nette baisse des ventes

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Avec les confinements successifs et les restrictions sanitaires, la période de pandémie était propice au circuit court et à l’achat de produits locaux. Mais depuis fin 2021, la situation a bien changé pour les producteurs et commerçants qui vendent du bio ou en vrac. Que ce soit en Wallonie ou à Bruxelles, ils sont nombreux à tirer le même constat : leur chiffre d’affaires dégringole.

Nathalie Wolf est agricultrice-maraîchère à la ferme du Champia à Chevetogne. Depuis plusieurs années, elle produit des légumes en circuit court mais cette saison, elle ne parvient pas à écouler ses stocks, faute de demandes… " Les tomates et les poivrons sont bons à repiquer donc il nous faut de la place, mais il nous reste encore beaucoup de salades qui ne se sont pas vendues ", expliquait-elle au micro de Matélé dès le mois de mai. " Chaque année, nous savons à peu près ce que nous vendons donc nous replantons la même chose mais là, c’est la catastrophe. "

La situation que vit Nathalie est pourtant loin d’être isolée. Selon les chiffres de BioWallonie, le Belge a dépensé 890 millions d’euros dans l’alimentation bio en 2020, ce qui représente 5% du budget des ménages concernant la nourriture. C’est deux fois plus que 5 ans auparavant. Mais après cette croissance rapide, les ventes ont diminué de 30% pour les commerçants proposant des produits bio et/ou locaux !

Au Roots Store à Bruxelles, on a d’ailleurs remarqué cette diminution drastique dès le mois de janvier.On a perdu un tiers de notre chiffre d’affaires ", se désole Hannah Willsher, la gérante de l’épicerie, auprès de Bx1. " On essaie de regarder quels sont les leviers pour diminuer nos coûts et comment joindre les deux bouts… "

>> " C’est la première fois que le milieu du bio vit ça depuis des dizaines d’années et c’est dans toute l’Europe ", déclare le directeur opérationnel de Färm au micro de Bx1

Consommation : les magasins bio face à des difficultés “historiques”

Le vrac également touché

Né il y a trois ans à Perwez, l’épicerie " So Vrac, So Good " a pu tout d’abord profiter de l’engouement autour du vrac et du bio durant la crise sanitaire. Mais le vent semble avoir tourné pour le magasin qui subit une importante perte de clients et de son chiffre d’affaires depuis bientôt un an.

Mais la gérante de l’épicerie a rapidement compris que sa situation était loin d’être isolée. " C’est une crise chez So Vrac mais c’est aussi une crise du secteur alimentaire bio, en vrac, durable… ", résume Cécile Husquet à Canal Zoom. " Ca touche toute la Belgique. Ici, on a une magasin à Eghezée qui ferme, il y en a qui a fermé à Liège. Je pense que chaque semaine, j’entends des nouvelles de magasins qui sont obligés de mettre un terme à leur projet. "

L’inflation, une première explication…

En déménageant son magasin dans le courant de l’année 2021, la coopérative " Réseau Solidairement " de Libramont se sentait pousser des ailes. L’augmentation des ventes de produits locaux prédisait un bel avenir mais aujourd’hui, la situation a bien changé" Il y a le prix évidemment ! ", constate Denis Amerlynck, un membre de la coopérative, auprès de TV Lux. " Si on va vers une crise économique, il y a moins d’argent disponible pour le panier alimentaire ".

Chez Cocoricoop, coopérative spécialisée dans l’agriculture locale à Ciney, le constat est similaire : les commandes sont en baisse de 35% ! " Il est question de l’augmentation du coût de la vie ", confirme Robin Guns, directeur général, à Matélé. " Je pense que, peu importent les milieux socio-culturels, il y a une prise de conscience de cette augmentation et malheureusement, l’alimentation est souvent l’élément que l’on revoit à la baisse dans ce genre de situation. "

>> À suivre : "On voit que les consommateurs aujourd’hui assimilent de plus en plus le bio avec produits de luxe", estime Pierre-Alexandre Billiet, économiste et patron de Gondola, auprès de la RTBF

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… mais pas seulement !

Si la baisse du pouvoir d’achat est pointée du doigt, ce n’est pas la seule raison que les commerçants évoquent. La fin du confinement est également perçue comme un tournant. Pour Jean-Yves Hermann, maraîcher aux Jardins d’Orléans, il y a un pouvoir d’achat en baisse, mais aussi un changement d’habitude. " Pendant le confinement, les clients avaient le temps de cuisiner ", explique-t-il à Vedia. " Mais depuis, ils sont revenus dans une logique de travail en mangeant à l’extérieur et en allant au restaurant. "

>> À suivre : " Toutes les semaines, j’ai des collègues maraîchers qui arrêtent ", explique Noëlle Vliegen, une autre maraîchère, au micro de Vedia

En fait, je pense qu’au début du covid, avec l’inconnu, les gens ont un petit peu boycotté les grandes surfaces et se sont réorientés vers des petits commerces probablement aussi par crainte de l’échange de microbes, ne sachant pas vers quoi on allait ", déclare de son côté Ludivine Beaujean, gérante de " Justin mange bien " à Beaufays, auprès de la RTBF. " Et puis justement quand le covid a commencé à s’estomper, que la vie a repris son cours normal, on a remarqué justement qu’il y a eu à nouveau une chute de cette présence et de cette visibilité du consommateur dans les commerces comme le nôtre. "

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La fin du bio et du local ?

Pour faire face à cette baisse, les acteurs locaux ne sont pas restés les bras croisés. Chez Cocoricoop, l’objectif est de faire revenir les clients potentiels vers le circuit court et l’alimentation bio. " On essaie de mieux communiquer pour toucher un autre public qui ne nous connaît pas encore. Nous travaillons pour avoir une gamme attractive. Nous essayons d’être au plus juste et il faut savoir qu’il y a pas mal de produits issus de l’agriculture bio qui sont tout à fait abordables. "

C’est d’ailleurs pour soutenir ces commerces que Sylvie Droulans a créé l’asbl " ConsomAction ". Ce réseau, qui regroupe les professionnels belges défendant une consommation responsable, durable, locale et zéro déchet en Belgique, veut réunir une diversité d’acteurs dans le but de proposer une manière plus engagée de consommer. " Il est temps qu’on fasse quelque chose. Des magasins ont tenu pendant plusieurs mois avec une situation un peu particulière où ils sentaient cette évolution négative. Maintenant, étant donné que ce sont des petites structures, ça commence à devenir de plus en plus difficile. "

Pour elle, le bio n’est certainement pas mort mais il est nécessaire que les consommateurs se tournent vers des habitudes plus résilientes et engagées.

>> À suivre : " Pas mal d’autres acteurs, notamment la grande distribution, communiquent sur le circuit court en prétendant qu’ils en font ", déclare le collectif 5C à Matélé

Nathalie, maraîchère à Ciney : "Là, c’est la catastrophe"

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