Belgique

Claire, hémiplégique, se voit refuser son accès dans un avion à cause de sa chaise électrique considérée trop lourde

Voyage en avion/Pas simple avec une chaise roulante

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Par Lucie Dendooven

Pour beaucoup, les vacances sont synonymes de repos et de découvertes. On imprime les tickets d’avion, on boucle les valises et on se retrouve ailleurs. Mais pour les personnes à handicap physique, le voyage en avion est souvent inaccessible.

Claire Coché a 40 ans. Elle est lourdement handicapée depuis un grave accident de vélo à l’âge de 6 ans. Cela ne l’empêche pas de voyager. La semaine prochaine, elle doit partir à Lisbonne, chez son cousin, avec la compagnie d’avion TAP. Mais au moment de rentrer sa demande pour personnes à besoins spécifiques, elle reçoit une réponse étonnante : "On ne peut pas accepter votre requête".

Une chaise électrique interdite dans la soute aux bagages sous prétexte qu’elle est trop lourde

© Tous droits réservés

Depuis des mois, Claire s’acharnait pourtant à les contacter. Elle avait réservé son billet en octobre et n’obtenait pas d’information concernant les mesures particulières pour son fauteuil. Finalement, Claire réussit à joindre quelqu’un, via un call center, apparemment situé en Afrique, où ils lui répondent que les chaises électriques ne sont pas acceptées.

La raison invoquée : le poids de sa chaise électrique de 167 kilos. Trop de poids pour leur soute aux bagages ! Claire Coché ne baisse pas les bras, elle a demandé l’aide d’Unia, le centre pour l’égalité des chances et contre les discriminations. Mais de toute évidence, selon William Matgen, juriste au centre européen des consommateurs, Claire devrait obtenir gain de cause car la compagnie a des contraintes : "elle doit rembourser le billet ou rebooker la personne gratuitement à bord d’un autre avion où la chaise roulante trouvera sa place. Si ce n’est pas le cas, elle doit lui offrir une indemnisation de 250 à 600 euros selon la distance du vol."

Le cas de Claire le démontre bien : voyager en avion lorsqu’on est une personne handicapée, réclame beaucoup de patience et d’anticipation. Et c’est vrai aussi pour tous les transports en commun.

"Ça fait 22 ans que je me casse la tête"

© – ASBL Décalage

Et ce n’est pas Anne Spillaert qui est à la tête de l’ASBL Décalage depuis 22 ans qui nous dira le contraire. Son asbl souhaite décloisonner les relations entre adultes valides et moins valides. Quatre fois par an, elle organise des voyages accompagnés pour les personnes handicapées aux quatre coins du monde.

Mais elle le reconnaît d’emblée, elle a beau être une routinière des procédures administrative et logistique des aéroports et des avions : "Ça fait 22 ans que je me casse la tête. Je suis allée partout avec des personnes handicapées. Mais ça reste très difficile de voyager avec une chaise électrique, explique-t-elle. Une raison qui a poussé son asbl Décalages à préfèrer les voyager avec des chaises manuelles : "nous pouvons les replier. D’autant plus que nous voyageons en groupe, donc nous avons deux à quatre chaises à gérer. Nous avons déjà voyagé, notamment vers Ibiza avec des chaises électriques, mais il faut s’arranger pour pouvoir les rentrer dans un cube", détaille Anne Spilliaert.

Chaque compagnie a ses normes. Mais en général, une chaise doit pouvoir rentrer dans un seul m3 maximum. Elle nous explique : "Lors du voyage à Ibiza, nous avions deux chaises électriques, que nous avons dû les plier complètement, les rabattre et pour cela nous avons dû couper les connexions électriques et mettre des sortes de prises pour rabattre le siège et puis après les remettre. La chaise roulante se range avec les bagages tandis que la personne handicapée monte à bord sur une chaise de transfert aidée par le personnel de la compagnie. Sinon, la seule possibilité qu’ont les personnes handicapées, c’est de partir en voiture manuelle et de louer, sur place, une chaise électrique. "

Voyager sur la muraille de Chine ou visiter le Taj Mahal en chaise roulante

© ASBL Décalage

Anne Spilliaert et ses équipes prennent elles-mêmes les contacts avec les compagnies aériennes pour répondre à leurs normes d’embarquement. Elles aident aussi, parfois, les personnes qui ne voyagent pas avec elles et qui ont besoin d’assistance pour régler ce genre de problèmes.

L’asbl Décalage voyage partout, y compris, en Afrique mais la logistique doit être à la hauteur des ambitions comme nous raconte Anne Spillaert : "Chaque personne handicapée doit avoir un accompagnateur. Nous pouvons lui en fournir un si elle n’en a pas. Chacun d’entre eux doit pouvoir soulever la personne handicapée. Il doit avoir beaucoup de forces. Lorsque nous voyageons en groupe, nous allons dans des endroits qui ne sont pas spécialement accessibles. Nous avons du matériel adapté y compris des rampes d’accès, et même un WC chimique. Nous pouvons nous arrêter n’importe où. S’il y a dix marches à monter, tous nos accompagnateurs se mettent ensemble pour soulever une chaise, puis la deuxième, la troisième et la quatrième."

Depuis que son asbl existe, Anne a, notamment, emmené ses adultes moins valides sur la muraille de Chine. Elle leur a fait traverser Madagascar à bord d’un bateau. Des souvenirs inoubliables qui restent imprimés sur sa rétine. Anne Spillaert veut continuer à offrir aux personnes moins valides ces voyages d’exception qu’ils ne feraient pas en passant par leurs mutuelles, par exemple, où les destinations sont généralement fixes et convenues.

Le voyage et l’inattendu restent un rêve difficilement accessible aux personnes en chaise roulante comme Claire Coché a pu en faire l’expérience.

Interdire l’accès à l’avion aux personnes handicapées est une discrimination

Et pourtant, l’Union Européenne garantit la mobilité de tous ses citoyens, y compris ceux à mobilité réduite ou avec des handicaps invisibles. Pour rappel, un Règlement Européen n’est pas une norme facultative, mais obligatoire. Les États membres sont tenus d’appliquer ces dispositions telles qu’elles sont définies dans le Règlement.

En d’autres mots : ne pas octroyer d’aménagements raisonnables pour accéder à un aéroport ou un avion constitue une discrimination. Un aéroport ou une compagnie ne respectant pas ce droit peut être sanctionné par une amende administrative.

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