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Climat, une primeur au large du Danemark : du CO2 produit en Belgique enfoui dans une ancienne nappe de pétrole

Les bidons de CO2 liquéfiés

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Par Jean-François Herbecq avec VRTNWS

C’est une première : du CO2 produit par l’industrie belge va être stocké à 1800 mètres de profondeur, sous la mer. Ce gaz à effet de serre au lieu d’être relâché dans l’atmosphère sera injecté dans une ancienne nappe de pétrole épuisée, via une plate-forme de forage off-shore au large du Danemark. Ce projet a été inauguré ce mercredi 8 mars à Esbjerg, dans le sud-ouest du pays par le prince héritier Frederik. Greensand est destiné à éliminer du CO2 issu de l’usine Ineos de Zwijdrecht près d’Anvers. C’est la VRT qui a pu ramener en exclusivité ce reportage.

L’usine Ineos à Zwijndrecht
L’usine Ineos à Zwijndrecht © VRT

D’où vient ce CO2 ?

Le gaz est issu de la production d’oxyde d’éthylène, utilisé dans l’industrie chimique pour la fabrication de produits, pharmaceutiques, dentifrices et de nettoyage, ainsi que pour les matériaux de construction et l’isolation. Un de ces sous-produits est le CO2, qui peut être revendu pour gazéifier les boissons ou utilisé pour la neige carbonique. Mais in fine, il est relâché dans l’atmosphère, cause de réchauffement.

Le CO2 va donc être transporté sous forme liquide dans le cadre de ce projet de captage et de stockage du carbone en mer du Nord, de l’usine jusqu’à la plate-forme de forage.

Le transport se fait en bidons, mais on peut imaginer des pipelines ou de grands bateaux gaziers.

La plateforme de forage SIRI où le CO2 sera injecté
La plateforme de forage SIRI où le CO2 sera injecté © VRT

Ce projet baptisé Greensand, à cause du sable vert qui recouvre le champ pétrolifère, rassemble 23 partenaires, dont la multinationale britannique Ineos. D’ici 2025, les initiateurs du projet espèrent être pleinement opérationnels. Le projet Greensand reçoit 26 millions d’euros de soutien du gouvernement danois.

Quelle rentabilité ?

Le principe de stockage souterrain, ou sous-marin, de gaz à effet de serre existe déjà, notamment aux Etats-Unis lors de l’extraction du gaz de schiste.

Le succès du projet Greensand dépend étroitement du prix du CO2 sur le marché européen, dans le cadre du système européen d’échange de quotas d’émission (ETS). Pour chaque tonne de CO2 émise par l’industrie, celle-ci doit acheter un certificat d’émission.

Actuellement, ce prix oscille autour de 80 euros la tonne. Tant que le projet Groenland ne peut pas descendre en dessous de ce prix, et il s’afficherait dans un premier temps sans doute légèrement au-dessus, l’industrie devrait préférer laisser ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Le prix pourrait baisser sous celui des ETS aux alentours de 2028-2029, moment de bascule selon les projections. En attendant, des subventions restent nécessaires pour faire fonctionner le projet.

Greenwashing ?

L’infrastructure de forage et de pompage peut resservir à l’injection, ce qui permet une économie et de garder le personnel de la plateforme au travail.

Selon Greensand, la sécurité et l’étanchéité sont garanties, le sous-sol est stable du point de vue sismique. 

Cela ne calme pas toutes les inquiétudes des associations de protection de la nature et les militants du climat qui voient surtout dans l’opération du greenwashing et pointent le risque de fuites. Jan Vande Putte de Greenpeace rappelle qu’il existe des "moyens beaucoup plus efficaces pour réduire le CO2 : déployer des pompes à chaleur, des panneaux solaires, isoler les maisons. Ainsi, les factures des gens peuvent également être réduites, pas celles de quelques multinationales". Une référence aux subventions que Greensand obtient.

Parmi les stratégies recommandées par le groupe d’experts de l’ONU sur le climat, le GIEC, le captage et de stockage du carbone est mentionné à 6 reprises pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés.

À l’heure actuelle, environ 2 milliards de tonnes de CO2 sont retirées de l’atmosphère chaque année, en grande majorité par les forêts, la gestion des terres et les arbres nouvellement plantés. Seul 0,1%, soit environ 2,3 millions de tonnes par an, se fait grâce aux nouvelles technologies. Et il faudrait au moins atteindre 7 milliards de tonnes d’ici 2050 pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés.

Concrètement, le projet Greensand espère stocker 1,5 million de tonnes de CO2 par an d’ici 2025, et augmenter cela jusqu’à 8 millions de tonnes par an par la suite. Cela représente environ 7% des émissions belges annuelles.

Le sable vert de Greensand
Le sable vert de Greensand © VRT

Sur le même sujet : extrait JT 08/03/23

Stockage CO2 dans une poche de sol vide sous la mer

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