Code jaune mais pas pour tous : les patients immunodéprimés sont-ils les laissés-pour-compte de la pandémie ?

© Getty

Par Kamel Azzouz

Depuis que le code jaune est entré en vigueur, une grande partie de la population a repris le cours d’une vie presque normale malgré la recrudescence du variant Omicron BA – 2. Cependant, les personnes immunodéprimées risquent toujours de développer des formes graves du Covid. De nombreux scientifiques tirent la sonnette d’alarme alors que des médicaments ont démontré leur efficacité pour protéger ces patients à haut risque. Contrairement à d’autres pays européens, la Belgique semble à la traîne quant à l’accès à ces traitements qui peuvent sauver des vies.

Code jaune oblige, de multiples mesures ont été assouplies ou abandonnées grâce à une large et efficace couverture vaccinale. Mais désormais comme le signale l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le variant BA-2 prend le dessus aux quatre coins du monde. Pour une personne complètement vaccinée (avec un booster) qui a un bon système immunitaire, les conséquences d’une infection se résumeraient pour ainsi dire à l’équivalent d’une bonne grippe saisonnière. Alors que même vaccinée, une personne immunodéprimée est toujours confrontée au risque de développer des formes graves, voire létales, du Sars-Cov-2.

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J’ai le sentiment que le gouvernement ne se préoccupe pas vraiment de cette tranche de la population

Pourtant de nombreux experts en Belgique prônent l’usage de médicaments antiviraux qui assureraient une protection bien plus complète pour cette frange de la population dotée d’une extrême faiblesse immunitaire. Parmi ces scientifiques qui évoquent une véritable urgence pour ces personnes, le professeur Michel Goldman, Président de l’Institut pour l’Innovation en Santé (ULB) déplore qu’elles ne bénéficient pas de l’attention qu’elles méritent comme : " On semble oublier que certains patients ne répondent pas ou très mal au vaccin, même lorsque les injections sont répétées au-delà des 3 doses habituelles : il s’agit notamment de porteurs de greffe d’organe, de patients atteints de certains cancers (leucémies, lymphomes), ou de maladies auto-immunes graves. La raison est simple à comprendre : ces malades doivent recevoir des traitements qui mettent leur système immunitaire au repos. S’y ajoutent évidemment les patients atteints d’immunodéficience congénitale ou d’une infection à HIV non contrôlée. On estime qu’ils représentent environ 2% de la population. J’ai le sentiment que le gouvernement ne se préoccupe pas vraiment de cette tranche de la population. Peut-être parce qu’elle est très minoritaire. C’est comme si l’on considérait que ces personnes n’avaient qu’à vivre confinées en permanence, porter le masque et l’imposer à leur entourage. Cela crée une situation d’isolement social pénible sans compter la stigmatisation dont elles font l’objet. Pourtant, il y a des médicaments et des traitements qui leur sont destinés, et qui sont approuvés par l’Agence Européenne du Médicament. "

Les antiviraux, c’est vraiment une solution pour ces personnes à haut risque

De nombreuses voix dans le monde médical s’accordent à dire qu’une médication antivirale réduirait les hospitalisations de ces patients les plus vulnérables. Deux solutions sont particulièrement avancées. Le Paxlovid qui permet de traiter les patients immunodéprimés atteints du covid19, et l’Evusheld qui est un traitement préventif offrant une protection d’une durée de 6 mois. L’immunologiste Michel Goldman, souligne l’efficacité de ces deux médicaments pour un patient immunodéprimé : " Les antiviraux, c’est vraiment une solution pour ces personnes à haut risque. L’Evusheld est une combinaison d’anticorps monoclonaux. Des produits de la biotechnologie qui se donnent par voie intramusculaire. Ils sont utilisés de manière préventive. Une fois ces anticorps administrés aux patients, ils sont protégés pendant 6 mois. C’est une prévention efficace y compris contre le variant BA.2. Tandis que le Paxlovid est indiqué pour le traitement d’une infection covid19 qui vient de se déclarer. Ce médicament antiviral, pris par voie orale, s’apparente à la famille des médicaments (antirétroviraux) utilisés pour les patients infectés par le VIH, par exemple. Il peut être administré à une personne immunodéprimée, lorsqu’elle a été contaminée récemment. Mais il y a deux éléments importants à prendre en compte (1) la prise de ce médicament doit se faire dès le début de l’infection pour qu’il soit efficace (2) il faut tenir compte des autres médicaments pris par le patient pour éviter des toxicités qui peuvent être dangereuses. "

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Manifestement, certains pays sont beaucoup plus rapides et actifs que d’autres

En France, 16.000 personnes ont déjà bénéficié du nouveau traitement préventif Evusheld à la suite d’une approbation transitoire d’urgence par la Haute autorité de Santé. Chez nous, le gouvernement a décidé d’attendre l’approbation du médicament par l’Agence  Européenne du Médicament pour valider sa commande de 10.000 doses. Cette approbation a été donnée depuis jeudi dernier. Quant au Paxlovid, la Belgique est toujours en négociation de contrat avec la firme Pfizer pour une commande de 10.000 doses. Michel Goldman ne s’explique pas la lenteur de la Belgique alors qu’il s’agit d’une urgence potentiellement vitale pour certains patients : " Cela démontre l’importance des commandes communes au niveau européen qui ont très bien fonctionné pour les vaccins. Malheureusement pour ces médicaments antiviraux, chaque État membre est en charge de sa commande, et manifestement, certains pays sont beaucoup plus rapides et actifs que d’autres. Si la Belgique peut être fière du travail effectué pour sa couverture vaccinale, elle est clairement beaucoup moins performante pour les traitements antiviraux ".

Malgré le fait qu’elles soient vaccinées, les personnes qui ont un système immunitaire déficient risquent de développer des formes sévères du covid19. L’extrême contagiosité du variant BA-2 force de nombreux scientifiques à tirer la sonnette d’alarme. A travers toute la Belgique, des voix expertes en la matière s’élèvent afin que le gouvernement accélère l’accès indispensable aux médicaments antiviraux pour les patients immunodéprimés.

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