"Cognac" arménien, "champagne" californien : la difficile question des appellations protégées d’alcool dans le monde

© EvdokiMari / Getty Images/iStockphoto

Le 1er mars 2021, un nouvel accord entre l’Union européenne et l’Arménie est entré en vigueur, dans le cadre du Partenariat oriental, mis en place en 2009. Parmi les différentes clauses, l’une concerne… l’alcool. En tout cas, un certain type d’alcool, le cognac arménien, distribué sous la marque Ararat, propriété du groupe Pernod Ricard. Une eau-de-vie qui fait la renommée du pays, notamment chez ses voisins de l’ex-URSS : des dizaines de millions de litres d’eaux-de-vie sont conservés dans ses chais, de quoi produire chaque année du cognac pendant dix ans.

Mais si la réputation de ce spiritueux n’est pas en jeu, son nom, lui, pose problème. Le mot "cognac" est une appellation d’origine contrôlée (AOC) en France, d’après le nom de la commune de Charente (Nouvelle-Aquitaine) d’où il est originaire. Pas question d’autoriser n’importe quelle eau-de-vie de raisin à s’appeler ainsi. Si le groupe Pernod Ricard distribue la boisson arménienne sous le nom de "brandy", un terme plus générique, en Europe, cette dernière est toujours vendue sous le nom de "cognac" dans les pays de l’ex-URSS. Dans le nouvel accord, l’Arménie s’engage donc à abandonner ce terme d’ici 2043, après avoir écoulé son stock actuel.


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Ce n’est pas la première fois qu’un alcool produit hors de France subit, directement ou indirectement, les foudres de l’Hexagone. Aux Etats-Unis, quatrième producteur de vin au monde, le champagne a la cote, au point de donner ce nom, pourtant protégé depuis 1936, à des vins mousseux made in USA, et particulièrement en Californie, grande région viticole. Une "usurpation légale", comme le précise le Comité international des vins de Champagne, basé à Epernay, dans la Marne (Grand Est), car dans ce pays, comme dans d’autres (la Russie ou l’Ukraine, par exemple), aucune loi n’encadre ce nom, considéré comme générique pour parler d’un vin pétillant.

Mais le CIVC ne baisse pas les bras. "Aux États-Unis d’Amérique, le Comité Champagne met en œuvre une stratégie ambitieuse avec l’objectif de reconquérir l’usage exclusif de l’appellation aux Etats-Unis, précise-t-il sur son siteIl s’attaque vigoureusement à l’exportation par les entreprises américaines de vins étiquetés " champagne"." Des actions qui consistent par exemple à trouver un accord avec les régions viticoles et à faire du lobbying auprès des autorités. C’est ce qui a notamment permis en 2012 au Comité de triompher au Brésil.

Toutefois, à ce sujet, les Français n’ont pas toujours été aussi légalistes. Rappelons que jusque dans les années 1980, les vins blancs produits à partir du cépage Pinot-gris d’Alsace étaient vendus sous le nom 'Tokay d’Alsace', inspiré des vins hongrois du même nom. Un emprunt lié à une vieille légende qui affirmerait que le cépage avait été introduit par des Hongrois en Alsace. En 1984, la Commission européenne avait fini par accorder l’exclusivité de l’appellation "tokay" à la Hongrie. En 1994, le mot "tokay d’Alsace" avait été interdit, remplacé par "tokay-pinot-gris", puis "pinot-gris" en 2007.

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