Economie

Colruyt sort du BEL20 : la capitalisation boursière s’essouffle alors que les marges du groupe de distribution s’effritent

© Tous droits réservés

À partir du 20 mars, l’action Colruyt cessera de faire partie du BEL20, l’indice qui regroupe les vingt sociétés cotées ayant la plus importante capitalisation boursière sur le marché boursier d’Euronext Bruxelles. Alors qu’elle valait plus de 60 euros en 2019, l’action Colruyt n’a quasi fait que perdre de la valeur pour avoisiner aujourd’hui les 25 euros. Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle des marges bénéficiaires du groupe qui sont, d’années en années, mises sous pression en particulier par la concurrence des supermarchés étrangers, surtout néerlandais.

Une rentabilité mise à mal

"Historiquement, c’était le bon élève de la distribution belge, qui avait des marges plus élevées que ses concurrents en Belgique", résume Jérôme Demeestere, analyste financier chez testachats Invest. Mais ces dernières années, le marché est devenu plus concurrentiel, avec notamment l’arrivée des chaînes de supermarchés néerlandaises Albert Heijn et Jumbo.

"Colruyt, avec sa politique des prix les plus bas a été forcé de s’adapter et de toujours mettre les prix les plus bas. Cela a pesé sur ses marges", explique Jérôme Demeestere. 

L’an passé, la hausse des coûts, en particulier les coûts énergétiques a pesé sur les résultats de l’entreprise. "Les marges n’arrêtent pas de se compresser ", poursuit l’analyste de testachats Invest.

"On a une société dont la rentabilité a tendance à baisser. C’est un problème et cela pèse sur le cours de l’action", ajoute-t-il. "On n’est pas dans une société qui a des difficultés à rembourser ses dettes", rassure cependant Jérôme Demeestere.

"Les cours de Bourse ne font que refléter les bénéfices futurs", précise-t-il. Et le marché se rend compte que la rentabilité risque d’être de plus en plus réduite.

Le coût de la garantie du prix le plus bas

Pour Pierre-Alexandre Billiet, expert du secteur de la distribution chez Gondola, chez Colruyt, "les fondamentaux sont remis en question, mais personne n’a l’impression que Colruyt lui-même remet ses fondamentaux en question".

La politique de la garantie du prix le plus bas, où chaque magasin Colruyt s’aligne sur les prix pratiqués par ses voisins concurrents coûte cher à Colruyt, en particulier au nord du pays, où les supermarchés néerlandais ont attaqué en force.

"La libéralisation totale du marché fait en sorte que d’autres distributeurs, dont Albert Heijn et Jumbo, peuvent opérer, à perte à partir de l’étranger", explique Pierre-Alexandre Billiet. 

Le fait que ces distributeurs néerlandais vendent à perte en Belgique n’a pas été prouvé, mais des indices le font penser. "Il y a des produits qui sont moins chers en Belgique qu’aux Pays-Bas. C’est totalement illogique et impossible avec le coût de l’emploi etc. en Belgique", relève Pierre-Alexandre Billiet.

Dès lors, avec cette concurrence, Colruyt "est handicapé par la stratégie du prix le plus bas et par le fait de s’aligner", souligne l’expert en marketing qui, au passage, épingle la responsabilité des autorités belges qui, au milieu des années 90, ont libéralisé le secteur de la distribution pour faire baisser les prix. 

Tout bénéfice pour le pouvoir d’achat, mais cela a aujourd’hui des conséquences et déstabilise tout le secteur de la distribution belge, Colruyt ne faisant pas exception. "Il n’y a pas que les prix qui baissent, il y a l’emploi qui baisse", explique Pierre-Alexandre Billiet et, "en bout de chaîne alimentaire, les agriculteurs sont en train de crever", poursuit-il.

Colruyt a moins de cartes en mains pour sauver la mise

Pierre-Alexandre Billiet décrit la position de Colruyt comme celle d’un "baron", c’est-à-dire "un distributeur qui est très fort localement mais qui n’a aucun pouvoir au niveau international". Cela en fait "un colosse aux pieds d’argile". 

Cette position belgo-belge (à part une présence en France, Colruyt n’a quasi-pas d’activités à l’étranger) a pour conséquence que Colruyt n’a quasi que le marché belge pour trouver des solutions à ses problèmes. "Colruyt est totalement handicapé par la situation belge, c’est-à-dire des coûts sociaux élevés et des croissances négatives en grande distribution", souligne Pierre-Alexandre Billiet.

Autre point faible, le groupe Colruyt doit compter principalement sur ses supermarchés pour gagner de l’argent. "Dans le passé, 80% des bénéfices (du groupe) émanaient des magasins Colruyt. Dans tout le reste, ils perdent de l’argent ou ont des marges excessivement faibles, que ce soit sur le bio, le local, sur Cru (marché de produits frais, ndlr), sur le non-alimentaire", explique Pierre-Alexandre Billiet. Puisqu’aujourd’hui les supermarchés et la politique du prix le plus bas sont mis à mal, "c’est la totalité du groupe qui a du mal", résume Pierre-Alexandre Billiet.

Même au sud du pays, où les Néerlandais d’Albert Heijn et de Jumbo ne sont pas (encore ?) aventurés, Colruyt a de la concurrence. Les distributeurs français, Intermarché par exemple, font pression sur les prix, eux aussi, avec "un modèle de prix pas très loin de celui de Colruyt", souligne Pierre-Alexandre Billiet. 

En Wallonie, la concurrence occupe aussi plus le terrain que Colruyt dont le développement est aussi inégal entre le nord et le sud de la Belgique.

Historiquement, le groupe s’est surtout développé au nord du pays. C’est plus tardivement qu’il s’est intéressé à l’autre côté de la frontière linguistique.

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous