Belgique

Combien de tonnes de CO2 en plus si la Belgique ferme tous ses réacteurs nucléaires ?

Par Arnaud Ruyssen

C’est un enjeu souvent convoqué dans le débat sur la sortie du nucléaire : si la Belgique ferme tous ses réacteurs en 2025, elle émettra davantage de CO2 que si elle en maintient 2 en activité.  Mais combien de tonnes de CO2 en plus, au juste ? Déclic a tenté d’y voir clair.

Une estimation difficile

Selon les sources, les estimations divergent. Pour le co-président d’ECOLO, Jean-Marc Nollet " comme cette fermeture complète n’implique qu’une seule centrale gaz supplémentaire (NDLR par rapport au scénario qui conserve 2 réacteurs nucléaires), on peut estimer que le surplus d’émission sera de 0,8 à 1,5 millions de tonnes de CO2 par an, pendant 10 ans ". En extrapolant un peu cette estimation, le co-président des verts anticipe des émissions supplémentaires de 12 – 13 millions de tonnes sur 10 ans.

Mais d’autres scénarios donnent des résultats plus élevés. Le bureau d’étude Energy-ville tablait, dans une étude publiée en 2020, sur 25 millions de tonnes en plus, en 10 ans. Quant au bureau du plan il émettait l’hypothèse d'au moins 40 millions de tonnes supplémentaires entre 2025 et 2035.

Une très large fourchette donc qui, en terme relatif, oscille entre 1 et 3,8% des émissions annuelles actuelles de la Belgique.

Pourquoi des scénarios aussi divergents ?

Ces divergences s’expliquent par les nombreuses incertitudes qui demeurent sur ces scénarios. Jusqu’à quel point faudra-t-il solliciter les nouvelles centrales au gaz que l’on va construire ? Nos voisins auront-ils beaucoup d’électricité disponibles à nous mettre à disposition via l’interconnexion ? A quelle vitesse pourra-t-on développer de nouvelles capacités de stockage pour absorber les pics et utiliser au mieux la production du renouvelable ? Tout cela peut faire varier l’offre.

Mais il y aussi des grandes incertitudes sur l’ampleur de la demande. Si demain on fait circuler plus de trains, plus de voitures électriques, si l’on installe davantage de chauffages électriques pour réduire nos émissions globales de carbone, nous aurons besoin de davantage d’électricité.  Bref pas simple de quantifier exactement l’effet de la fermeture des réacteurs nucléaires vu l’ampleur des mutations qu’implique la lutte contre le réchauffement climatique.

Cela complique-t-il les efforts de la Belgique ?

Reste à savoir à quel point ces émissions de CO2 supplémentaires pourraient compliquer la tâche de la Belgique dans le cadre des objectifs européens de -55% d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à l’horizon 2030. En réalité, l’impact sur les politiques publiques à mener est pratiquement nul. En effet, le secteur de la production d’électricité est rangé dans le marché ETS de l’union. Il s’agit d’un marché de carbone spécifique, à l’échelle de l’Union Européenne, régi par des plafonds et des quotas qui visent à forcer le secteur à progressivement décarboner lui-même son activité.

Pour faire simple, même si au global ces émissions vont s’ajouter au bilan carbone de la Belgique… dans les faits, les efforts à faire pour réduire ces émissions et pour les compenser devront être consenti à l’intérieur de ce marché ETS (qui englobe toute l'industrie lourde et le secteur de la production d'énergie dans l'UE) et n’incomberont donc pas aux autorités belges, elles-mêmes.

La sortie complète du nucléaire sera(it) donc aussi une très mauvaise nouvelle pour l’exploitant Engie-Electrabel, contraint de se priver de centrales amorties et rentables et obligé d’acheter d’onéreux quotas d’émissions sur le marché ETS, pour compenser le recours aux centrales thermiques.

 

Explications plus détaillées dans la vidéo ci-dessus. Extrait de Déclic, votre nouveau Talk Info, chaque soir à 17h sur La Première et à 20H sur La Trois. 

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