Nous partons en direction… De notre futur. Un récit d’anticipation qui nous propose de jeter un œil sur le stade ultime de l’humanité, rien que ça !
Sorti l’an dernier, le premier volume d’Alt-Life, un épais roman graphique à l’apparence très pop nous proposait de suivre deux humains dans un monde entièrement virtuel. Le stade ultime de l’humanité était de délocaliser nos vies, nos besoins, nos pulsions sexuelles dans un monde non-matériel mais fait de perceptions plus vraies que nature. Le livre faisait un peu froid dans le dos et surtout, il permettait de réfléchir à ce que serait notre existence si tous ceux avec lesquels nous étions en interaction étaient créés par notre propre volonté. L’une des questions qui était abordée était la perte de libido inhérente à la réalisation de tous les phantasmes possibles. Mais il restait des pistes inexplorées. Le scénariste Thomas Cadène et le dessinateur Jospeh Falzon s’y sont engouffrés avec plaisir.
Il faut donc avoir lu le premier livre avant d’entamer celui-ci :
Il n’est pas absolument obligatoire de se souvenir de toute l’histoire du tome 1 avant d’aborder le 2. En revanche, les auteurs partent du principe que leurs lecteurs savent déjà dans quel monde vivent leurs personnages. Ce qui oblige en quelque sorte à lire les deux ouvrages. Mais vous ne le regretterez pas.
Alt-Life 2 explore la question de la toute-puissance que procurerait un mode de vie entièrement virtuel. Si notre pensée suffisait à matérialiser le monde dans lequel nous évoluions, nous serions chacun l’égal d’un dieu. Et c’est précisément la question qu’aborde ce second volume qui se rapproche d’un livre de fantasy pour mieux s’en éloigner. On y suit plusieurs personnages, dont les deux premiers humains à avoir été débarrassés des contraintes du corps, du temps et de la mort : Josiane et René. C’est surtout le monde intérieur de René qui pose problème. Il y a créé un univers de fantasy médiévale, avec une Elue qui doit accomplir sa quête et libérer les êtres virtuels qu’il y a disposés. Seulement voilà : en pleine crise d’adolescence, l’Elue de René refuse de suivre le destin que lui a tracé son Créateur ; en d’autres mots, dieu voit sa création lui échapper. Il n’y a dès lors qu’une chose à faire : René doit s’immiscer dans sa propre réalité virtuelle et y mettre bon ordre. Un peu comme si vous descendiez en chair et en os dans un jeu vidéo qui se serait mis à foirer.
Tout cela n’est-il pas trop théorique et cérébral ?
Je ne vous cacherai pas que certains dialogues sont de haut vol. Mais la force d’Alt-Life, c’est de ne jamais perdre de vue qu’on est dans une bande dessinée. Quelle que soit la teneur philosophique du propos, il passe à travers un récit d’aventure haletant, qui renvoie ici aux codes de la fantasy tout en les détournant sans vergogne.
Dans un monde où les dystopies sont de plus en plus pertinentes tant nos repères sont en train de vaciller, la bande dessinée prouve qu’elle a pleinement sa place. Comme le roman ou le cinéma, elle questionne l’avenir et le sens de la vie, sans jamais perdre de vue l’envie de nous divertir.
''Alt-Life 2'', par Falzon et Cadène, Le Lombard