Un livre qui nous emmène très loin, à des années-lumière de la Terre. Curieusement, quand on y réfléchit, la science-fiction est l’un des rares genres qui reste extrêmement masculin. Si les personnages mis en scène sont souvent des femmes – les plus célèbres d’entre elles s’appellent Barbarella ou le lieutenant Ellen Ripley dans ''A.L.I.E.N.'' -, on y trouve cependant peu de romancières et peu de scénaristes féminines. Julie Michelin, dont c’est le premier livre, vient corriger cette anomalie.
Dans un futur indéterminé, la Terre se meurt, les éléments vivants se dématérialisant sans explication. Pour sauver ce qui reste, un scientifique imagine une formule mixant les éléments le plus stables de l’univers. Reste à les ramener sur la planète bleue. C’est la tâche confiée à une expédition dont les figures de proues sont deux sœurs, les filles du scientifique en question. On les envoie à l’autre bout de l’univers. Le voyage, de cinquante années terrestres, leur coûtera dix ans de leur vie.
C’est donc une expédition extraterrestre que raconte ce livre :
Du moins, pendant sa première partie. Baptisé ''Exploracja'', qu’il n’est pas difficile de traduire en français, ce récit commence sur une lointaine planète où les deux sœurs vont vivre des expériences troublantes, ce qui permet à la dessinatrice de laisser toute liberté à son imaginaire, mêlant visions sous substances toxiques, exploration de forêts minérales, rencontres extraterrestres plus ou moins rêvées et on en passe. Le tout, en privilégiant un travail à l’aquarelle et des couleurs vives qu’on a rarement l’occasion de voir dans les BD de science-fiction.
Nous pourrions dire que ces instruments sont plus souvent associés au rêve et à une forme d’intériorité ou de quiétude qu’à des récits qui aiment jouer sur l’angoisse, l’insécurité et l’intranquillité des lecteurs. Traditionnellement, la science-fiction en BD louche sur des formes de réalisme destinées à accréditer l’histoire. Pourtant, Julie Michelin distille parfaitement son climat anxiogène, sans jamais se départir de sa gamme de couleurs chatoyantes mélangées à l’eau. On peut dire que c’est un tour de force !
Sur quoi débouche cette première partie :
Il faut bien que la mission trouve son aboutissement. Le retour sur terre est rude pour les deux sœurs. Je ne vais évidemment pas vous en dire plus. Cette partie est peut-être moins originale et plus théorique, parfois, mais elle débouche sur un final très onirique qui change de bien des récits du genre. Au passage, Julie Michelin invente le premier récit de science-fiction dont tous les protagonistes – même extraterrestres ! – dialoguent en écriture inclusive.
''Exploracja'' par Julie Michelin, L’Employé du Moi