Chaque automne, c’est pareil. Juste avant les fêtes, les dessinateurs de presse vous donnent rendez-vous en librairie pour revoir l’année écoulée sous l’angle de leur humour décapant. Au coude à coude, on retrouve donc annuellement Pierre Kroll, duBus et Nicolas Vadot, le dernier proposant rien moins qu’un coffret de trois albums, puisqu’il a été particulièrement inspiré par l’actualité. Les autres se partagent les miettes. Mais ce que je vous propose aujourd’hui est un peu différent. Tout d’abord, le livre qui paraît ces jours-ci ne parle pas de 2021, mais bien de 2020, l’année du confinement. Ensuite, il le fait de manière totalement poétique.
C’est une épaisse bande dessinée qui porte un titre énigmatique ''Le Nageur solitaire''. C’est sous ce titre en effet que les éditions Kennès proposent de montrer l’étrange plongée en apnée dans l’imaginaire d’un auteur, Olivier Grenson, qui a décidé, le 1er janvier 2020, de réaliser un dessin par jour pendant toute l’année, dans son agenda. Il ignorait à ce moment-là que l’année en question allait être historique et que l’attendait un long confinement propice à la réflexion et aux remises en question. Le résultat, c’est donc une suite de dessins narrative, parfois en cases, souvent en images en pleine page, que l’auteur a d’abord partagée sur Facebook et que nous pouvons désormais découvrir non pas à raison d’une planche par jour, mais tout d’un bloc dans un épais bouquin qui reprend l’apparence de l’agenda de l’année 2020 en fac-similé.
On ne peut pas parler d’histoire, à proprement parler, mais d’une rêverie improvisée, très influencée par le climat de cette pandémie tout en prenant ses distances avec le quotidien. On suit le Nageur solitaire du titre qui joue avec l’espace de la page d’agenda, s’évade, invente des mondes et des créatures, découvre l’amour, se perd et se sauve tour à tour. En regardant les dates défiler, on se surprend évidemment à penser à ce qu’on faisait soi-même tel ou tel jour et les dessins libres de Grenson résonnent différemment pour chacune ou chacun d’entre nous. Il y a beaucoup de fantaisie dans cet exercice, beaucoup d’originalité aussi, pour un auteur habitué à travailler de manière assez rigoureuse dans des décors hyperréalistes et qui se lâche ici aux limites du dessin psychanalytique ou automatique, parfois. Un livre qui permet donc de se replonger dans l’année la moins glamour du XXIe siècle, sans pour autant sombrer dans la neurasthénie.
''Le Nageur solitaire'', par Olivier Grenson, chez Kennès.