Direction Brésil, mais on est loin des plages de Copacabana… C’est l’une de ces mégalopoles brésiliennes qui se voudraient nord-américaines : gratte-ciel et autoroutes urbaines se disputent le paysage. La nuit tombe. À la manière d’un réalisateur de cinéma, Danilo Beyruth, l’auteur de ''Love Kills'', nous emmène à l’intérieur d’un appartement étonnamment dépourvu de mobilier. La caméra s’avance vers la salle de bains. S’arrête devant la baignoire, qui semble remplie d’une boue noirâtre. Soudain, une main sort de ce magma, puis une autre, puis un visage. En quinze pages muettes taillées au scalpel, l’auteur brésilien a installé une ambiance. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. La créature couverte de boue passe sous la douche. Une jeune femme très avenante se découvre, qui va s’installer devant sa télé, regarder un documentaire sur la prédation, puis sortir en ville.
Jouant du format comics aux pages étroites et verticales, le récit alterne les panoramiques, les grandes images, les gros plans. Magnétique, intrigante, Héléna va se découvrir peu à peu. Héléna est un vampire. Et comme le dit le titre, avec elle… " l’amour tue ".
Des récits de vampires, le cinéma, les séries ou la BD nous en proposent à la pelle, mais qu’est-ce qui rend celui-ci intéressant ? Tout d’abord, il est très rock. Tant dans sa mise en scène, dans son noir et blanc extrêmement tranché et dans l’utilisation de la lumière que dans ses aspects d’Urban fantasy ; c’est un récit qu’on a envie de lire en écoutant ''This is the End'', des Doors, par exemple. Crépusculaire, ''Love Kills'' est traversé par une étrange alliance entre un jeune humain, Marcus, et Héléna, la femme vampire ; une sorte de ''Roméo et Juliette'' moderne dont on sait que seule la mort pourra sceller le destin des personnages. Et puis, il y a le dessin. On sent que cet auteur brésilien a été biberonné à la BD américaine. Son encrage est d’une efficacité incroyable, que vient renforcer une fascination évidente pour les grands auteurs japonais. En résumé, Danilo Beyruth envisage les 250 pages de son histoire comme une superproduction hollywoodienne, sans pour autant perdre de vue le côté presque intimiste d’un récit centré sur très peu de personnages.
On est donc à des années-lumière de livres de genre comme ''Walkin Dead''. Contrairement aux histoires mettant en scène des zombies dont le but est d’observer la société humaine confrontée à sa propre extinction, les histoires de vampires sont en général centrées sur le mythe de l’immortalité et sur la solitude qui en découle. ''Love Kills'' ne fait pas exception.
''Love Kills'', par Danilo Beyruth, chez Soleil