Comics Street : Mauvaise Réputation

© Antoine Ozanam et Emmanuel Bazin

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Par Thierry BELLEFROID

Direction l’Ouest légendaire et, précisément, c’est pour en finir avec la légende que voici ce western consacré aux frères Dalton.

Les Dalton ! Sans la chanson de Joe Dassin et surtout l’immense succès de ''Lucky Luke'', tout le monde les aurait oubliés. Mais attention, Joe, William, Jack et l’inénarrable Averell ne sont que des cousins très éloignés. Les vrais Dalton ne se baladaient pas en chemise à rayure, n’étaient pas plus bêtes que méchants et n’avaient pas, chacun, une tête de plus que l’autre. Alors, qui étaient-ils ? Des hors-la-loi, c’est sûr. Et pas des plus tendres. Mais encore ? Eh bien, grâce au seul survivant de leur ultime coup d’éclat, Emmet Dalton, on en sait beaucoup sur eux. Il a en effet écrit ses mémoires dans les années 1900 et joué plus tard son propre rôle dans une version hollywoodienne des aventures du gang le plus célèbre de l’Ouest. Le parti pris de ''Mauvaise Réputation'', notre BD, est de donner la parole à Emmet, qui se raconte précisément au producteur du futur film. Nous sommes en Oklahoma, en 1908, Emmet Dalton a payé sa dette à la société. Après de longues hésitations, et parce que le scénario déjà écrit sur sa vie est un tissu d’âneries, il accepte de lever le voile dans un récit qui fait l’aller-retour constant entre passé et présent.

Cette histoire – la vraie, donc – est très différente de l’image qu’on en a :

Emmet Dalton rappelle d’abord que tout a commencé par la mort de son frère, marshal tué en service. Un métier – du bon côté de la loi mais du mauvais côté du portefeuille – qu’ont endossé plusieurs des frères de cette famille de quinze enfants. Ecœurés par leurs conditions de travail, par la corruption, par les arrangements et les lois profitant aux plus riches, les frères finiront par embrasser une vie de hors-la-loi. Et même si on peut supposer qu’en se racontant, on veuille se donner une image plus positive, on voit bien dans cette histoire que les Dalton se sont plus opposés à la manière dont l’ordre était imposé dans l’Ouest que définis comme de simples desperados juste attirés par les gains faciles et la violence débridée.

Le dessin n’a rien à voir avec celui de ''Lucky Luke'' :

Le dessin et surtout la mise en couleur de ce ''Mauvaise Réputation'' nous emmènent plus du côté du peintre Edward Hopper que du dessinateur Morris, c’est certain. Dès la fabuleuse couverture, on est happé par l’atmosphère : trois cavaliers vus de dos, en plongée, chevauchent sur une étendue verte et s’enfoncent dans l’ombre sans doute portée sur la prairie par un gros nuage. C’est clair : il va falloir compter avec Emmanuel Bazin, dessinateur sorti de nulle part et qui magnifie le scénario d’Ozanam. Loin des clichés, il travaille ses ambiances à la manière d’un David Lynch. Cela contribue à la réussite d’un livre qui est une des excellentes surprises de ce mois de juin.

''Mauvaise Réputation – La Véritable histoire d’Emmet Dalton'' (1er volume sur 2), d’Antoine Ozanam et Emmanuel Bazin, chez Glénat.

Des conseils de lecture pour passer du bon temps, un album à la main : Comics Street le mercredi à 13h45, l’actualité BD présentée par Thierry Bellefroid dans Lunch Around The Clock.

"Viens petite fille dans mon Comic strip" chantait Gainsbourg avec autant de fausse innocence que quand il faisait chanter "Annie aime les sucettes" à France Gall. En guise de clin d’œil, Comics Street vous invite, vous les fans de rock, à partager chaque semaine les coups de cœur choisis par Thierry Bellefroid parmi les dizaines de titres qui déboulent en librairie. Perles et pépites à lire en écoutant… Classic 21, bien sûr !

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