On traverse l’Atlantique et pour se mettre dans l’ambiance, si on s’écoutait un petit Lenny Kravitz ?
'Mister Cab Driver' est en effet le personnage principal de notre BD du jour, elle-même adaptée du roman de Benoît Cohen paru en 2017 chez Flammarion et intitulé ''Yellow cab''. Les yellow cabs, vous le savez, ce sont les taxis new-yorkais. Mythiques et intrinsèquement associés à la ville, notamment grâce à l’inoubliable interprétation de Robert de Niro dans le ''Taxi Driver'' de Martin Scorcese. Et justement, il va être question de cinéma dans cette histoire. Au début du livre, on suit en effet la conversation entre Benoît, un réalisateur français et sa compagne, Eléonore. Ils vivent à New York depuis un an. Après 20 ans de cinéma, Benoît est au bout du rouleau, dépourvu d’imagination et d’envie d’écrire. Il constate que son métier est vain, il rêve d’un job concret, qui lui procure un vrai contact avec les gens.
Il va devenir chauffeur de taxi :
Benoît va prendre très au sérieux cette soudaine envie de se confronter au réel. De réalisateur, il va devenir paria, ou presque, car à aucun moment, il n’oubliera le paradoxe de côtoyer tous les laissés-pour-compte du rêve américain alors qu’il n’a pas besoin de ce métier pour vivre. Cette plongée dans la dureté du monde des chauffeurs de taxis new-yorkais va cependant le happer tout entier. Sur ses traces, nous découvrons un quotidien impitoyable où la peur et l’incertitude du lendemain sont omniprésentes. Benoît s’accroche. Bientôt, il imagine le film qu’il pourrait faire en se servant de sa propre expérience. Il y raconterait le destin d’une jeune Française qui déciderait de devenir cab driver à New York. Tout le livre est donc une mise en abîme.
Qu’apporte Chabouté à ce roman :
Cela fait des années que Christophe Chabouté tourne autour de New York. Lui qui n’aime pas trop les villes ressent une véritable fascination pour la Grosse Pomme. Le roman de Benoît Cohen lui procure l’occasion de transformer cette fascination en histoire. Usant du clair-obscur et de toutes les ressources du noir et blanc, le dessinateur enchaîne les pages de dialogues sans décors et, à l’inverse, des ambiances parfois presque muettes qui restituent le climat dans lequel baigne le chauffeur de taxi, de jour comme de nuit. Le plus fort, c’est qu’il dessine une ville dans laquelle il n’a jamais mis les pieds, c’est donc une New York fantasmée, mais qui sonne plutôt juste, à l’exception, peut-être, de sa verticalité, qu’on ressent un peu trop timidement. En 166 pages grand format, on suit les aventures de ce cinéaste apprenti taximan en allant d’étonnement en étonnement. Et arrivé au bout, on se rend compte que le livre nous a parlé d’immigration, de lourdeur bureaucratique, d’injustice, de précarité, de libéralisme, de la capacité d’adaptation de l’être humain, de chair et d’âme. Un tour du monde et un tour de force !
''Yellow Cab'', de Chabouté, Vents d’Ouest