Dans son livre "Mon enfant cyclone", Laetitia Payen relate son expérience de mère dont le fils cadet souffre de cyclothymie.
Ce trouble se caractérise par de brusques changements d'humeur, il reste encore mal diagnostiqué par les professionnels de santé, particulièrement chez les enfants. À l'occasion de la Journée mondiale des troubles bipolaires, qui a lieu le 30 mars, retour sur cette maladie avec Laetita Payen, directrice de l'association Bicycle.
"À la maison, Stan nous faisait vivre l'enfer". C'est par ces mots que commence le témoignage de Laetitia Payen, mère de deux enfants. Son fils cadet, Stanislas, souffre de cyclothymie, un trouble bipolaire encore mal connu chez les enfants. Pour porter cette cause, l'iconographe de profession est devenue présidente de l'association Bicycle, qui aide les familles dont les enfants et les adolescentes présentent des troubles de l'humeur. Elle se bat pour un diagnostic précoce des troubles du neurodéveloppement.
Comment se matérialisaient les troubles de Stan avant son diagnostic ?
Cela été très compliqué dès la naissance. C'était un petit garçon qui dormait peu et qui pleurait beaucoup. On a pensé que c'était dû aux soucis de santé qu'il a cumulés sur les deux premières années de sa vie. Après ses deux ans, les troubles du sommeil ont continué. Les gestes de la vie quotidienne sont devenus impossibles. Mettre son manteau, passer à table, l'installer sur le siège auto... Chez Stan, il y avait une intolérance à la frustration qui entraînait des crises d'une intensité terrible. Elles pouvaient durer plus d'une heure et se répéter plusieurs fois par jour.
Très rapidement se sont ajoutés des troubles obsessionnels compulsifs. Quand il allait se coucher, les chaussons devaient être parfaitement alignés sur les lames du parquet. À table, il fallait qu'il soit à la même place, que les couverts soient parfaitement alignés à son assiette.
À tout cela s'ajoute de l'hypersensibilité, qui causait des problèmes à l'école. Il ne supportait pas les bruits importants, ce qui posait des problèmes à la cantine. Cela lui est arrivé de ne pas supporter le parfum de la maîtresse, par exemple. En vacances, on est allé à une usine de fabrique de bonbons à l'eucalyptus, il a fallu sortir d'urgence.
C'était un petit garçon qui avait tout le temps chaud. La chaleur pouvait lui provoquer des crises, aussi bien en classe qu'à la maison si on faisait un feu de cheminée.
Comment ont évolué les crises au fil des années ?
Les choses ont dégénéré aux alentours de quatre et cinq ans. J'étais couverte de bleus. À cinq ans, il était capable de casser la porte de sa chambre, de défaire les lattes de son lit et de les jeter dans les escaliers. Quand il faisait ses crises, on devait le contenir pour qu'il ne se fasse pas mal mais aussi pour qu'il ne casse pas tout ce qui était autour de lui. Surtout quand on n'était pas chez nous.
Il y avait deux facettes et pendant les crises, il se transformait physiquement. Il avait les yeux qui commençaient à rouler et une voix rauque, pas la même que celle d'un petit garçon de cinq ans. Dans ces moments-là, on le perdait, ce n'était plus lui.
Il y avait aussi des insultes, du harcèlement. Il pouvait me dire : "Maman quand est-ce que tu pleures car j'aime bien quand tu pleures ?". Il me disait : "C'est ton objet préféré ?" avant de le briser contre le mur. Et plein de petites choses. Par exemple, il pouvait me souffler dans les oreilles, faire tout le temps le même bruit pendant 4 heures d'affilée. On était épuisé et il y avait un sentiment d'incompréhension. C'était terrible.