Questions pour un pigeon

Comment fonctionnent les dotations des partis politiques ?

© RTBF

Par Maud Wilquin

Avant 1989, le financement des partis politiques belges n’était pratiquement pas contrôlé. Jusque-là, les partis ne recevaient que des contributions financières indirectes des autorités publiques et étaient essentiellement financés par la sphère privée. Dons d’entreprises (dont beaucoup concourraient pour des marchés publics), dons de particuliers non identifiés, détournements de subsides publics via des asbl fantômes, tout ou presque était permis. Le problème, c’est que cette façon de faire très opaque donnait parfois lieu à certaines dérives.

Alors pour les éviter au maximum, il a été décidé en 1989 d’instaurer une loi visant à contrôler les dépenses, le financement et la comptabilité ouverte des partis politiques. C’est la fameuse loi du 4 juillet 1989. Depuis, le texte a été modifié à 14 reprises.

De nos jours, les entreprises, associations et autres personnes morales ne sont plus autorisées à donner de l’argent aux partis, sauf si elles le font sous la forme d’un sponsoring bien encadré. Désormais, le financement des partis est principalement public. Pour Marie Göransson, professeure de science politique à l’ULB, le financement des partis garantit le bon fonctionnement de la démocratie représentative. "Il est important que les partis politiques puissent fonctionner, avoir des centres d’expertise, la possibilité d’avoir des assistants parlementaires, la possibilité d’organiser des événements et d’être en contact avec les citoyens pour les représenter ensuite dans les différentes institutions."

Pas logés à la même enseigne

Comme l’indique la Chambre sur son site, chaque parti politique représenté par au moins un membre au sein de la Chambre des représentants a droit à la dotation publique de l’État. "Cette dotation est composée d’un montant forfaitaire et d’un montant variable, calculé sur base du nombre de voix obtenues par le parti concerné. Aussi bien le montant forfaitaire que le montant variable sont adaptés en fonction de l’indexation des salaires dans le secteur public." Hors index, comptez 125.000 € pour le montant forfaitaire (206.048,72 € avec indexation au 1er janvier 2023) et 2,50 € par vote émis valablement sur les listes de candidats reconnues par le parti politique lors des dernières élections législatives fédérales.

Et si un parti politique est également représenté au Sénat par au moins un membre, il aura droit à une dotation supplémentaireComptez cette fois une dotation fixe de 175.000 € et un montant variable de 3,50 € par vote, hors indexation.

Au total, les dotations publiques directes représentent les trois quarts de l’argent que touchent les partis. Le dernier quart est composé de dotations indirectes à savoir le don des personnes physiques (plafonné à 2500 € par an et 500 € par candidat, liste, mandataire ou parti), ainsi que les dotations des parlements et conseils provinciaux (par voix reçues et sièges), les subsides des groupes parlementaires et les participations des membres des partis eux-mêmes.

Vous l’aurez compris, tous les partis ne sont donc pas logés à la même enseigne. Pour la professeure de science politique à l’ULB Marie Göransson, c’est à la fois légitime et interpellant : "Pour être financé, il faut avoir remporté les élections. Il est légitime qu’un parti présent à tous les niveaux de pouvoirs et d’activité nationale ait un financement plus important qu’un parti qui ne représente rien du tout. Mais le succès électoral d’un parti doit-il à ce point déterminer son financement ?" En effet, contrairement au système mis en place en France, la Belgique n’accorde pas aux partis de financements spéciaux durant les campagnes électorales. "Cela ferme le jeu puisque les partis qui ont gagné les élections précédentes sont capables de débourser plus d’argent aux prochaines élections. Il existe des limites aux dépenses électorales mais là encore, ces limites dépendent du succès du parti aux précédentes élections."

Trop bien payés ?

"Les réductions de dotation ne changent pas grand-chose étant donné les indexations. De plus, ça ne concerne que les financements directs et pas les indirects. C’est un effort qui est fait, mais cela ressemble plus à de la communication", affirme Marie Göransson. "On peut se poser la question de savoir si les dotations sont trop importantes. Cependant, le jeu de la comparaison n’est pas si simple. Comme nous le disions, la Belgique ne finance pas les campagnes électorales des partis, contrairement à la France, par exemple. Les partis politiques belges font donc des provisions d’année en année à travers leurs dotations directes et indirectes."

Notons que les partis reconnus comme étant liberticides sont susceptibles de perdre leur dotation.

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