Un jour dans l'histoire

Comment la virginité et la chasteté ont traversé l’Histoire

Un Jour dans l'Histoire

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Les tentations de la chair ont plongé hommes et femmes dans les tourments les plus sombres au cours de siècles qui ont fait de la chasteté et de la virginité des injonctions. Revenons sur l’histoire intime mais politique de la virginité et de la chasteté, avec Alain Cabantous, professeur émérite d’histoire à Paris 1.

Alain Cabantous est l’auteur, avec François Walter, de l’Université de Genève, de Les tentations de la chair - Virginité et chasteté (16e – 21e siècle), aux Editions Payot.

"Etymologiquement, le mot vierge est complexe, empreint de fantasme masculin. Il proviendrait d’une racine hittite et serait un composé privatif de 'saillir'. 'Virgo', ce serait de façon un peu vulgaire : 'non-saillie', s’adressant à la femme. Le rapport masculin-féminin étant majeur dans ce genre de questions."

Chasteté et renoncement

La notion de chasteté est liée au contrôle de soi et varie en fonction des cultures. Elle existe déjà à l’époque antique. Il s’agit là en général de prôner la maîtrise de son corps, de ses pulsions.

La modification chrétienne va être d’en faire aussi une forme de spiritualité, qui promeut le renoncement à soi-même. Ce changement est d’autant plus important qu’il s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes, souligne Alain Cabantous. C’est ce que le philosophe Michel Foucault appelait 'La révolution chrétienne' concernant la sexualité.

Virginité ? Chasteté ?

Une confusion se maintient entre les termes virginité, chasteté, continence, abstinence. Ils sont d’ailleurs souvent volontairement confondus, dans les textes, y compris dans des textes produits par l’Eglise catholique romaine à la fin du XXe siècle.

La virginité est le dernier stade de la chasteté. Selon certains, la chasteté est la manière de sauvegarder la virginité, observe Alain Cabantous.

"Pour un historien, il est souvent difficile de faire la différence entre les deux, puisque les auteurs, essentiellement masculins, utilisent cette confusion, volontairement ou non, pour prôner ces vertus."

Durant des siècles, la virginité se rapproche d’un état quasi céleste. Au XVIIe et XVIIIe siècle, les vierges sont vues comme des anges, même parfois supérieures.

La preuve physique de la virginité d’une fille ou d’une femme ne va pas toujours de soi. C’est un élément qui apparaît dans le discours médical ; on ne s’y intéresse pas trop dans le discours religieux.

Par contre, à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, ce que les auteurs de cet ouvrage ont appelé 'l’invention de l’hymen' va se faire par l’intermédiaire des médecins.

On sait très bien aujourd’hui qu’une femme peut parfaitement avoir ses premiers rapports sexuels sans saigner, alors que dans beaucoup de civilisations, cela apparaît encore aujourd’hui comme une preuve de virginité.

L’Annonciation, par Léonard de Vinci
L’Annonciation, par Léonard de Vinci © Pixabay

Virginité, chasteté et religion

Les grandes religions monothéistes ne prônent pas toutes la virginité et la chasteté, en tout cas pas dans le même sens. Mais on retrouve toujours cette notion de pureté, ce qui voudrait dire, en creux, que l’acte sexuel est un acte impur.

Dans le christianisme, derrière la valorisation de la virginité, c’est la figure de Marie qui est évidemment présente. "Elle ne crée pas une négation de la féminité, elle crée un modèle et elle maintient une subordination des femmes à l’égard des hommes."

La chasteté apparaît comme un élément de contrôle sur soi extrême, comme un renoncement extrême. Beaucoup d’ecclésiastiques et de théologiens, dès les XVIe et XVIIe siècles, estiment que la chasteté totale, sans un don divin, est quasiment impossible. Quelqu’un est chaste lorsqu’il parvient à ne plus avoir de rêves sexuels, mais comment y parvenir ?

Chez les protestants, la question du plaisir est valorisée, dans la mesure où le mariage est vu comme un remède à la concupiscence totale. Certains puritains, au XVIIe siècle, valorisent l’union entre l’homme et la femme et donc la notion de plaisir.

Saint François de Sales va autoriser un certain nombre de caresses entre l’homme et la femme. "C’est bien la question de l’excès qui est au coeur de la conjugalité."

Au XIXe siècle, l'érotisation du couple

Le XIXe siècle est obsédé par la virginité des femmes, considérée comme un plus sur le marché matrimonial. Les institutions médicales, religieuses politiques, avec des discours différents, vont dans le même sens.

Dès la fin du XIXe siècle, le mariage d’amour supplante le mariage arrangé. On va assister à une érotisation du couple, qui crée une sorte d’autonomie liée au secret de la relation sexuelle.

L’éducation sexuelle apparaît à la fin du XIXe siècle, de façon non institutionnalisée, mais c’est seulement dans la deuxième moitié du XXe siècle qu’elle va toucher l’ensemble des couches de la société, via les programmes scolaires, et en lien aussi avec le développement des maladies sexuellement transmissibles.

© Getty Images

Aujourd’hui, le regain

Virginité et chasteté connaissent un net regain depuis la fin du XXe siècle. Dans une société pourtant hypersexualisée, des individus ou des groupes en font aujourd’hui un objectif de vie, – que ce soit via la continence avant le mariage ou via la pratique de la chasteté -, sans qu’il soit forcément lié à une croyance religieuse.

Ces mouvements sont d’abord nés en Amérique du Nord, au Canada et plus encore aux Etats-Unis, avec le développement de la 'majorité morale' des années 70-80, en réaction à la libération des moeurs. Ainsi qu’avec les born-again, ces gens qui reviennent à la religion et deviennent extrêmement intransigeants, militent dans les écoles, en particulier contre les premières expériences sexuelles hors mariage.

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