Belgique

Comment Laurent Minguet est entré à l’Académie royale de Belgique et pourquoi il y est encore, malgré ses dérapages

Laurent Minguet : dérapage sur Twitter (La Première, Johanne Montay, JP 13/02/23)

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Laurent Minguet est un ingénieur liégeois, connu initialement pour avoir fondé la société EVS System en 1987, qu’il a quittée en 2010. Aujourd’hui, il fait davantage parler de lui pour ses dérapages multiples sur Twitter.

Après avoir exprimé une valeur différente au QI humain selon la couleur de peau, après avoir assigné aux hommes et aux femmes des qualités intellectuelles différentes, le voilà qui réédite sur le réseau social des propos indignes, a fortiori venant d’un membre de l’Académie royale de Belgique.

Dans son dernier tweet, Laurent Minguet fait référence à un moyen mnémotechnique enseigné à l’école pour apprendre les exceptions du pluriel des mots en "ou" : Laurent Minguet y écrit, je cite, "Viens sur mes genoux, avec des cailloux pour lapider ce vilain Zibouh plein poux", fin de citation.

Il vise en fait la docteure en sciences politiques et militante écologiste Fatima Zibouh, chargée de défendre le dossier de Bruxelles, capitale européenne de la culture en 2030.

Comment Laurent Minguet a-t-il été admis à l’Académie royale de Belgique ?

Sur quelle base académique cet ingénieur de l’Université de Liège, investisseur et homme d’affaires a-t-il été admis dans une institution vénérable, au service du savoir ? Nous avons posé la question à Didier Viviers, le secrétaire perpétuel de l’Académie.

" Laurent Minguet fait partie de la toute première promotion de la dernière classe qui a été créée par l’Académie, qui est la classe "Technologie et Société", qui a été créée en 2009. Parce qu’avant, il y avait trois classes : Lettres, Sciences morales et Politiques – Sciences - et puis Arts. Il n’y avait pas de classe de Technologie, d’ingénieurs.

A l’époque, on a considéré comme utile de créer une classe qui non seulement s’intéressait aux technologies, mais aussi à leur application à la société. Quand on crée quelque chose, il faut créer un noyau et les responsables de cette création de classe, il y a une quinzaine d’années, se sont tournés notamment vers Laurent Minguet, qui à l’époque avait créé une spin-off très dynamique sur une technologie de pointe. Il a fait partie de ce premier groupe et puis, voilà […] Je voudrais insister sur le fait qu’il est rentré à un moment où, la classe étant nouvelle, il n’est pas passé par les modalités de recrutement qu’ont empruntées la plupart des personnalités en poste."

Comment cela se passe d’habitude

Autrement dit, la fenêtre était ouverte, il y a eu un appel d’air, et l’homme s’est retrouvé académicien.

En principe, une admission à l’Académie royale de Belgique ne se passe pas comme ça, comme l’explique Didier Viviers : "Il y a des fauteuils qui se libèrent, premier acte de la pièce. On regarde quels sont les fauteuils disponibles, parce que des académiciens sont partis à la retraite, admis à l’honorariat, ou décédés… Et puis, à ce moment-là, il y a un échange : on essaye qu’il y ait un maximum de disciplines représentées et puis on regarde, dans celles qui ne le seraient pas assez, quel serait le meilleur spécialiste de la question parmi les scientifiques généralement ou les artistes pour la classe des Arts. Après, il y a une élection au sein de la classe en question où il faut un quorum, une majorité… C’est un assez long processus qui occupe à peu près 5 mois de l’année. C’est assez long et sérieux. Normalement… et terriblement majoritairement."

Bloqués par l’absence de disposition dans le règlement

L’Académie royale de Belgique a déjà réagi dans le passé. Elle s’est jointe à la plainte déposée par Unia à l’encontre du compte Twitter de Laurent Minguet, en décembre dernier, après le tweet de ce dernier établissant une hiérarchie des moyennes de QI entre les "noirs", les "blancs" et les "Asiatiques". La commission administrative de l’Académie avait affirmé sa "totale désapprobation" des propos tenus par Laurent Minguet.

Alors pourquoi n’exclut-elle pas son membre récidiviste ? Une question de règlement. Car en 250 ans, jamais la question ne s’est posée, de devoir exclure un membre pour des propos racistes ou incitant à la haine… sauf, dit Didier Viviers, "peut-être et de manière assez exceptionnelle à la fin de la 2e guerre mondiale par rapport à la collaboration." Une mesure disciplinaire allant jusqu’à l’exclusion n’est donc pas prévue dans le règlement.

Que faire dès lors ? "La commission administrative a mis sur pied un groupe de travail d’une douzaine d’académiciens et d’académiciennes. Ce groupe se réunira le 1er mars et nous devons déposer un rapport pour la prochaine commission administrative, le 27 mars. Si l’on va vers l’ajout dans notre règlement général, d’articles d’ordre disciplinaire, on convoquera une assemblée générale exceptionnelle qui pourra voter ce nouveau règlement, qui ensuite sera soumis à l’approbation du gouvernement."

La question devrait donc être réglée avant l’été.  

Laurent Minguet va-t-il être suspendu par l'Académie royale de Belgique dont il est membre ? (JP de La Première du 13/02/23)

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