Reconstituer les chaînes de transmission
Et, sur base de ces données, ses conclusions sont claires : "Le phénomène d’importation du variant delta en Belgique est au moins aussi important que ce que l’on a pu observer avec le variant alpha autour des vacances de Noël. On voit aujourd’hui que s’il a pu être contenu dans plusieurs cas, certains clusters ont pu démarrer avec pour conséquence une propagation de la communauté."
Or on le sait, ce variant est plus transmissible que les précédents avec, à la clé, le risque que les contaminations augmentent. "Aujourd'hui, les personnes qui sont infectées ont déjà une grande chance d'être infectées par le variant Delta, et donc d'être plus contagieuses. Dans quelques semaines, ce sera la règle", indique aujourd’hui le chercheur sur Twitter.
Que ce soit ici, ou ailleurs dans les pays où le taux d’infection est très élevé, on voit déjà des clusters delta liés à des réunions autour des matchs des Diables.
Voyages, voyages
Autre élément : l’assouplissement des mesures qui, selon l'épidémiologiste, "est justifié dans l’équilibre actuel mais représente un risque en terme de contamination". Et le microbiologiste de pointer les grands événements festifs comme les matchs des Diables rouges. "Que ce soit ici, ou ailleurs dans les pays où le taux d’infection est très élevé, on voit déjà des clusters delta liés à des réunions autour des matchs des Diables. Cela se produit un peu partout sur le territoire et on va probablement voir dans les prochaines semaines que le nombre d’infections va augmenter."
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Emmanuel André pointe encore un troisième élément : l’intensification des voyages. "Tous les pays sont en train de voir leurs équilibres modifiés, et donc les personnes qui reviendront de voyage auront bien souvent un risque d'être infecté plus élevé qu'au moment où ils sont partis."
C’est ainsi que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies estime, sur base de différents modèles, que 70% des nouvelles infections en Europe pourraient être dues au delta d’ici début août, un chiffre qui grimperait à 90% fin août.
Les leçons de l’été 2020
Dans ce contexte, les conclusions d’une étude menée par la KU Leuven et l’ULB et publiée dans la revue Nature sont particulièrement intéressantes. Elle évalue comment l’été dernier, après la première vague, les lignées virales nouvellement introduites notamment avec les voyages internationaux ont eu un impact sur la circulation du virus et ont contribué à la résurgence de l’épidémie en Europe durant l’été 2020.
Simon Dellicour est épidémiologiste à l’ULB et fait partie des auteurs de cette étude. Il explique que les chercheurs se sont basés sur des données épidémiologiques, des données de mobilité et des données génomiques virales provenant de dix pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suisse) pour établir leurs modèles.
"Dans la plupart des pays européens étudiés, plus de la moitié des chaînes de transmission qui circulait à la fin de l’été étaient le résultat d’événements d’introduction qui avaient eu lieu au début de l’été. Cela montre que sur une période de temps assez courte, on peut réimporter des chaines de transmission actives dans d’autres pays."
A l'été 2020, par exemple, un variant a probablement émergé en Espagne. Sa circulation illustre assez bien les échanges que l’on peut avoir entre les pays durant les vacances d’été.
Le scénario de l’été 2020 est très clair. "Par exemple, il y a un variant -qui n’était pas encore le variant britannique- qui a probablement émergé en Espagne. Notre étude montre que ce variant a été massivement importé au Royaume-Uni par des touristes revenus de vacances. Et que, à partir là, ce variant a encore rayonné dans toute une série de pays. Sa circulation illustre assez bien les échanges que l’on peut avoir entre les pays durant les vacances d’été."
S’il y a des leçons à tirer de ce qu’il s’est passé en 2020, Simon Dellicour précise tout de même que la configuration entre cet été-ci et l’année dernière n’est pas du tout la même. "Deux paramètres ont changé, un positif et un négatif. Il y a d’abord les campagnes de vaccination actuellement en cours dans tous les pays européens. Mais il y aussi la présence de variants connus pour être plus transmissibles ou associés à un échappement partiel de la réponse immunitaire."