Comment le variant delta se répand en Belgique ? Ce que l’analyse génomique nous apprend

En analysant le génome du covid, on en apprend beaucoup sur les variants du virus et la manière dont ils circulent en Belgique et en Europe.

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Par F.C. avec Pascale Bollekens

Détecté pour la première fois dans notre pays le 6 avril dernier, le variant delta ne cesse depuis lors de gagner du terrain. Lors de la conférence de presse de Sciensano ce matin, Yves Van Laethem l’a encore répété. "On constate une augmentation lente mais sûre du variant delta qui est actuellement à la base de pratiquement un quart des nouvelles contaminations, c’est-à-dire de 23% d’entre elles alors qu’il s’agissait de 16 % la semaine dernière. Très clairement c’est lui qui prend le pas sur le variant alpha."

Mais si cette augmentation du variant delta est de plus en plus palpable, le porte-parole interfédéral tempère cependant les chiffres. "Ils sont encore relativement peu importants étant donné que le nombre de contaminations reste encore relativement bas, cela représente donc peu de chose en chiffres absolus."

Génome du virus à la loupe

Lentement mais surement donc, le variant delta, découvert en Inde, est bien amené à remplacer son cousin alpha, découvert au Royaume-Uni. Le microbiologiste et chercheur au pôle des maladies infectieuses de l’hôpital universitaire UZ Leuven, Emmanuel André, l’affirme lui aussi  sur Twitter. "Le variant delta est en train de devenir dominant en Belgique. L'analyse génomique des virus réalisée par montre que cette situation est le résultat de multiples introductions, provenant principalement du Royaume-Uni".

Il se base lui sur les analyses génomiques c'est-à-dire l'analyse du matériel génétique du virus pour retracer les portes d’entrées du variant delta dans notre pays. "Cette analyse montre également qu'une très importante proportion des souches delta sont très proches, suggérant que l'épidémie dans notre pays a été massivement modifiée par un nombre limité de personnes qui n'ont probablement pas accepté le testing et à la quarantaine."

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Carte d’identité du virus

Pour comprendre comment fonctionnent ces analyses génomiques et ce qu’elles nous apprennent nous lui avons posé la question. "En Belgique, quand on fait le diagnostic d’une infection chez une personne, dans 5 à 10 % des échantillons, on procède à l’analyse complète du génome du virus. Ces génomes se ressemblent très fort mais certaines petites différences permettent de dire si on est face à tel type de variant ou tel autre. Dans certains cas, on peut même voir que deux patients infectés par le même variant sont directement liés l’un à l’autre, c’est-à-dire qu’ils font partie de la même chaîne de transmission."

Des données précieuses qui permettent non seulement de cartographier mais aussi de retracer l’historique d’un variant dans notre pays. "Quand on analyse ces dizaines de milliers d’échantillons, on peut comprendre les chaînes de transmission, savoir d’où elles viennent, de quel pays mais aussi comment elles se sont transmises et à quel rythme", précise le microbiologiste de la KULeuven.

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Reconstituer les chaînes de transmission

Et, sur base de ces données, ses conclusions sont claires : "Le phénomène d’importation du variant delta en Belgique est au moins aussi important que ce que l’on a pu observer avec le variant alpha autour des vacances de Noël. On voit aujourd’hui que s’il a pu être contenu dans plusieurs cas, certains clusters ont pu démarrer avec pour conséquence une propagation de la communauté."

Or on le sait, ce variant est plus transmissible que les précédents avec, à la clé, le risque que les contaminations augmentent. "Aujourd'hui, les personnes qui sont infectées ont déjà une grande chance d'être infectées par le variant Delta, et donc d'être plus contagieuses. Dans quelques semaines, ce sera la règle", indique aujourd’hui le chercheur sur Twitter.

Que ce soit ici, ou ailleurs dans les pays où le taux d’infection est très élevé, on voit déjà des clusters delta liés à des réunions autour des matchs des Diables. 

Voyages, voyages

Autre élément : l’assouplissement des mesures qui, selon l'épidémiologiste, "est justifié dans l’équilibre actuel mais représente un risque en terme de contamination". Et le microbiologiste de pointer les grands événements festifs comme les matchs des Diables rouges. "Que ce soit ici, ou ailleurs dans les pays où le taux d’infection est très élevé, on voit déjà des clusters delta liés à des réunions autour des matchs des Diables. Cela se produit un peu partout sur le territoire et on va probablement voir dans les prochaines semaines que le nombre d’infections va augmenter."


►►► À lire aussi: Coronavirus en Russie : les supporters belges ont-ils ramené le variant delta après le match Belgique-Finlande à Saint-Pétersbourg ?


Emmanuel André pointe encore un troisième élément : l’intensification des voyages. "Tous les pays sont en train de voir leurs équilibres modifiés, et donc les personnes qui reviendront de voyage auront bien souvent un risque d'être infecté plus élevé qu'au moment où ils sont partis."

C’est ainsi que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies estime, sur base de différents modèles, que 70% des nouvelles infections en Europe pourraient être dues au delta d’ici début août, un chiffre qui grimperait à 90% fin août.

Les leçons de l’été 2020

Dans ce contexte, les conclusions d’une étude menée par la KU Leuven et l’ULB et publiée dans la revue Nature sont particulièrement intéressantes. Elle évalue comment l’été dernier, après la première vague, les lignées virales nouvellement introduites notamment avec les voyages internationaux ont eu un impact sur la circulation du virus et ont contribué à la résurgence de l’épidémie en Europe durant l’été 2020.

Simon Dellicour est épidémiologiste à l’ULB et fait partie des auteurs de cette étude. Il explique que les chercheurs se sont basés sur des données épidémiologiques, des données de mobilité et des données génomiques virales provenant de dix pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suisse) pour établir leurs modèles.

"Dans la plupart des pays européens étudiés, plus de la moitié des chaînes de transmission qui circulait à la fin de l’été étaient le résultat d’événements d’introduction qui avaient eu lieu au début de l’été. Cela montre que sur une période de temps assez courte, on peut réimporter des chaines de transmission actives dans d’autres pays."

A l'été 2020, par exemple, un variant a probablement émergé en Espagne. Sa circulation illustre assez bien les échanges que l’on peut avoir entre les pays durant les vacances d’été.

Le scénario de l’été 2020 est très clair. "Par exemple, il y a un variant -qui n’était pas encore le variant britannique- qui a probablement émergé en Espagne. Notre étude montre que ce variant a été massivement importé au Royaume-Uni par des touristes revenus de vacances. Et que, à partir là, ce variant a encore rayonné dans toute une série de pays. Sa circulation illustre assez bien les échanges que l’on peut avoir entre les pays durant les vacances d’été."

S’il y a des leçons à tirer de ce qu’il s’est passé en 2020, Simon Dellicour précise tout de même que la configuration entre cet été-ci et l’année dernière n’est pas du tout la même. "Deux paramètres ont changé, un positif et un négatif. Il y a d’abord les campagnes de vaccination actuellement en cours dans tous les pays européens. Mais il y aussi la présence de variants connus pour être plus transmissibles ou associés à un échappement partiel de la réponse immunitaire."

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Course contre la montre

Pour ce chercheur, l’enjeu n’est donc déjà plus de prévenir l’arrivée d’un variant comme le variant delta. Il faut surtout tenter de limiter son arrivée massive sur le territoire le temps d’avancer un maximum dans la campagne de vaccination. "On est toujours en quelque sorte dans cette course contre la montre entre d’un côté, ce variant plus transmissible qui tend à devenir majoritaire chez nous, et de l'autre, cette campagne de vaccination qui avance bien mais où l’on a encore un pourcentage relativement faible de personnes qui sont totalement protégées, c’est-à-dire avec deux doses du vaccin."

Pour cet épidémiologiste, il faut tenter de gagner du temps et mettre le paquet sur la vaccination pour éviter les problèmes en septembre au moment où l’on va sortir des conditions estivales avec les rentrées scolaire, universitaire et professionnelle.

Pour compléter : extrait du JT de 19h30 sur le variant Delta et les voyages à l'étranger

Variant Delta : mise en garde avec le foot et les vacances

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