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Comment reloger les sinistrés ? Les solutions sur la table des autorités wallonnes

15.000 logements sont sinistrés en Wallonie.

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Par Thomas Dechamps

Un mois après les terribles inondations qui ont frappé la Wallonie, on estime aujourd’hui qu’environ 15.000 logements auraient été endommagés, avec pour conséquence de priver de toit presque autant de personnes. Autant dire que le relogement des sinistrés est donc devenu la priorité numéro un pour les autorités wallonnes. Plusieurs mesures ont déjà été prises à cet effet et de nouvelles pistes sont désormais sur la table. Faisons le point.

Trouver un logement privé via la plate-forme d’entraide ou une AIS

La solution la plus évidente consiste bien sûr à trouver un logement abordable existant, déjà proposé à la location par son propriétaire. Mais parce qu’il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, la Région wallonne a lancé un site web permettant de centraliser les demandes de logement et les offres privées : Entraide Logement (wallonie.be).

De quoi accélérer les démarches des deux côtés selon le ministre du logement Christophe Collignon : "on met à disposition un outil simple et pragmatique pour faciliter les choses (..) où vous pouvez localiser facilement votre demande, parce qu’il ne faut évidemment pas perdre de vue que les personnes sinistrées ne voudront sans doute pas trop s’éloigner de leur bassin de vie" précise-t-il.


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Parallèlement à cela, la Région veut promouvoir les Agences immobilières sociales (AIS), des intermédiaires entre locataires et propriétaires qui offrent une sécurité à ces derniers en matière de loyer, la prise en charge de la gestion locative ainsi que la remise à niveau du bien en échange de sa mise à disposition pour des ménages à revenus modestes.

Un système d’exonération fiscale incitait déjà les propriétaires à envisager ce système mais la Région va maintenant plus loin : "C’est-à-dire que normalement les propriétaires doivent nous confier le bien pendant minimum neuf ans, ici on a dit qu’ils pourront bénéficier de tous ces avantages même en ne le laissant que deux ans. Et, en outre, on a rajouté un dispositif selon lequel ils peuvent bénéficier de subsides à hauteur de 15.000 euros et d’un prêt à taux zéro de 15.000 autres euros pour rénover rapidement le bien et le remettre au plus vite sur le marché" développe le ministre.

Trouver un gîte ou un Airbnb pour six mois ou plus

Autre possibilité : occuper l’un des 2700 gîtes que compte la Wallonie ou un logement habituellement proposé sur la plateforme Airbnb, le temps de rendre à nouveau habitable son logement d’origine. Le problème ici c’est que le prix de la location est bien souvent supérieur au prix du marché locatif résidentiel classique.

C’est pourquoi là aussi la Région wallonne a prévu un incitant financier pour les propriétaires : 300 euros par chambre (ou jusqu’à 1000 euros pour un logement de plus de quatre chambres). Mais difficile à ce stade de savoir combien de places pourraient ainsi être dégagées.


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Le président de la Fédération des Gîtes et Chambres d’hôtes de Wallonie, Frédéric de Dorlodot, se montre en tout cas plutôt sceptique : "à mon avis, vous aurez beaucoup de mal à trouver en août et en septembre" tempère-t-il immédiatement.

"Ce n’est pas impossible et l’incitant financier est une bonne chose mais de manière générale les places en gîtes sont bookées bien à l’avance. Beaucoup d’entre eux sont déjà complets et structurellement le mois de septembre est un bon mois également. En octobre vous allez trouver plus de place mais ce sera surtout du lundi au vendredi, les weekends sont fort loués et ça n’aidera pas beaucoup de louer juste en semaine évidemment", détaille celui qui est aussi lui-même propriétaire de deux gîtes.

S’installer au-dessus d’un commerce

Le constat n’est pas neuf : de nombreux étages des rez-de-chaussée commerciaux sont inoccupés faute d’accès distinct. Rien que dans le centre de Liège, on en recenserait autour de 2000. Le plan de relance wallon prévoyait d’ailleurs déjà de viabiliser ces espaces en finançant si besoin une entrée spécifique.

Les dispositifs légaux ne sont pas encore tout à fait prêts mais leur mise en œuvre est accélérée pour coller à l’urgence du relogement des sinistrés des inondations. "C’est plus une disposition à moyen terme", concède le ministre du logement Christophe Collignon, "mais nous avons les fonds nécessaires puisque nous les avions récoltés lors de la confection du plan de relance wallon", souligne-t-il.

Loger dans un conteneur ou un « logement léger »

C’est l’une des pistes lancées par la Wallonie dès le mois de juillet : louer au plus vite des "logements légers" comme on les appelle, des containers transformés en habitation ou d’autres habitats modulaires. Un appel d’offres en urgence a donc été lancé par la Société wallonne du logement (SWL) et une vingtaine de sociétés se seraient montrées intéressées mais de l’aveu même du gouvernement, le chiffre de 3000 modules avancé pendant un temps devra sans doute être revu à la baisse.

"C’était un peu compliqué" nous confie Grégory Hubert, le gérant de la société C2G Concept, spécialisée dans la transformation de containers maritimes en logement, qui a été en contact avec les autorités à propos de cet appel d’offre. "On s’est un peu concertés entre fabricants et faire autant de logements en location ce n’était pas vraiment intéressant car nous n’avons pas de stock, donc il faut produire mais alors après que va-t-on faire de ces containers si dans six ou huit mois la région wallonne n’en veut plus ?", poursuit-il.


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Un second appel d’offres doit donc suivre ce lundi 16 août (avec attribution à la mi-septembre) portant cette fois-ci sur l’achat (et non la location) de modules de meilleure qualité, capables d’héberger des personnes en toute saison et sur une plus longue période.

Un projet qui semble rencontrer davantage l’intérêt du secteur : "pour ma part, j’ai pris les devants en demandant à mes sous-traitants de se tenir disponible au cas où il faudrait produire en grande quantité et on a déjà réservé une dizaine de containers et commandé par exemple une série de châssis de fenêtres mais il faudra quand même quelques semaines pour les recevoir et tant que le marché public n’est pas sorti on ne peut pas trop s’avancer", signale Grégory Hubert.

Ajoutons à cela la difficulté de trouver des terrains adaptés (avec eau, électricité, évacuation des eaux usées) et on comprend que si l’idée est en bonne voie elle ne permettra pas de reloger un grand nombre de personnes avant un certain temps. D’autant plus que la pénurie de certains matériaux de construction rallonge encore les délais de fabrication.

Trouver une place en résidence-service

Autre piste envisagée : mobiliser les places disponibles en résidences-services. Même la Flandre a proposé de lister les logements vacants dans ses institutions du sud du Limbourg ou du Brabant Flamand (les plus proches de la Province de Liège) et un millier d’entre elles ont été contactées à cet effet. La Région wallonne salue l’initiative mais plusieurs responsables du Sud du pays nous ont tout de même confié leur scepticisme quant au nombre de sinistrés qui seraient prêts à aller aussi loin pour se reloger.

D’autant plus qu’ici aucune aide financière n’est prévue à ce stade. Côté flamand, on se défend : "Je ne dis pas que c’est LA solution mais peut-être que ça peut être un des éléments pour une solution pendant cette période très dure pour les familles", répondait cette semaine le ministre flamand compétent, Wouter Beke.

La Région wallonne évalue cependant aussi de son côté le nombre de places disponibles dans ses propres résidences-services et des deux-côtés de la frontière linguistique on appelle les directions à accepter pour un temps les familles ou les jeunes couples sinistrés qui en feraient la demande, dans ces institutions habituellement dévolues aux personnes âgées.

Obtenir un logement social

Inondations ou pas inondations, on le sait, obtenir un logement social n’est pas chose aisée. Les autorités wallonnes ont néanmoins pris plusieurs initiatives pour faciliter un peu les choses. Premièrement, les locataires des logements sinistrés deviennent prioritaires pour en obtenir un.

Et ce dans toutes les sociétés de logements publiques, de façon à répartir la charge du relogement. Des moyens ont ensuite été débloqués pour remettre en état au plus vite les logements sociaux endommagés ou ceux qui étaient inoccupés. De plus, le gouvernement wallon vient d’approuver une opération d’acquisition, par les sociétés de logements publiques, de minimum 150 logements neufs pour un montant estimé de 40 millions d’euros.

"On a essentiellement sondé le marché immobilier liégeois, verviétois et autour de Rochefort puisque ce sont les communes les plus impactées où il y a beaucoup de personnes à reloger", précise le ministre wallon du logement Christophe Collignon.

Réquisitionner du logement privé inoccupé ?

Certains, comme au PTB, verraient d’un bon œil la réquisition à grande échelle de logements privés pour les mettre à disposition de familles sinistrées mais la mesure n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Pas au niveau régional en tous les cas : "Moi, comme ministre du logement, je n’ai pas de pouvoir de réquisition. Par contre, il existe dans la législation au niveau communal, et ça je l’ai envoyé tout de suite aux bourgmestres, ce qu’on appelle une " prise en gestion ". Et ça c’est tout à fait faisable. Maintenant, la réalité c’est que les immeubles inoccupés sont souvent en très mauvais état", réplique Christophe Collignon.

Au niveau communal justement, plusieurs bourgmestres ont déjà réquisitionné des chambres d’hôtels ou des places en internats mais à chaque fois, il s’agissait de lieux de transition, où les sinistrés ne pouvaient rester que sur une courte période.

La Région, elle, cherche maintenant à identifier tous les logements disponibles appartenant aux pouvoirs publics : casernes militaires ou logements pour gardiens de prisons, propriétés de la SOWAER (Société wallonne des aéroports) aux abords des aéroports de Charleroi et de Liège, etc. Les pistes sont encore nombreuses.

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