Clément Holvoet vous parle de Brahms et de l’un de ses plus célèbres corpus, avec cette question : "Comment sont nées les Danses Hongroises de Johannes Brahms?". Mais Brahms n’étant pas hongrois, pourquoi des Danses de ce pays?
Brahms était bien allemand. Mais il a goûté aux musiques de traditions orales comme la musique traditionnelle hongroise et les musiques tziganes assez jeune. C’est vers 15 ans que Brahms est invité comme pianiste à accompagner en tournée un violoniste hongrois du nom de Eduard Remenyi. Ce virtuose interprète des danses tziganes et de la musique hongroise dans toute l’Allemagne. Brahms accompagne donc Remenyi au piano, la plupart du temps en improvisant, et les deux hommes se lient d’amitié. Par la suite d’ailleurs, Remenyi présentera à Brahms Joseph Joachim qui sera le dédicataire de son Concerto pour violon en ré majeur.
Brahms découvre donc en direct et de manière sensible la musique hongroise par ce biais. Brahms expérimente la joie de jouer des musiques traditionnelles, notamment à la manière tzigane, en contact direct avec le style et l’esprit de cette musique, indispensables à sa bonne exécution. C’est en fait une aubaine pour Brahms de pouvoir travailler avec Remeyi. Toutes ces informations collectées vont inspirer Brahms pour composer, quelques années plus tard, ses propres et fameuses Danses hongroises. Remenyi aura d’ailleurs un peu le sentiment d’une usurpation du folklore hongrois par Brahms, tant le succès des Danses fut au rendez-vous.
De quelles danses s’agit-il au juste?
Les Danses hongroises composées par Brahms s’inspirent en fait majoritairement des Czardas hongrois. Czardas, cela signifie auberge en hongrois. Ces Czardas ont une particularité, c’est vraiment typique, elles sont en 2 parties, l’une très lente comme un chant mélancolique ou expressif, en mineur, et une partie extrêmement rapide et virtuose, en majeur. La partie lente est appelée Lassu, la partie rapide Frisska. Brahms s’inspire aussi d’autres danses traditionnelles hongroises comme le verbunk, une danse plutôt militaire, ou même de mélodies authentiquement tziganes.
Les frontières de ces musiques sont assez floues, au fond. Car en fait, les tziganes qui sont présents sur les terres hongroises à l’époque s’intègrent dans les pays dans lesquels ils arrivent en s’appropriant les musiques du pays et en les interprétant à leur façon, nourries donc de leur sens de l’improvisation et du style tzigane, virtuose tout autant qu’intensément expressif. Notez d’ailleurs que pour ses Danses hongroises, Brahms et son éditeur ne leur donnent pas de numéro d’opus. La raison, Brahms considérait qu’il avait au fond simplement arrangé des airs populaires et non écrit des musiques originales. Pour autant il semble que dans le lot, certaines Danses soient entièrement de sa main.
Combien de Danses d’ailleurs?
Brahms a écrit (ou arrangé) 21 Danses hongroises, ce qu’on ne sait pas toujours. Au départ, elles sont toutes pour piano à 4 mains (donc un piano et 2 pianistes), puis il en réécrit pour piano seul et enfin pour orchestre. Notez également que la plupart des danses ont été arrangées pour orchestre par d’autres compositeurs, et non par Brahms lui-même, dont le tchèque Antonin Dvorak. Alors, les 21 Danses n’ont pas toutes été écrites au même moment, leur composition s’étale sur plusieurs années, environ 10 ans, les premières ayant été refusées par l’éditeur. Mais on peut donc dater leur composition entre 1869 et 1880 pour les dernières, Brahms est alors âgé de 36 ans pour les premières et 47 ans pour les dernières.
La plus célèbre Danse hongroise Brigitte, vous le savez, c’est la 5ème, avec tout l’orchestre. On la connaît par cœur, et l’orchestration n’est pourtant pas de Brahms mais du compositeur allemand Albert Parlow.