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Comment une élection régionale allemande pourrait faire dérailler les futures réformes budgétaires de l’Union européenne ?

Christian Lindner, ministre allemand des Finances et président du FDP

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Par Olivier Hanrion

Ce lundi  10 octobre, les responsables du parti libéral allemand se sont réveillés avec un gros mal de crâne. Avec seulement 4,7% des voix, le FDP venait de subir une sévère défaite électorale lors des élections régionales de Basse Saxe. Aucun élu libéral ne siégera au Parlement de ce Land du nord ouest de l’Allemagne. Une première depuis 1998 ! Mais ce qui ne devait être qu’une défaite dans une élection locale pourrait avoir de lourdes conséquences sur la politique économique et budgétaire de l’Union européenne. Et donner mal à la tête à d’autres responsables politiques européens. C’est l’effet papillon.

Quatre défaites d'affilée

Ça commence à faire beaucoup, explique Henrik Uterwedde, chercheur associé au Deustch-Franzöziches Institut (DFI) de Ludwigsburg, c’est la quatrième élection régionale successive où le FDP perd des plumes. " Et tout le monde au sein du parti garde en mémoire l’humiliante défaite de 2013 où, faute d’avoir franchi la barre des 5% des suffrages, le parti s’est retrouvé éjecté du Bundestag, le parlement fédéral.

" Le FDP paye aujourd’hui le prix de sa participation à la coalition gouvernementale, estime Henrik Uterwedde. Ses électeurs attendent qu’il mène une politique de centre droit, or aujourd’hui il doit gouverner avec le SPD et les Verts, deux partis de centre gauche. Sur plusieurs dossiers, les libéraux peinent à se faire entendre. D’autant qu’à cela est venu se rajouter la guerre en Ukraine et de la crise énergétique… des circonstances exceptionnelles qui poussent le chancelier Olaf Scholz à sortir le carnet de chèque, alors que le FDP a naturellement tendance à un contrôle des finances plus orthodoxe. "

Le FDP veut montrer qu’il existe

La conséquence immédiate de cette nouvelle défaite électorale risque d’être un durcissement des positions du parti libéral. " Le FDP doit être plus visible dans la coalition, clairement plus que jusqu’à présent ", a tonné son secrétaire général Bijan Dijr Sarai. Un durcissement dont les autres Etats membres de l’Union européenne pourraient bien faire les frais.

La révision du pacte de stabilité et de croissance européen sur la sellette

Plusieurs gros dossiers budgétaires sont dans les tuyaux européens. A commencer par la révision du pacte de stabilité et de croissance. Depuis 1997, cet outil européen permet de coordonner les politiques budgétaires nationales. C’est la boussole que doivent suivre tous les ministres des finances de la zone euro pour garder un budget proche de l’équilibre. Ce pacte impose aux Etats membres de respecter un déficit public inférieur ou égal à 3% du PIB et une dette publique inférieure ou égale à 60% du PIB. En cas de dérapage incontrôlé d’une économie, par exemple si un pays atteint un niveau de déficit excessif, ou si sa dette publique explose, l’Etat concerné devra prendre des mesures de correction, au risque de se voir imposer des sanctions par l’UE.

Depuis la crise sanitaire, les règles du pacte ont été mises sous cloche mais cela n’empêche pas les critiques. Celles des pays du sud notamment dont la dette publique est largement dans le rouge. Ils reprochent au pacte de stabilité et de croissance de paralyser leurs économies en les empêchant de réaliser les investissements nécessaires dans les énergies vertes ou dans le numérique. Bref, le pacte de stabilité ne serait pas adapté aux crises à répétition que traverse l’Union, ses règles seraient obsolètes et freineraient les investissements du futur. Il faut adapter le logiciel.

C’est précisément ce que la Commission européenne compte faire. Dans les prochaines semaines, l’exécutif européen va présenter une proposition pour assouplir le fonctionnement du pacte.

Une idée qui n’a jamais vraiment plu à plusieurs Etats du nord de l’Europe. Le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et l’Allemagne veulent maintenir les règles originelles du pacte. " Je ne pense pas qu’on puisse de façon réaliste s’attendre à des changements fondamentaux sur les critères du pacte " avait déjà affirmé en janvier dernier Christian Lindner, le ministre des finances allemand… et président du FDP. Les discussions autour de la table du Conseil " Affaires économique et financières " s’annoncent tendues.

Vers une nouvelle mutualisation des dettes ?

D’autant qu’un autre dossier chaud divise les Européens. Celui d’un financement commun de la réponse à la crise énergétique. Il s’agirait de trouver une solution européenne pour permettre aux Etats membres qui n’ont pas de marge de manœuvre budgétaire de soutenir leurs entreprises. Il faudrait pour cela créer un nouvel instrument qui s’inspirerait de la réponse européenne pour sortir de la crise du Covid. Selon les informations de l’agence Bloomberg, le chancelier Olaf Scholz ne serait pas complètement hermétique à l’idée de soutenir l’émission de dette conjointe dans l’UE pour amortir le coût de la crise énergétique. Mais son ministre des Finances s’y est toujours opposé. Les résultats électoraux de Basse Saxe de ce dimanche ne vont pas l’inciter à changer d’avis.

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