Vie pratique

Comment vaincre sa phobie de l’avion ? Un stage vous donne les clés

Embarquement immédiat pour le simulateur d’Airbus A320.

© Sébastien Cools

Vous retrouver enfermé plusieurs heures à plus de 10.000 mètres d’altitude dans un avion soumis aux turbulences et piloté par un inconnu n’a rien d’enthousiasmant à vos yeux ? Au contraire, la perspective d’un voyage aérien provoque chez vous stress, nausées, hyperventilation ou palpitations ? Des solutions existent et il ne s’agit ni d’anxiolytique ni d’alcool : des stages sont notamment organisés pour surmonter cette peur, et les taux de réussite vantés sont clairement encourageants. Nous avons poussé la porte de l’un d’entre eux. Embarquement immédiat pour le simulateur.

Les termes sont multiples : aviophobie, aérophobie, aérodromophobie, … "Peur de l’avion, c’est bien aussi", tranche en rigolant Julien Labruyère, ancien pilote de ligne, en charge de la formation technique au Centre de traitement de la peur de l’avion (CTPA) à Nivelles, et présent depuis les débuts de ce projet belge né d’une société française. Selon lui, statistiquement, 30% des gens ont peur de prendre l’avion.

Ce genre de vue des nuages n’est pas le septième ciel pour tout le monde.
Ce genre de vue des nuages n’est pas le septième ciel pour tout le monde. © Sébastien Cools

Amical et rassurant

Informaticien à la base, Julien a quitté l’aviation après plus d’une dizaine d’années, "mais pas parce que c’est dangereux", plaisante souvent le quadragénaire auprès de ses stagiaires, qu’il tutoie systématiquement. Engagé pour voler de nuit en cargo, le passionné trouvait en réalité le métier "trop répétitif et trop cadenassé", pour lui qui a besoin de défis, de création et d’interactions. Aujourd’hui, il est retourné à l’informatique mais continue de voler en petit avion et poursuit les stages en complémentaire.

Le formateur Julien Labruyère, en plein ping-pong de questions-réponses.
Le formateur Julien Labruyère, en plein ping-pong de questions-réponses. © Sébastien Cools

De la théorie à la pratique

Après un appel téléphonique préalable pour cerner le cas de chacun, le stage "Prêt à décoller" du CTPA se déroule en trois parties étalées sur une journée. Le matin, un psychologue aide à comprendre son angoisse et à mettre en place des systèmes pour la maîtriser. Après le repas de midi, la sécurité aérienne est exposée en long et en large : toutes les situations potentiellement problématiques sont examinées et dédramatisées. En fin de journée, les stagiaires prennent les commandes d’un A320 dans un simulateur de vol aux côtés d’un pilote instructeur. Outre un briefing météo par téléphone quelques heures avant leur prochain vol, les participants reçoivent aussi un livre pour mieux comprendre leur peur et gérer leur stress. Dans de rares cas extrêmes, la personne peut même être accompagnée en vol, mais ce n’est normalement pas nécessaire.

Les participants reçoivent un livre pour mieux comprendre leur peur et gérer leur stress.
Les participants reçoivent un livre pour mieux comprendre leur peur et gérer leur stress. © Sébastien Cools

Donner des ailes

Les stages sont organisés un samedi par mois, en petit groupe de maximum huit personnes, dans un climat de confiance et familial. Des stages privés en "last minute" peuvent éventuellement être arrangés. Le jour de notre venue en février, une seule dame était présente pour prendre le taureau par les cornes. Aimant voyager, Dina s’est inscrite après une mauvaise expérience sur un précédent vol et avant un prochain voyage à Dubaï. Toutes ses questions et appréhensions en termes de météo et de pannes ont obtenu des réponses précises et rassurantes, étayées d’exemples concrets. Convaincue par le stage, dont les trois volets lui paraissent nécessaires, la mère de famille veut désormais essayer de partir sans anxiolytique et espère ne plus être prise de panique en présence de son enfant.

Météo, turbulences et pannes sont vulgarisées sans tricher.
Météo, turbulences et pannes sont vulgarisées sans tricher. © Sébastien Cools

Chacun a ses raisons

Les participants viennent souvent pour le plaisir, comprenez parce qu’ils visent des destinations plus lointaines, quand la famille se plaint de ne voir que la France en voiture, rapporte Julien Labruyère. Les visites à la progéniture installée à l’étranger et les déplacements pour le travail reviennent aussi fréquemment dans les motivations citées. "Assez curieusement, 90% de nos stagiaires sont des gens qui volent quand même assez régulièrement : deux ou trois fois par mois, d’autres une ou deux fois par an", chiffre le formateur, évoquant à peine un stagiaire sur dix n’ayant jamais volé, contrairement à ses premières attentes. Le profil type se situe dans la tranche 35-50 ans, avec une majorité de femmes.

Vacances, famille, travail : chacun peut être amené à devoir prendre l’avion.
Vacances, famille, travail : chacun peut être amené à devoir prendre l’avion. © BELGA

Turbulences et manque de contrôle

Les sensations physiques au décollage et les turbulences comptent parmi les craintes les plus courantes. Derrière ça, les manques d’échappatoire, de contrôle et de compréhension jouent aussi un rôle prépondérant. "Évidemment, ils ne vont jamais être au contrôle, ils ne vont jamais pouvoir sauter en vol, c’est comme ça. Par contre, on travaille vraiment sur l’aspect compréhension : mettre des mots, ce que je ressens et pourquoi, ce qui se passe en réalité", dévoile Julien. La "peur d’avoir peur", de paniquer et de ne pas pouvoir se gérer, est également récurrente. L’appréhension d’un acte terroriste n’est par contre quasiment jamais présente.

Les sensations physiques au décollage comptent parmi les craintes les plus courantes.
Les sensations physiques au décollage comptent parmi les craintes les plus courantes. © BELGA

Bons conseils

Combiner lors du stage l’aspect psychologique, la compréhension technique et l’expérience pratique permettrait d’accepter plus facilement de subir ses craintes en voyage. Des trucs et astuces sont donnés, les choses à faire et ne pas faire sont transmises. Alcool et anxiolytiques, par exemple, sont des "remèdes" à bannir. "L’alcool augmente le rythme cardiaque. Et comme les angoisses sont liées au rythme cardiaque, ça augmente l’angoisse. En prenant un Xanax dessus, on est un peu K.-O. pendant deux jours. Ce n’est pas bon. Certains stagiaires dépassent leur peur en prenant des Xanax. Le but du stage, c’est justement d’arrêter de faire ça", souligne l’encadrant.

Combiner psychologie, compréhension technique et expérience pratique permettrait d’accepter plus facilement de subir ses craintes.
Combiner psychologie, compréhension technique et expérience pratique permettrait d’accepter plus facilement de subir ses craintes. © Sébastien Cools

Week-end à Rome

Le centre nivellois recommande de faire un vol dans le mois qui suit le stage, pas six mois après, et idéalement vers une destination à deux heures maximum, si possible avec un proche capable de mettre en confiance. "Il ne faut surtout pas se mettre une double pression. Certains me contactent parfois en disant : 'En septembre, je pars avec toute la famille au Canada'. Après le stage, il vaut mieux faire un vol avant le grand jour. Parce que si vous avez l’angoisse de faire le stage, de devoir voler, en plus vers une destination lointaine, et alors que tout le monde compte sur vous, ça fait trop d’angoisse en même temps", pointe le réaliste.

Dans le simulateur, fixe mais réaliste, Dina a pris place aux côtés du pilote Damien Lapôtre.
Dans le simulateur, fixe mais réaliste, Dina a pris place aux côtés du pilote Damien Lapôtre. © Sébastien Cools

Parler aux hôtesses, voire aux pilotes

"On conseille toujours de signaler sa peur aux hôtesses. Normalement, elles viendront voir plus souvent si tout va bien. Demandez peut-être d’aller dans le cockpit. Certaines compagnies, certains pilotes pourraient accepter, ne fût-ce qu’une minute, dire bonjour. Voir, même de loin, ça rassure", ajoute l’ancien pilote. "Depuis les attentats, il n’y a plus de lien qui se crée entre les pilotes et les passagers, et ça, je crois que ça n’aide pas, pour les gens qui ont peur", observe-t-il.

Il est conseillé de signaler sa peur aux hôtesses. Et pourquoi pas demander de visiter le cockpit ?
Il est conseillé de signaler sa peur aux hôtesses. Et pourquoi pas demander de visiter le cockpit ? © Belga

De phobique… à pilote !

Sur base des retours de ses stagiaires, le CTPA vante plus de 90% de réussite. "Sur les cinq dernières années, je ne me rappelle pas de quelqu’un qui m’aurait appelé pour me dire 'ça n’a pas fonctionné'", assure Julien Labruyère. Si certains recontactent parfois le centre pour un briefing avant un vol ultérieur, personne n’a jamais refait un stage complet. "Des gens ont même fait ensuite leur formation de pilote privé. On a eu cinq ou six cas. Des gens qui étaient fascinés par ça mais qui avaient peur. Ils ont été libérés par le stage", affirme le responsable.

Les conditions météo ou d’approche peuvent être adaptées en fonction des craintes des stagiaires.
Les conditions météo ou d’approche peuvent être adaptées en fonction des craintes des stagiaires. © Sébastien Cools

Quand les inscriptions décollent

Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, la sortie de la pandémie de Covid et la relance du tourisme international n’ont pas boosté la fréquentation des stages. "Les gens ont peut-être un peu moins les moyens. On a un peu moins (d’inscriptions) qu’il y a quatre ou cinq ans", admet Julien. Sans être synonyme d’explosion des inscriptions, un crash aérien très médiatisé entraîne généralement un pic de demandes d’informations et un peu plus d’inscrits, confie-t-il.

La sortie de la pandémie de Covid et la relance du tourisme international n’ont pas boosté la fréquentation des stages.
La sortie de la pandémie de Covid et la relance du tourisme international n’ont pas boosté la fréquentation des stages. © BELGA

Combien ça coûte ?

Au CTPA, la journée "Prêt à décoller" et son suivi coûtent le prix non négligeable de 390 euros pour les particuliers. Le stage étant considéré comme une psychothérapie, une vingtaine d’euros peut être remboursée par la mutualité des participants. À titre de comparaison, le cours "Fear of Flying" récemment relancé par Brussels Airlines à Zaventem, avec un vol réel compris, revient à 1099 euros hors TVA. Le stage "Apprivoiser l’avion" d’Air France, à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, avec simulateur sur vérin, coûte 690 euros par personne, ou 450 euros pour le module adapté aux jeunes de 8 à 15 ans. Chez TUI, un cours accéléré est proposé à 125 euros, et un coaching individuel existe à 195 euros par session de quatre heures.

Le Centre de traitement de la peur de l’avion (CTPA) partage les locaux de la Flight Experience, où particuliers et entreprises peuvent simuler un vol en avion de chasse.
Le Centre de traitement de la peur de l’avion (CTPA) partage les locaux de la Flight Experience, où particuliers et entreprises peuvent simuler un vol en avion de chasse. © Sébastien Cools

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