Conflit israélo-palestinien : "La communauté internationale a le devoir de s’impliquer" plaide Elena Aoun, professeure de relations internationales à l’UCLouvain

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Par Hugues Angot

Deuxième semaine de violence entre l’Etat hébreu et la bande de Gaza. Les bombardements israéliens sur l’enclave palestinienne et les tirs de roquette de Gaza vers Israël ont tué au moins 222 personnes, en très grande majorité des Palestiniens. Et le bilan pourrait encore s’alourdir malgré les tentatives de médiation. Faut-il craindre un enlisement voire une escalade du conflit ? QR l’actu fait le point sur la question avec François Dubuisson, professeur de droit international à l’ULB, et Elena Aoun, professeure en relations internationales à l’UCLouvain.

La colonisation israélienne en cause ?

"Au regard du droit international, Israël est bien une puissance qui occupe des territoires palestiniens conquis en 1967" confirme Elena Aoun. Une occupation qui est en effet génératrice de violence. Pour François Dubuisson, la volonté actuelle d’Israël reste de coloniser et d’occuper certains territoires, notamment avec l’annexion de Jérusalem Est. "En fait, on assiste à une droitisation de la population israélienne, avec des responsables politiques comme Benyamin Netanyahou, et avec des positions dures, voire radicales, qui ne vont pas dans le sens de l’établissement d’un État palestinien. Face à cela, vous avez le Fatah qui renvoie à l’OLP, l’autorité palestinienne qui a reconnu depuis de nombreuses années l’État d’Israël, et qui est prêt à négocier sur cette base-là. Mais il y a aussi le Hamas, qui a une position beaucoup plus radicale et qui rejette ce qu’il considère comme l’entité sioniste. Le Hamas souhaite aussi marquer assez durement son existence, comme il le fait actuellement avec ses tirs de roquette".

Le Hamas, organisation terroriste ?

L’Union européenne et les États-Unis qualifient le Hamas d’organisation terroriste. Mais pour François Dubuisson, il existe un jeu politique derrière cette qualification : cela serait une manière de délégitimer un acteur. "Il est clair que le Hamas a une nature assez radicale dans ses positions, mais si l’on se tourne vers le côté israélien, on observe aussi des mouvements très extrémistes, alliés avec Netanyahou. En outre, plusieurs dirigeants de l’État d’Israël étaient eux-mêmes issus de groupes terroristes avant la création de cet État d’Israël. En réalité, chacun des deux camps se fait le même reproche.

Régime d’apartheid contre les Palestiniens ?

François Dubuisson explique que sur le terrain comme dans un certain nombre de lois israéliennes, on constate un système de discrimination à l’encontre des Palestiniens, en particulier dans les territoires occupés : à Jérusalem Est, à Gaza, mais aussi en Israël. "Des organisations israéliennes des droits humains notamment B’Tselem ont sorti un rapport, il y a quelques semaines, qui conclut à la notion d’apartheid. D’autre part, l’organisation Human Rights Watch est arrivée à la même conclusion récemment. Il s’agit là d’un élément essentiel du conflit que nous connaissons actuellement".

Quelle solution diplomatique ?

Au niveau diplomatique, il semble qu’on se dirige vers un enlisement. A l’ONU, rien ne bouge : le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui sa quatrième réunion en urgence depuis huit jours, sans parvenir à produire de déclaration commune. Au niveau européen, la question divise de plus en plus, explique François Dubuisson, notamment avec l’arrivée des pays de l’Est dans l’Union qui, ces derniers temps, se sont rapprochés d’Israël. "En fait, les États-Unis ont un rôle crucial à jouer comme alliés des Israéliens. On sait que concrètement, la solution doit passer par un changement de politique des États-Unis. Joe Biden en reste à ce que l’on a souvent connu, c’est-à-dire une alliance légèrement critique vis-à-vis d’Israël. Il n’y a donc aucune raison d’être très optimiste de ce côté-là.
Pour Elena Aoun, le conflit n’est en tout cas pas une fatalité : "Tout dépend des choix posés par des acteurs politiques : au premier plan, les Israéliens et les Palestiniens. Selon moi, Israël, vu sa position dominante, dispose d’un éventail de choix pour dégager une solution. La communauté internationale a cependant le devoir de s’impliquer".

Conflit israélo-palestinien: JT 18/05/2021

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