Contaminations et admissions en hausse malgré la vaccination : pas de confinement mais bien la stratégie du "fromage belge"

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Malgré un taux de vaccination parmi les meilleurs au monde, la Belgique est aussi aujourd’hui aussi un des pays où le virus circule le plus. Avec des conséquences moindres au niveau des décès et des hospitalisations que lors de la deuxième vague, à la même époque l’an dernier, mais suffisamment embêtantes pour que de nombreux médecins lancent un cri d’alarme sur les effets des malades du Covid sur notre système de soins.

Avec un nombre un peu inférieur de contaminations par habitant, les Pays-Bas viennent de décider un confinement partiel pour trois semaines. Et avec un nombre similaire, l’Autriche a elle fait le choix de confiner… les non-vaccinés.

Une situation qui pose des questions : faut-il parler d’échec de la vaccination en Belgique ? Et pourquoi ne prend-on pas de mesure plus forte dans notre pays, comme un confinement ?

Le commissaire Corona a répondu partiellement à ces questions dans un fil Twitter cette semaine : non, la vaccination n’est pas un échec, elle permet de fortement limiter cette quatrième vague de contaminations au niveau des cas graves et des décès. Mais elle ne suffit pas à contrôler la transmission du virus dans notre pays.

La Belgique n’envisage pas de confinement pour autant, elle mise plutôt sur une stratégie où la vaccination n’est qu’UN des éléments de protection parmi une série d’autres comme les gestes barrière, le port du masque, la ventilation… Une stratégie connue comme celle du "fromage suisse" parmi les scientifiques, et qu’on voudrait donc décliner en "fromage belge"…

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"La situation de l’épidémie n’est pas bonne, résume Pedro Facon sur Twitter. Une résurgence à l’automne/hiver était attendue, mais la circulation du virus est très élevée – plus élevée que prévu – impactant la charge hospitalière, qui augmente également plus rapidement que prévu. Que penser, que faire ?

1) Depuis mai, nous sommes passés progressivement d’une gestion de crise aiguë à une gestion durable des risques. S’en tenir à la stratégie. Alors plutôt que des fermetures réactives, des restrictions d’activité, des confinements, il faut travailler sur les flotteurs et les lignes de défense.

2) Le nombre et la nature de nos contacts détermine la trajectoire de la courbe de l’épidémie. Rendre sûrs mais aussi limiter les contacts est nécessaire dans le contexte actuel pour aplatir la courbe et la faire redescendre. Non seulement à travers les personnes âgées et vulnérables à risque, mais aussi à travers l’ensemble de la population, par exemple via le télétravail. Je ne prône pas le télétravail obligatoire, mais une "recommandation forte" devrait être concrétisée par les partenaires sociaux. Aux Pays-Bas, la recommandation est " au moins la moitié du temps de travail ". NB : à Bruxelles, la mobilité professionnelle est actuellement la plus élevée depuis le début de la pandémie

3) La transition vers la gestion des risques a toujours été conditionnée par les lignes de défense. Toutes sont importantes : la vaccination – un outil puissant, mais pas parfait – ; les mesures préventives dans le domaine de la qualité de l’air, les masques buccaux et la distanciation sociale ; le testing/isolation/quarantaine… isolement et quarantaine, suivi des contacts. Ces défenses ne sont pas une option, elles sont une condition. Étant donné qu’il n’y a pas d’instruments parfaitement sûrs (aucun !), ce n’est ni l’un ni l’autre, mais un combo/mix ! Le modèle du fromage suisse.

4) Enfin, c’est un problème social que nous devons gérer ensemble. Ce ne sont pas les actifs contre les personnes âgées ou les enfants. Ce n’est pas la jeunesse de l’école primaire contre le reste de la société. Nous devrons tous faire un effort. Travail, éducation, jeunesse, citoyens."

 

C’est quoi, le modèle du fromage suisse ?

Le modèle Covid du fromage suisse est censé répondre aux remarques du genre "Vous avez vu, on a fermé les coiffeurs, et pourtant, les contaminations n’ont pas diminué".

Il est inspiré du travail James T. Reason, un psychologue cognitif de Manchester, dans son livre de 1990, " Human Error ", qui présente un "modèle d’accidents du fromage suisse ", avec les trous dans les tranches de fromage représentant des erreurs qui s’accumulent et conduisent à des événements indésirables. Le professeur Ian M. Mackay, virologue à l’Université du Queensland, en Australie, l’a adapté en 2020 en "Swiss Cheese Respiratory Pandemic Defense", et l’a adapté avec sa communauté au fur et à mesure des découvertes scientifiques.

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Le principe de ce modèle, c’est de dire qu’AUCUNE mesure ne suffit à elle seule à éradiquer le virus, chaque tranche a des trous, comme le fromage suisse, mais en les multipliant (tests, distanciation, masques, et désormais vaccination), on diminue au fur et à mesure le risque que le virus passe à travers ces trous, au point de rendre ce risque quasi nul.

L’erreur qui a été commise par les politiques, soulignent aujourd’hui de nombreux experts, c’est de "vendre" le retour à toutes nos libertés avec la seule vaccination. Le hic, c’est que même efficace, celle-ci a ses trous :

  • un effet limité sur la transmission : il y a un effet de la vaccination sur la transmission. Il est estimé en moyenne à 50%. C’est un énorme trou, ça veut dire que 1 contamination sur 2 y échappe ! Et de plus, cet effet semble encore s’amenuiser avec le temps depuis lequel on a reçu la deuxième dose de vaccin.
  • un impact important mais pas absolu sur les cas graves : le vaccin protège mieux contre les cas graves. Mais même l’efficacité annoncée de 90% signifie qu’on réduit le risque de 90% par rapport à un non-vacciné, il ne garantit pas qu’il n’y aura aucun cas grave. Là aussi, il reste au moins un dixième de la tranche avec des trous. Voire un peu plus avec le variant delta, et avec une efficacité du vaccin qui là aussi diminue un peu avec le temps.

C’est pourquoi les experts préconisent désormais le port du masque lors d’événements avec Covid safe Ticket : en combinant l’effet du vaccin et/ou des tests et le masque, on superpose deux couches de protection, et les "trous" par lesquels peut passer le virus sont très fortement réduits.

A noter que des chercheurs français ont eu l’idée de rajouter la "souris de la désinformation", qui en mettant en doute les mesures-tranches de fromage, grignotent la protection qu’elles apportent.

Le modèle du fromage belge

Le confinement est une tranche de fromage qui comporte peu de trous : s’il est suffisamment long et strict, le fait de couper tout contact empêche évidemment au virus de se transmettre au-delà des foyers. Mais elle est lourde de conséquence pour l’économie et le moral des citoyens, raison pour laquelle les autorités veulent tout faire pour l’éviter.

Le "Covid Safe Ticket", bien utilisé, est une couche utile. Mais les experts estiment que vu le niveau actuel des transmissions dans notre pays, il faut en ajouter plusieurs pour former notre fromage belge :

  • le télétravail : au moins à 50%, qui limite les contacts.
  • le masque lors de gros événements, même avec CST
  • des tests, même pour les vaccinés, lors d’événements où la distanciation est impossible
  • le masque en école primaire aussi

Et c’est uniquement la combinaison de ces couches, qui ajoutées au vaccin, et aux autres mesures (hygiène, tracing, ventilation…) permettraient à notre pays de s’en sortir sans trop de dommage dans nos hôpitaux…

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