COP27

COP27 : un accord pour réparer le mal, plus que pour le prévenir ?

La Cop27 s’est achevée sur un accord

© AFP or licensors

Les négociateurs de la COP27 sont arrivés à un accord au petit matin, après de longues et laborieuses tractations. C’est un accord adopté par près de 200 pays. Les premières réactions des pays participants à cette 27e conférence des Nations unies sur le climat sont très diverses : certains saluent une avancée historique, d’autres déplorent un texte préoccupant parce qu’insuffisant. Les deux s’expliquent.

Un fonds pour réparer les dommages du changement climatiques dans les pays les plus touchés

Pour comprendre ce qui suscite l’enthousiasme ce dimanche, il faut jeter au coup d’œil au point 6 de la dernière version de l’accord, un chapitre approuvé au petit matin, sous des applaudissements fatigués.

Ce point 6 s’appelle "loss and damage", en français "pertes et dommages".

Il instaure un fonds pour aider les pays en voie de développement les plus touchés par le changement climatique à en payer les dommages : dégâts, moindres récoltes, déplacements de la population, etc. Le Pakistan est un exemple : les inondations meurtrières qui ont ravagé un tiers du territoire pakistanais cette année et ont fait des millions de sinistrés ont coûté… 30 milliards de dollars, selon une estimation de la Banque mondiale.

Une école inondée au Pakistan, dans la province de Sindh, en octobre dernier. 27.000 écoles pakistanaises auraient été touchées par l’inondation.
Une école inondée au Pakistan, dans la province de Sindh, en octobre dernier. 27.000 écoles pakistanaises auraient été touchées par l’inondation. © AFP

Ce fonds répond aussi à un constat d’injustice, dénoncé depuis 30 ans par des Etats du sud : certains de ces pays sont plus impactés que ne l’est la Belgique, par exemple, tout ayant moins contribué aux émissions à l’origine du changement climatique.

Au micro de notre envoyée spéciale de la RTBF, Sophie Brems, l'ambassadrice de la Barbade Elizabeth Thompson explique toute l'importance de cette conclusion pour son pays: 

"C’est un immense sentiment de soulagement… Clairement, il y avait des points autour desquels la tension était tellement grande que beaucoup ont pensé que nous n’aurions aucun résultat. Or nous avons atteint une conclusion, même si cela a pris autant de temps et même si nous, les petits états insulaires en développement, nous pensons que le processus n’a pas été idéal. Nous sommes reconnaissants qu’après tout ce temps, quelque chose lié aux 'pertes et dommages' figure enfin, formellement et clairement, dans un document final et qu’on puisse commencer à travailler sur cette base et le faire avancer." 

L'ambassadrice de la Barbade résume encore:

"C'est à la fois du soulagement, de la reconnaissance et une anticipation de la prochaine bataille qui va se présenter".

Elizabeth Thompson poursuit: "Clairement, ‘le compromis n’est pas le confort’… Nous avons un résultat, mais ce n’est un résultat idéal: c’est une base sur laquelle nous pouvons travailler".  

La réaction d'Elizabeth Thompson, ambassadrice de la Barbade, à l'accord de la COP27

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Cette décision de créer ce fonds, qualifiée d'"historique", est commentée avec une part de prudence également, comme le formule sur Twitter le climatologue belge Jean-Pascal Van Ypersele présent ce dimanche matin à Sharm El Sheikh :

"La création d’un nouveau fonds spécifique consacré aux pertes et dommages est un résultat très positif de la COP27. […] Mais des accords de financement sans fonds sont inutiles. Le fonds créé ne répondra pas aux besoins des milliards de personnes qui seront touchées par les effets du changement climatique s’il reste une boîte vide" commente le climatologue. Il ajoute : "Lorsqu’on constate que l’engagement pis à Copenhague en 2009 par les pays développés de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement à partir de 2020 n’a toujours pas été respecté, il faudra vérifier attentivement que ce nouveau fonds est effectivement et suffisamment alimenté".

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Qui alimentera ce fonds ? À quelle hauteur ? Quels en seront les pays contributeurs, les pays bénéficiaires et selon quels critères ? Ces éléments à affiner seront déterminants pour mesurer la portée de cette avancée.

Le représentant de l’Alliance des petits Etats insulaires, touchés par une montée des eaux, exprime aussi un mélange d’enthousiasme et de critique, avec une métaphore : "Ce fonds doit devenir le canot de sauvetage face à l’ouragan qui se prépare".

Parce que c’est bien cette critique-là qui fuse ce matin : l’accord avance sur ce volet "bouée"… Mais quelle réponse "à la source" du problème ?

Réparer la casse, plus que prévenir ?

Imaginez deux personnes dans une pièce fermée, dont un fumeur qui enchaîne les cigarettes. On peut décider de soigner leurs bronches, tout en sachant que les affections seront de plus en plus importantes et les remèdes de plus en plus coûteux au fil des cigarettes. On peut aussi décider d’aider le fumeur à arrêter de fumer.

Les premières critiques pointent l’insuffisance de cet accord à limiter le problème à la source. Cette COP n’a pas relevé l’ambition, formulée lors de la dernière conférence à Glasgow, de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.

"Trop de parties ne sont pas prêtes à faire des efforts accrus, certains ont même voulu revenir en arrière par rapport au pacte de Glasgow" a ainsi commenté Frans Timmermans, le Commissaire européen en charge des politiques climatiques.

Quant à la proposition d’inclure au texte l’ambition de sortir des énergies fossiles, elle n’a pas été retenue. Le texte, au point 3, se contente de souligner l’importance de progresser vers un bouquet énergétique "propre, incluant des énergies à basses émissions et des énergies renouvelables".

Plus de 600 lobbyistes des énergies fossiles étaient à Sharm El Sheikh. Est-ce un signe de leur travail soutenu ? Le mot "pétrole", source majeure de CO2, n’apparaît pas dans ce document final.

En sera-t-il autrement à la COP28, prévue fin 2023, aux Emirats arabes unis ?

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Journal télévisé du 20/11/2022

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