Une réunion de crise s’est tenue ce vendredi à Staden (Flandre occidentale) pour faire le point sur les cas de contamination au coronavirus apparus parmi les travailleurs de l’entreprise de transformation de viande Westvlees. A ce jour, 67 cas de contamination sont confirmés. A l’issue de la réunion, le bourgmestre, Francesco Vanderjeugd (Open Vld) a décidé de rendre le masque obligatoire dans l’espace public de sa commune.
Mardi, les premiers cas sont apparus. Mercredi, 225 travailleurs du département le plus touché ont été mis en quarantaine et ont été testés. Depuis, la contamination a pris de l’ampleur. Ce sont désormais 67 personnes qui sont concernées. Sur les 67 travailleurs de l’entreprise Westvlees contaminés, 48 sont originaires de 9 communes situées dans la Province de Flandre occidentale. 19 viennent de Wallonie ou du nord de la France. C’est ce que l’Agence flamande de la Santé a communiqué ce vendredi midi, lors d’une conférence de presse organisée en présence des autorités locales, provinciales et de la direction de l’entreprise.
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L’origine de ces nombreuses contaminations est encore inconnue. Une hypothèse est la proximité avec le département français du Nord, d’où viennent une partie des travailleurs de Westvlees. Le Nord était, il y a peu classé en "orange" par les autorités. On ignore si la circulation des travailleurs de part et d’autre de la frontière a joué un rôle dans la contamination. Pour le responsable de l’entreprise, Manuel Goderis, "le système de refroidissement peut aussi être un facteur qui a joué".
La gouverneur de la Province de Flandre occidentale, Anne Martens, préviendra les autorités françaises de l’existence de cas de contamination chez des travailleurs français.
Un atelier fermé et des tests organisés
A Staden, l’atelier de découpe a été fermé et ses activités transférées vers d’autres usines du groupe. En revanche, le reste de l’entreprise est toujours en activité. "Une fermeture n’est pas à l’ordre du jour", a dit le bourgmestre, Francesco Vanderjeugd. Les salariés de l’atelier de découpe et de l’emballage sont testés.
Il est prévu que la semaine prochaine, les travailleurs des autres départements soient aussi dépistés, soit 850 personnes au total, y compris celles qui étaient absentes ces derniers jours.
Dans l’urgence, par précaution, le bourgmestre impose le port du masque sur le domaine public de la commune.
De nombreux foyers de Covid-19 étaient apparus dans les abattoirs en Allemagne au printemps
Ces cas de contamination par dizaines dans une même entreprise du secteur de la viande font écho aux nombreux foyers détectés au printemps dans plusieurs entreprises du même secteur et des abattoirs en Allemagne. Là-bas, les causes exactes des contaminations ne sont pas connues. Néanmoins, il est apparu que ces entreprises allemandes fonctionnaient avec beaucoup de travailleurs originaires d’autres pays, principalement de Roumanie. Ces travailleurs étaient logés dans d’anciennes casernes où les contacts et la promiscuité ont probablement favorisé la propagation du virus. Il y avait aussi pas mal de sous-traitance, d’intérim et de circulation des travailleurs entre les sites de production.
Des travailleurs roumains prestent aussi chez Westvlees à Staden, mais selon la FEBEV, la fédération belge du secteur de la viande, la situation est très différente de ce qu’elle était en Allemagne. "Ce genre de logement, comme en Allemagne n’existe pas chez nous. Ensuite, si on fait la comparaison avec ce qui se passe chez Westvlees, il n’y a pas lieu de parler de sous-traitance. Ce sont des personnes qui ont une relation directe avec l’employeur, ils ont un contrat. Ce sont des ouvriers qui travaillent en relation directe avec l’entreprise", explique Michael Gore, Administrateur délégué de la FEBEV.
Une argumentation qui rejoint les constats de l’AFSCA, amenée à communiquer le 24 juin dernier sur la situation dans les abattoirs et usines du secteur de la viande en Belgique, après les contaminations rencontrées en Allemagne : "Les conditions dans les abattoirs belges ne sont pas comparables à celles de l’Allemagne", pouvait-on lire. "Le problème actuel des abattoirs à l’étranger ne réside pas tant dans les entreprises elles-mêmes, mais dans la manière dont le transport et les conditions sociales (comme le logement) sont organisés. En Belgique, la FEBEV a également pris de bonnes dispositions pour organiser ces aspects. Leur contrôle ne relève pas de la compétence de l’AFSCA. Cependant, des contacts ont d’ores et déjà été pris auprès des autorités et services compétents afin de les sensibiliser sur ces points d’attention spécifiques", poursuivait l’AFSCA dans son communiqué.
Pour l’administrateur délégué de la FEBEV, le secteur belge de la transformation de la viande ne peut être comparé à son homologue allemand. Le fait qu’aucun foyer de Covid ne se soit déclaré au plus fort de la pandémie en serait un indice. "On a su gérer sans problème durant la pandémie quand on était en confinement", déclare Michael Gore.
A cause du déconfinement et des vacances ?
C’est vers les conditions du déconfinement au début de l’été qu’il faudrait, selon lui, se tourner pour comprendre ce qui se passe actuellement chez Westvlees à Staden. "Lors du déconfinement, les contacts se multiplient entre personnes. Un employeur peut contrôler les activités de l’opérateur au sein de son entreprise, 8 heures par jour. Pendant les autres 16 heures, on a aucune idée de ce qui se passe", explique-t-il.
Les départs en vacances et les retours en Belgique pourraient aussi avoir joué un rôle, selon la FEBEV : "Des gens sont partis en vacances, ils sont revenus, sans exigences particulières, la détermination des zones n’était pas encore claire. Le fait que ça change de jour en jour peut prêter à confusion. Il y a des gens qui ne se font pas tester parce qu’ils n’étaient pas au courant que c’était une zone rouge ou une zone orange et que le test était recommandé", explique Michael Gore qui se demande combien de travailleurs dans ce cas auront spontanément été se faire dépister.
Les systèmes de refroidissement et la ventilation, des vecteurs de contamination ?
C’est l’une des hypothèses émises dès les apparitions de foyers de contamination dans des abattoirs et des entreprises de transformation de viande en Allemagne. Le froid qui règne dans les abattoirs et ateliers de découpe, associé à une atmosphère humide pourrait être propice à la propagation du coronavirus. Dans les usines de découpe de viande, des jets d’eau sont utilisés régulièrement pour nettoyer. Cela peut contribuer à disséminer des particules infectées dans l’air. De plus, il semble que le coronavirus ait de meilleures chances de survie sur des surfaces humides et à faible température. Le fait que cet air circule via les systèmes de ventilation pourrait être un facteur d’accélération de la contamination. Autant d’hypothèses qui, à ce jour, n’ont pas été confirmées.
"Ce qui me préoccupe c’est qu’une personne scientifique nous dira qu’il n’y a jamais de risque zéro. Oui, il y a toujours un risque que le virus se propage par la ventilation, les chambres froides etc. Tout est possible. Mais jusqu’à présent, on n’a pas un risque calculé. Est-ce que c’est 1%, 20% ou 80% ? Si on connaissait un peu mieux comment le virus se propage dans ces environnements, on serait amenés à revoir la façon dont on s’organise quand on investit dans les systèmes de froid", ajoute Michael Gore, de la FEBEV.
Du côté de la FEBEV, on se dit prêt à faire de nouvelles recommandations aux entreprises du secteur, en fonction des développements de l’enquête chez Westvlees et de l’évolution des connaissances : "On attend les conclusions de l’enquête en cours au niveau de l’entreprise. Les résultats viennent de rentrer. On doit analyser les cas positifs par rapport à leur endroit de production, éventuellement voir les endroits communs pour bien déceler quels seraient les vecteurs de contamination. A base de cela, on fera des recommandations supplémentaires pour l’ensemble du secteur", conclut Michael Gore, l’Administrateur délégué de la FEBEV.