Peut-on éviter de nouvelles fermetures ? Voire un nouveau confinement comme en Autriche ? La question se pose alors que rien n’indique une baisse de la circulation du virus et que les hôpitaux se remplissent irrémédiablement. C’est surtout en Flandre que la question se pose et ce sont les gouverneurs qui sonnent le tocsin.
En Flandre, pour une raison que je ne m’explique pas bien, les gouverneurs et gouverneures pèsent politiquement plus que dans le Sud. Depuis le début de la crise sanitaire, ils et elles interviennent dans le débat public, ils ou elles décident aussi d’autorité de mesures pour leur province. Ils et elles se montrent plus interventionnistes.
C’est le cas mardi avec la gouverneure de la Flandre-Orientale, Carina Van Cauter: elle a interdit les fêtes et soirées privées qui ne sont pas encadrées par des professionnels pendant les quatre prochaines semaines. Il s’agit principalement des associations de jeunes ou des clubs sportifs.
Canari dans la mine
Carina Van Cauter, gouverneure de Flandre-Orientale sera peut-être le canari pour d’autres provinces. Car la situation épidémiologique n’est bonne nulle part, mais elle est encore plus mauvaise en Flandre qu’ailleurs. A l’exception du Brabant flamand, toutes les provinces flamandes affichent les taux d’incidences les plus élevés du pays, et aussi les taux d’augmentation les plus forts, ce qui veut dire que l’épidémie y est encore en expansion.
Alors que Bruxelles affiche une incidence de 1000 infections pour 100 000, la Flandre-Occidentale affiche un taux de 2300 infections pour 100 000. Avec une telle progression, les hôpitaux risquent d’être bientôt saturés rendant des mesures de fermetures inéluctables. Plusieurs experts parlent de jours et plus de semaines avant que ce point ne soit franchi. Et si la situation est moins mauvaise à Bruxelles et en Wallonie, elle est juste un peu moins mauvaise, le tocsin risque bien de sonner aussi dans le Sud.
Il y a eu une réunion de crise des gouverneurs en Flandre et leur message est double. D’abord, ils remarquent que de plus en plus d’écoles et d’entreprises ferment. Que le confinement semble s’imposer par le bas. Deux, ils demandent donc au Fédéral des mesures uniformes parce que le virus est partout, ce n’est pas une question de province. Donc plutôt que de multiplier les fermetures provinciales, ils demandent des décisions au niveau national.
Confinement national ?
Carina Van Cauter, gouverneure de Flandre-Orientale sera donc peut-être le canari dans la mine. Plusieurs experts (Erika Vlieghe, Geert Molenberghs…), des professionnels de soins de santé avaient prévenu que les mesures décidées lors du dernier Codeco ne suffiraient pas. Le ministre fédéral de la Santé lui-même s’est plaint publiquement de ne pas avoir été suivi par les autres partis au pouvoir au Fédéral et dans les Régions.
Frank Vandenbroucke est pessimiste et prépare l’opinion à la possibilité de nouvelles fermetures. Si elles ont lieu ce sera sans doute les bars, le monde de la nuit, les évènements, une restriction aussi des contacts, le retour d’une bulle par ménage. Tout ça est sur la table, car la situation est telle que l’injection massive d’une troisième dose à la population ne sera plus assez rapide pour faire face à la vague actuelle.
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La décision politique sera immensément compliquée à prendre, surtout vu le contexte de tensions suscitées déjà par le seul Covid Safe Ticket qui a rassemblé 35 000 personnes à Bruxelles. Immensément compliquée quand on voit comment le retour de fermetures a mis le feu aux Pays-Bas et en Autriche. Au sein des différents gouvernements, un certain fatalisme s’est installé. Comme l’année passée les principaux responsables (sauf Frank Vandenbroucke) préfèrent attendre le tout dernier moment pour ne pas susciter de l’incompréhension. "La population n’est pas prête à accepter ça maintenant", me confie un ministre.
Sens du tragique
Cela revient à considérer l’hôpital comme la seule variable d’ajustement. Cela revient à pousser le personnel des soins de santé dans leurs derniers retranchements avec l’objectif à peine avoué de susciter une dramatisation et une prise de conscience dans l’opinion.
Une opinion qui pourrait alors assumer alors des mesures difficiles. C’était le scénario, tragique, de la deuxième vague de l’année passée.
A l’époque, alors qu’il était très probable qu’on se prendrait le mur de la saturation hospitalière, un président de parti m’avait confié : "Il n’y a pas assez de morts pour justifier un confinement". La décision d’un confinement avait donc été prise au pied du mur. Les scénaristes ne se sont pas foulés pour la deuxième saison. Et le mur se rapproche.