L’inculpation de l’ancienne ministre française de la Santé Agnès Buzyn pour sa gestion du début de l’épidémie de Covid-19 suscite un profond malaise dans la classe politique française. "Chasse aux sorcières", "précédent dangereux", "paralysie des pouvoirs publics", entend-on. Les responsables politiques s’inquiètent de la possibilité de voir leurs décisions sanctionnées un jour par la justice.
En France, une instance spéciale est chargée des poursuites contre les responsables politiques dans l’exercice de leurs fonctions, la cour de Justice de la République. Cette CJR a reçu as moins de 14.500 plaintes liées à la gestion de l’épidémie. La plupart ont été écartées, mais une enquête a été ouverte sur base d’une quinzaine de plaintes. Plusieurs perquisitions ont été menées depuis un an.
Vendredi, Agnès Buzyn a été mise en examen pour "mise en danger de la vie d’autrui" et placée sous statut de témoin assisté pour "abstention volontaire de combattre un sinistre".
Que reproche la justice française à l’ancienne ministre ?
Il y a d’abord les contradictions de la ministre qui, en janvier 2020, a tenu publiquement des propos rassurants alors qu’elle a reconnu plus tard être consciente de la catastrophe qui s’annonçait. "Les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles", affirmait Agnès Buzyn le 24 janvier. Or, elle a reconnu plus tard avoir alerté l’Elysée et Matignon dès janvier sur le danger potentiel du coronavirus.
Agnès Buzyn quitte le gouvernement mi-février pour briguer sans succès la mairie de Paris. "Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous", a-t-elle alors confié au Monde.
Pénurie de masques
Au-delà de la minimisation publique du danger, la CJR enquête sur les manquements en matière de matériel de protection. Tout comme la Belgique, la France avait réduit son stock de masques buccaux, sans tenir compte des recommandations officielles. Les réserves étaient passées de 1,5 milliard de masques à une centaine de millions. Et une partie des masques disponibles n’auraient pas été distribués à la population.
La Cour vise "l’absence de constitution de réserves de matériel de protection, le défaut de commandes immédiates et en nombre suffisant, les éventuels retards dans la prise de décision en matière sanitaire". D’autres mises en examen pourraient suivre à ce sujet : l’actuel ministre de la santé Olivier Veran et l’ex-Premier ministre Edouard Philippe pourraient être convoqués.