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Coronavirus en France: l’inculpation de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn inquiète les élus de la majorité

L’ancienne ministre française de la Santé Agnès Buzyn à son arrivée à la cour de Justice de la République, le 10 septembre.

© Lucas BARIOULET / AFP

L’inculpation de l’ancienne ministre française de la Santé Agnès Buzyn pour sa gestion du début de l’épidémie de Covid-19 suscite un profond malaise dans la classe politique française. "Chasse aux sorcières", "précédent dangereux", "paralysie des pouvoirs publics", entend-on. Les responsables politiques s’inquiètent de la possibilité de voir leurs décisions sanctionnées un jour par la justice.

En France, une instance spéciale est chargée des poursuites contre les responsables politiques dans l’exercice de leurs fonctions, la cour de Justice de la République. Cette CJR a reçu as moins de 14.500 plaintes liées à la gestion de l’épidémie. La plupart ont été écartées, mais une enquête a été ouverte sur base d’une quinzaine de plaintes. Plusieurs perquisitions ont été menées depuis un an.

Vendredi, Agnès Buzyn a été mise en examen pour "mise en danger de la vie d’autrui" et placée sous statut de témoin assisté pour "abstention volontaire de combattre un sinistre".

Que reproche la justice française à l’ancienne ministre ?

Il y a d’abord les contradictions de la ministre qui, en janvier 2020, a tenu publiquement des propos rassurants alors qu’elle a reconnu plus tard être consciente de la catastrophe qui s’annonçait. "Les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles", affirmait Agnès Buzyn le 24 janvier. Or, elle a reconnu plus tard avoir alerté l’Elysée et Matignon dès janvier sur le danger potentiel du coronavirus.

Agnès Buzyn quitte le gouvernement mi-février pour briguer sans succès la mairie de Paris. "Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous", a-t-elle alors confié au Monde.

Pénurie de masques

Au-delà de la minimisation publique du danger, la CJR enquête sur les manquements en matière de matériel de protection. Tout comme la Belgique, la France avait réduit son stock de masques buccaux, sans tenir compte des recommandations officielles. Les réserves étaient passées de 1,5 milliard de masques à une centaine de millions. Et une partie des masques disponibles n’auraient pas été distribués à la population.

La Cour vise "l’absence de constitution de réserves de matériel de protection, le défaut de commandes immédiates et en nombre suffisant, les éventuels retards dans la prise de décision en matière sanitaire". D’autres mises en examen pourraient suivre à ce sujet : l’actuel ministre de la santé Olivier Veran et l’ex-Premier ministre Edouard Philippe pourraient être convoqués.

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Si bien que la majorité gouvernementale exprime sa solidarité avec l’ancienne ministre désormais inculpée. "Agnès Buzyn a fait tout ce qu’elle pouvait et sans doute plus pour nous protéger face à la pandémie qui débutait. Elle a tout mon soutien et toute mon amitié", tweete Roland Lescure, porte-parole de La République en Marche, la formation du président Macron.

"Si les Français considèrent qu’un gouvernement a insuffisamment agi, n’a pas obtenu les résultats escomptés, n’a pas pris les orientations souhaitées : cela se sanctionne dans le cadre des élections. Ça ne se règle pas au tribunal", renchérit la députée Aurore Berger, qui craint "un précédent dangereux".

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"Je ne connais pas d’autre pays, pas de précédent dans lequel vous avez un membre du gouvernement qui est mis en cause pour la gestion de la crise, poursuit son collègue Sacha Houlié. Alors, que vous savez qu’il y a des personnes qui, par leurs décisions explicites, ont pu mettre en danger leur population", en citant Donald Trump et Jaïr Bolsonaro.

Le Premier ministre Jean Castex a fini par intervenir lui-même : "Il faut à tout prix éviter que la paralysie guette l’action des pouvoirs publics au moment ou, au contraire, on a besoin des décisions pour faire face à des crises".

"Au suivant"

Dans l’opposition, certains ont applaudi l’action de la justice, comme Florian Philippot, chef de file des Patriotes et ex-numéro 2 du Front national, qui a tweeté : "Maintenant, au suivant !".

D’autres font preuve de plus de réserve. Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, estime sur France Info que ce n’est pas "dans les tribunaux qu’on va régler les problèmes".

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JT du 10/09/2021

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