Après deux semaines de confinement léger, l’île de la Martinique entre dans une phase plus stricte. Sur décision du préfet, à partir de ce mardi soir, les commerces non alimentaires, sites culturels et de loisirs et plages ferment pour une durée de trois semaines et les déplacements sont limités à un kilomètre du domicile au lieu de dix, sauf motif impérieux. Les touristes sont invités à quitter l’île. Des renforts sont envoyés depuis la France.
Un confinement léger peu efficace
La Martinique, comme sa voisine La Guadeloupe fait face à une violente flambée de cas Covid. La situation se dégrade fortement depuis quelques semaines à cause de la propagation du variant Delta, une souche du coronavirus plus contagieuse que celles détectées jusque-là.
De plus, les effets du confinement léger décrété fin juillet semblent insuffisants : un couvre-feu de 20 heures à 5 heures du matin et une limitation des déplacements à 10 km autour du domicile…
Une première phase du confinement annoncée fin juillet qui avait été suivie de heurts entre des manifestants et les forces de l’ordre en Martinique mais aussi en Guadeloupe voisine.
Une population réfractaire à la vaccination
Et surtout moins de 20% de la population martiniquaise de plus de 12 ans est intégralement vaccinée, 22% de la population a reçu une première dose : nettement en dessous de la moyenne française de 56%. La population antillaise se montre particulièrement sceptique vis-à-vis du vaccin contre le Covid-19.
Il y a cela des raisons historiques et culturelles : un passé colonial qui complique la relation avec la Métropole, une population proche de la nature et aussi le scandale de la chlordécone, un pesticide pour les cultures de bananes hautement cancérigène interdit depuis longtemps aux Etats-Unis, seulement en 1990 par la France, mais encore utilisé jusqu’en 2004 par les planteurs de bananes. Un contentieux encore présent dans les mémoires des victimes et de leur famille et un manque de confiance amplifié par les réseaux sociaux.
S’il le faut en Martinique, on prendra le coutelas ! On va pas laisser nos enfants se faire vacciner
Des Martiniquais ne mâchent pas leurs mots : "Macron a dit que nous sommes en guerre, et nous en Martinique nous lui disons que nous sommes en légitime défense. Et que son vaccin de m… nous n’en voulons pas !"
Une mère déclare : "Et s’il le faut en Martinique, on prendra le coutelas ! On va pas laisser nos enfants se faire vacciner."
Même des médecins et des infirmières refusent la vaccination pourtant obligatoire pour leur profession.
Hôpitaux saturés, des choix en réanimation
C’est donc la quatrième vague. Avec un taux d’incidence hebdomadaire de 1166 nouvelles contaminations pour 100.000 personnes et 331 patients hospitalisés, dont 49 en réanimation. La Martinique est passée de 410 cas le 6 juillet à 4171 la première semaine d’août, et 35 décès. En quatre semaines, 350 personnes ont été hospitalisées.
"Il faut comprendre que nous accueillons au moins 15 patients chaque jour : c’est l’équivalent d’une unité d’hospitalisation de médecine", explique Jérôme Viguier, le directeur général de l’ARS.
On est en tension extrême : presque la moitié de l'hôpital travaille à la prise en charge des patients Covid
Les capacités hospitalières locales sont saturées. Benjamin Garel directeur du CHU de Martinique expliquait sur France info ce mardi matin que son personnel soignant est désormais obliger de choisir qui mettre en réanimation : "On est en situation de tension extrême (...) et presque la moitié de l'hôpital travaille à la prise en charge des patients Covid. On est à saturation complète parce qu'à peu près la moitié des patients dans la précédente vague auraient relevé de la réanimation et aujourd'hui, on n'est pas capable de les prendre en réanimation". Le tiers des patients qui s'y trouvent sont des jeunes entre 19 et 35 ans.
Il faut aussi déprogrammer certaines interventions non urgentes, ouvrir de nouveaux lits. Pour cela, le ministère des Armées a déployé un module militaire de réanimation de cinq lits la semaine dernière et plusieurs évacuations sanitaires de patients vers la métropole ont déjà eu lieu.
Un appel a été lancé par le ministre de la Santé, Olivier Véran au personnel médical français volontaire pour partir en Martinique ou en Guadeloupe. Le message s’adresse aux médecins anesthésistes, réanimateurs, urgentistes, infectiologues, infirmiers, notamment de réanimation, ou encore aides-soignants. Le ministre précise que l’Etat prendra en charge les frais de déplacement et d’hébergement et qu’il y aurait une "rémunération à la clé".