Belgique

Coronavirus : faut-il s’inquiéter des différences du taux de mortalité en hôpital entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles ? La nuance s’impose

© Cristian Abarca

La probabilité qu’un patient meure du Covid-19 est-elle plus importante si l’unité de soins intensifs se trouve dans un hôpital wallon, voire du Hainaut ? La réponse à cette question appelle à la nuance alors que le député N-VA au Parlement flamand Lorin Parys pointe de "fortes disparités régionales" et réclame une commission indépendante "pour tirer les bonnes leçons de cette crise sanitaire et savoir si chaque patient s’est retrouvé dans le bon lit".

L’épouvantail des données brutes

Selon le député nationaliste flamand, si l’on considère la période allant de mars 2020 au 15 juin 2021, 16,5% des patients hospitalisés en Flandre sont morts du Covid-19 alors qu’ils étaient 20,4% en Wallonie et 18,8% à Bruxelles.


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Cette disparité régionale se creuse si l’on considère le nombre de patients Covid-19 décédés en unités de soins intensifs, avec un taux de mortalité de 30,6% en Flandre, de 40,9% en Wallonie et de 39,6% à Bruxelles. Selon Lorin Parys, "les différences entre régions et hôpitaux sont trop fortes pour ne pas analyser le phénomène".

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Contextualiser les données

A la lecture des données brutes, des différences existent bel et bien entre provinces et interpellent. Il ne s’agit ni de les cacher ni de les minimiser mais elles doivent être contextualisées car la réalité de la Flandre orientale n’est pas celle du Hainaut ou du Limbourg. Le chef du service Aide urgente au SPF Santé publique, Marcel Van der Auwera, ne disait pas autre chose le 28 juin dernier, devant la commission spéciale chargée d’examiner la gestion de l’épidémie de Covid-19 par la Belgique, dont la vidéo est disponible sur le site de la Chambre en cliquant ici :

"Si un patient décède dans un hôpital et que les parents demandent au médecin comment cette personne est décédée, même pour ce patient, avec une connaissance approfondie du dossier, peut-être même avec une autopsie, il n’est pas toujours possible d’expliquer pourquoi il est mort", a commenté Marcel Van der Auwera fin juin. "Ici, nous avons affaire à plusieurs milliers de décès, pour lesquels je n’ai pas tous les détails. Il est donc très difficile de tirer des conclusions, dossier par dossier, hôpital par hôpital, province par province".

Les données par province

Selon les données du SPF santé publique, le nombre de personnes mortes du Covid-19 en soins intensifs varie par province :

  • Flandre orientale 27% ;
  • Brabant flamand 28% ;
  • Brabant wallon : 30% ;
  • Limbourg : 30% ;
  • Anvers : 30% ;
  • Namur : 40% ;
  • Bruxelles : 40% ;
  • Hainaut 42% ;
  • Flandre occidentale : 42% ;
  • Liège 45%.

A la lecture de ces indicateurs, il ressort que les provinces wallonnes présentent des résultats interpellants si on les compare à ceux de Flandre orientale ou du Brabant flamand. Mais comparaison n’est pas raison. Ainsi, si l’on met en parallèle les taux de morbidité dans les hôpitaux du Hainaut ou de la province de Liège, respectivement de 42% et 45%, avec celui de Flandre occidentale, ils sont certes élevés… mais celui de Flandre occidentale est également de 42%.

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Lier le volume des contaminations, les lits en soins intensifs et les décès

Premier élément d’explication : en chiffres absolus, le nombre de décès Covid-19 dans les hôpitaux, par province, est lié au nombre de contaminations par province (surtout à l’époque où on ne parlait pas encore de vaccination). Autrement dit, plus une province comptabilise de contaminations, plus elle risque de comptabiliser des décès, ce qui s’est produit à Bruxelles, en Hainaut ou à Liège, en orange foncé dans la carte ci-dessus. Inversement, les deux provinces de Brabant, wallon et flamand, présentent un taux moindre, avec respectivement 30% et 28% de personnes atteintes du Covid-19 décédées en soins intensifs.


►►► À lire : Plus on ajoute de lits en soins intensifs, plus le risque de mortalité est élevé


C’est d’autant plus vrai qu’il y avait plus de patients Covid-19 dans certains hôpitaux lors des deux premières vagues, certains ayant dû ajouter des lits en soins intensifs. Or, selon une étude réalisée par la Société Belge de Médecine Intensive et le Groupe Collaboratif Belge sur la Surveillance Hospitalière du Covid-19, plus il y avait de cas Covid-19, plus le risque de saturation des lits était grand. Autrement dit, plus on ajoute de lits de soins intensifs, plus le risque de mortalité est élevé chez les patients atteints de Covid-19, par manque de personnel qualifié.

Les données des deux Brabants sous-évaluées

Lors de sa présentation du 28 juin devant la commission spéciale du parlement, le chef du service Aide urgente au SPF Santé publique, Marcel Van der Auwera, a insisté à plusieurs reprises sur un autre biais présent dans les chiffres bruts : les données Covid-19 des deux Brabants sont sous-estimées. Un hôpital du Brabant wallon appartient en effet à un groupe dont le siège est à Bruxelles et ses patients Covid sont dès lors comptabilisés à Bruxelles. De nombreux patients brabançons wallons se font par ailleurs soigner dans les hôpitaux bruxellois.

Le même constat est réalisé dans le Brabant flamand : de nombreux habitants de la périphérie flamande de Bruxelles préfèrent se rendre dans les hôpitaux bruxellois. C’est le cas d’Overijse où la moitié de la population se fait soigner à Bruxelles et l’autre à Leuven. A Ruisbroek encore, la population est partagée entre l’hôpital de Halle et celui d’Erasme à Anderlecht ou plus largement à Bruxelles… De quoi gonfler, de part et d’autre de la frontière linguistique, les données de la Région Capitale (patients, décès…) mais difficile de connaître précisément le poids de ces pratiques dans les chiffres du Covid-19.

Total cumulé des décès Covid-19 en Belgique
Total cumulé des décès Covid-19 en Belgique © Sciensano

Plus de morts du Covid-19 en maisons de repos en Flandre

Un autre élément vient expliquer le nombre moins important de patients Covid-19 décédés dans les hôpitaux en Flandre. Le coronavirus a tué de nombreuses personnes âgées, surtout lors des deux premières vagues. Comme on peut le lire dans le tableau ci-dessus publié par l’Institut de santé publique Sciensano, 66% de ces personnes sont mortes à l’hôpital et 33% en maisons de repos en Wallonie alors qu’elles étaient 55% à mourir à l’hôpital… et 44% en maisons de repos en Flandre.

Pour le directeur médical du Grand Hôpital de Charleroi, Manfredi Ventura, "Il y a plus de patients qui sont morts dans les hôpitaux en Wallonie qu’en Flandre où les gens sont plutôt morts en maisons de repos. Dans notre hôpital, on a par ailleurs constaté qu’il y avait des patients plus âgés que dans d’autres régions et aussi plus de patients qui souffraient de plus de comorbidités comme l’obésité, le diabète, etc. Et on sait qu’il y a une série d’indicateurs de mortalité qui sont plus élevés dans le Hainaut qu’ailleurs. Ces indicateurs, nous les connaissons et ils nous interpellent mais ils sont liés au statut socio-économique de cette province".

La tentation serait forte de comparer les chiffres bruts des Régions, provinces ou hôpitaux entre eux mais cette comparaison nécessite une analyse plus fine tenant compte de multiples facteurs, sous peine de ne pas comprendre ce qui s’est passé pendant la pandémie de coronavirus, voire de déprécier certaines structures hospitalières pour de mauvaises raisons.

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